[Bordeaux Tasting] Champagne Thiénot : la plus jeune des grandes maisons

Un grand champagne repose d’abord sur de beaux raisins. Il en va cependant comme des champignons, chacun tient secret les bons coins et les meilleurs vignerons partenaires. Ne comptez pas sur vos collègues pour vendre la mèche ! Pour une maison, la quête peut prendre des dizaines d’années, parfois des siècles, à moins de passer d’abord par l’école du courtage… Tel est le secret du champagne Thiénot qui présente aujourd’hui à Bordeaux Tasting, au sein de l’Espace Saint-Rémi, trois superbes cuvées : un Brut et deux millésimes 2008.

Vous aimez les success-story ? Celle du champagne Thiénot vous passionnera. Alors que la plupart des grandes maisons ont au moins 200 ans, temps nécessaire pour créer des relations avec les vignerons, trouver les approvisionnements, asseoir ses circuits commerciaux, Alain Thiénot a réussi à se hisser parmi elles en 30 ans à peine ! Son secret ? Une première carrière en tant que courtier, cet intermédiaire essentiel entre les vignerons et les négociants lorsqu’il faut vendre les raisins. En 17 ans d’exercice, Alain Thiénot est parvenu à occuper 20 % de ce marché, ce qui lui a permis d’acquérir une connaissance fine des terroirs et de développer des relations de confiance très fortes chez les vignerons. Plutôt que de continuer à prendre des parts à ses concurrents, il a préféré tirer parti de ce réseau dans le vignoble pour créer sa propre maison de Champagne en 1985.

Alain Thiénot possédait déjà quelques vignes. Dans les années 1970, Krug l’avait en effet mandaté pour vendre 5 hectares à Aÿ. « Il a fait le tour de la Champagne, personne n’en voulait ce qui peut paraître invraisemblable aujourd’hui où un tel lot ne resterait pas deux heures en vente. Mais, avec la crise pétrolière, beaucoup de maisons se trouvaient en difficulté. Il s’est donc finalement lui-même porté acquéreur » explique Nicolas Uriel, le chef de caves. Au fil des années, à côté de ses approvisionnements auprès de vignerons indépendants, Alain Thiénot a continué à développer ce domaine. Aujourd’hui, la maison possède une trentaine d’hectares, principalement dans la grande vallée (Aÿ, Cumières, Damery), six hectares dans le Sézannais et un hectare au Mesnil-sur-Oger. On n’oubliera pas à Avize la fameuse « vigne aux gamins », une parcelle de vieux plants toujours très mûrs, vinifiée à part et millésimée chaque année.

Un Brut sans année aux fruits croquants (36 €)

Aujourd’hui, à Bordeaux Tasting, le champagne Thiénot présente trois cuvées. Il faut commencer par son BSA, puisque traditionnellement cette qualité représente la carte de visite d’une maison. Celui-ci assemble les trois grands cépages, chardonnay, meunier, pinot noir, avec une maturation sur lies particulièrement longue (la base vendanges est encore 2015 !). « À la dégustation, il ne donne pas la sensation d’avoir connu un passage en cave aussi prolongé, ce qui résulte des précautions prises depuis le pressurage jusqu’au dégorgement pour éviter tout vieillissement prématuré. Le but de notre BSA est d’être d’abord sur des fruits croquants et désaltérants : la pêche, la poire… Ils sont plutôt juteux, frais, même si avec le vieillissement on commence à avoir une petite maturité briochée, mais sans beurre. Ce côté pain frais vient s’ajouter à la corbeille de fruits du verger pour donner quelque chose de très digeste ».

Alors que souvent dans cet assemblage, le chardonnay domine, en 2015, il ne constitue que 20 % de la cuvée au profit du pinot noir et du meunier. « Cette année-là nous peinions à trouver la fraîcheur qui correspond au style de la cuvée sur les chardonnays. Elle était présente sur ce que j’appelle la montagne blanche, l’extrême Est de la montagne de Reims autour de Trépail et Villers-Marmery. L’été 2015 a en effet été très chaud, et on a eu une maturité galopante en fin de cycle. Dans beaucoup de cas, on a peut-être trop anticipé et vendangé trop tôt en se concentrant sur la maturité technologique au détriment de la maturité aromatique. Cela fait partie de ces premiers millésimes chauds où on ne savait pas encore gérer ce type de problématique. » On notera que l’impact négatif de cette vague de chaleur du mois d’août a été moins visible sur le meunier, d’où sa proportion plus importante. « C’est un cépage qui ne prend pas en degré aussi vite que les deux autres, on a donc pu avoir une meilleure maturité aromatique. »

La cuvée Stanislas Thiénot 2008, un blanc de blancs qui équilibre fraîcheur et crémosité (80 €)

On ne manquera pas ensuite les deux millésimes 2008. Le premier est un blanc de blancs, la cuvée Stanislas Thiénot. « Il n’y a pas de recette mais globalement on retrouve souvent le même schéma : plus de 90 % de grands blancs de la Côte des blancs, sur les terroirs de Cramant, Chouilly et Avize, et 10 % de chardonnays issus des alentours d’Epernay (Monthelon, Mancy). Le chardonnay a plutôt une réputation de fraîcheur, or il est ici associé à une campagne viticole où les températures n’ont pas été très élevées et où les maturations ont été lentes mais très belles, avec des niveaux d’acidité importants sans être agressifs. Ce sont des équilibres qu’on aime bien en Champagne. » Après une dizaine d’années en cave, si on retrouve encore cette vivacité, elle s’associe désormais à une maturité sans oxydation, avec un côté légèrement beurré et crémeux. On est sur la pistache, la noisette, les fruits secs… On notera aussi la salinité, qualité appréciée chez Thiénot que l’on veille à ne pas masquer, ce qui explique sans doute ce choix d’un dosage relativement faible (4g) malgré la fraîcheur de l’année.

Alain Thiénot 2008 : les bénéfices d’un millésime à lente maturation (80 €)

L’autre 2008 est la cuvée Alain Thiénot qui équilibre chardonnay et pinot noir. Son objectif ? Obtenir un vin complexe mais sans lourdeur. Or, en 2008, les pinots noirs, grâce à cette maturation lente, sont justement puissants sans être écrasants et n’ont pas ce côté solaire qui nuit parfois à la finesse des vins. « Nous ne sommes pas comme les régions où on fait des rouges, et où on a besoin de matière, d’anthocyanes, de tanin« . Issus de la grande vallée de la Marne avec des expositions Sud et Sud-Est, les pinots noirs n’en demeurent pas moins charnus et juteux avec de belles expressions sur les fruits jaunes, l’abricot, la pêche, ils viennent donner un peu de volume au vin. Pour les chardonnays, comme dans la cuvée Stanislas, on part sur les grands blancs, mais également une petite proportion de Vitryat : « ce sont des raisins recherchés parce qu’ils peuvent donner un côté aérien bienvenu, surtout avec le réchauffement actuel. Ils accentuent le côté agrumes frais lorsque vous avez quelque chose d’un peu trop crémeux et gras qui risque de se caricaturer avec le vieillissement« . L’ensemble dosé à 6 grammes est très expressif. Il combine quelques notes grillées, les fruits jaunes murs du pinot noir et des arômes de fleurs séchées. Le must serait de le déguster sur une belle volaille accompagnée d’une sauce aux morilles.

www.thienot.com

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