Margaux : quel millésime 2021 ?

La météo de l’année 2021 aura rendu la naissance du millésime compliquée pour les viticulteurs, et des inquiétudes ont pu naître concernant la qualité de la vendange. Qu’en est-il sur l’appellation Margaux ?

Tout d’abord, il faut constater que dans un contexte d’élévation des températures moyennes et de vendanges précoces depuis quelques décennies, le calendrier de vendange s’est recalé sur la normale.

Les accidents climatiques ont été de deux ordres. Tout d’abord le gel du mois d’avril, qui a obligé la vigne à se relancer et qui a créé une certaine hétérogénéité. Puis un mois de juin très pluvieux et humide qui a favorisé les attaques de mildiou notamment. Le mois de juillet a entretenu ce milieu humide, et des inquiétudes ont pu se faire sentir jusqu’au début du mois d’aout. « Il y avait un certain suspens » comme le rappelle Augustin Lacaille, le directeur général du château d’Issan à Margaux  (3ème grand cru classé 1855), et ceci, jusqu’au démarrage des vendanges. Puis, le petit miracle s’est produit : certes ce ne furent pas les grands chaleurs mais les courbes fournies par le château Giscours permettent de tirer quelques enseignements.

– Il y a eu des pluies raisonnables et bienvenues qui ont permis à la vigne de bien relancer le  processus de maturation. D’abord au milieu de septembre, juste un peu avant les premières vendanges de merlot, avec un cumul d’environ 40 ml (ordonnée de droite sur le tableau), puis fin septembre et tout début octobre, des arrosages modérés qui n’ont pas affecté la qualité de la vendange. Dans ce contexte ,« il était compliqué de fixer les dates de vendanges » nous dit Antoine Médeville l’œnologue du laboratoire Œnoconseil à Pauillac, surtout pour les merlots.

– Sur le plan des températures (ordonnée de gauche sur le tableau), il faut surtout observer ce qui s’est passé début octobre : un plateau des maximales autour des 20 degrés a permis à la maturité de s’achever dans de bonnes conditions et des minimales assez fraîches (jusqu’à 4°C le 10 octobre) : ces écarts de températures ont favorisé la maturation des baies et « adouci les tannins » comme le dit Eric Pellon, Directeur technique au château d’Issan : cela oriente le vin vers davantage d’élégance.

Merlots et cabernets

Les merlots ont été « ramassés parfois sous la pluie pour les premières vendanges mais certains châteaux ont fini sous le beau temps. Leur vendanges ont été assez étalées » nous dit encore Antoine Medeville. « C’est un décalage non négligeable » et sans doute y aura-t-il une sélection des lots plus rigoureuse. « Sur les maturités, on est revenu à des degrés un peu plus normaux, 12,5° en moyenne, avec des acides plus élevés notamment l’acide malique assez important, ce qui va donner des vins équilibrés avec une bonne acidité et de la fraîcheur. On sera sur le fruit, avec un peu moins de concentration pour ces merlots que ce qu’on a pu avoir les dernières années ».

Les cabernets ont en général bénéficié de bonnes conditions. Jérôme Poisson, le Directeur Général du château Giscours (3ème grand cru classé 1855) témoigne : « on était encore plein d’incertitudes sur les cabernets. Ils sont partis fort, les pluies ont ralenti la maturation , mais vers le 3 octobre, il y a eu peu de pluie, et les températures ont bien diminué. On a pris le risque d’attendre et les 10 derniers jours ont été très bénéfiques » au vu de la météo favorable qui s’est installée. Bon nombre de châteaux ont adopté cette conduite. Jérôme Poisson poursuit : « On a laissé la maturité se faire.  Ce fut finalement une belle semaine ». Les mesures lui donnent raison : « des PH à 3,5 et des alcools naturels à 13° ». Un château Giscours peu touché par le gel et qui annonce des rendements autour de 40 hl/ha. Jérôme Poisson est conscient de sa chance. Antoine Medeville rappelle qu’ils ont été « ramassés à bonne maturité, avec une bonne acidité : ce sont de très beaux cabernets, avec un bon potentiel en anthocyane ». Et de souligner « leur belle maturité phénolique ». Ils participeront aussi à la concentration des vins grâce à leur « belle matière et leur couleur ».

Au château d’Issan, on indique qu’il est possible que, dans les assemblages, la proportion de cabernet sauvignon soit au dessus de ce que l’on a l’habitude de faire.

A quels millésimes pourrait ressembler le 2021 ?

Il faut rester prudent car les fermentations du cabernet sauvignon ne sont pas achevées et les assemblages ne se feront que vers janvier 2022, mais Eric Pellon évoque facilement le 2014 ou le 2001 : ce dernier « avait des aromatiques très marqués et quand même de la puissance ». Augustin Lacaille, quant à lui, indique « qu’on va avoir de belles surprises. Les premières cuves sèches (NDLR : qui ont achevé leur fermentation) de merlot ont un profil très aromatique. D’une manière générale on va avoir des vins tout en élégance et en équilibre ».

Après un début d’année compliqué, ce rattrapage dû à une météo favorable a de quoi rassurer. Verdict dans quelques mois, pour les Primeurs.

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