De Sousa : le champagne traduit en langage des signes

Le saviez-vous ? Tous les deux ans, Reims accueille un festival international destiné aux arts de la langue des signes ! Pour autant, jusqu’ici aucune maison de champagne n’avait pensé à présenter ses vins dans cette langue. C’est le projet développé par Julie et Charlotte de Sousa, vigneronnes à Avize.

L’initiative prise par Julie et Charlotte de Sousa, vigneronnes sur la Côte des Blancs, est toute simple : créer des vidéos présentant leurs cuvées traduites en simultané en langage des signes. On pense toujours à multiplier les supports en langues étrangères pour élargir au maximum les publics, mais on oublie trop souvent les malentendants qui peuvent se retrouver comme des étrangers dans leur propre pays. Cet acte solidaire permet aussi d’élargir la clientèle de la maison qui se voit ainsi référencée sur certains sites spécialisés.

Les deux sœurs veulent aller plus loin et ont elles-mêmes commencé l’apprentissage de ce langage formalisé pour la première fois par l’abbé de l’Epée au XVIIIe siècle, une innovation aussi française que le champagne et aussi universelle puisqu’elle est utilisée par les malentendants du monde entier (il existe certes plusieurs langues, mais elles partagent beaucoup de structures). Julie raconte : « Nous avons commencé notre initiation avec l’association des sourds de Reims Champagne-Ardenne (l’ASRCA) et nous sommes en train de passer les niveaux pour être autonomes. Cette association n’est d’ailleurs pas sans lien avec le monde du champagne, elle a été créée par Emile Mercier, l’un des fils d’Eugène, le fondateur de la célèbre maison sparnacienne. Malentendant de naissance, Emile fut l’un des grands artisans historiques de la mutualité sourde. A termes, nous souhaitons pouvoir nous exprimer en langage des signes sans traducteur que ce soit dans le cadre des visites ou sur les vidéos. » L’idée est venue avec la naissance du deuxième enfant de Charlotte. Elle s’est alors intéressée au langage des signes pour bébés, qui permet à ces derniers de commencer à s’exprimer avant même de savoir parler, ce qui peut éviter frustrations et colères. Enthousiasmée par cette méthode, elle a voulu aller plus loin en partant à la découverte du véritable langage des signes.

Il s’agit visiblement d’une première dans une Champagne qui se veut pourtant toujours plus inclusive. « On a déjà vu des domaines qui ont des étiquettes en braille, ou encore des vidéos sous-titrées, mais jamais signées. » Nul doute qu’en intégrant davantage les malentendants dans l’univers du vin, celui-ci en sortira enrichi d’autant que très souvent la privation d’un sens affute les autres. Les aveugles sont par exemple de fins dégustateurs. Selon la légende, Dom Pérignon n’était-il pas atteint de cécité ?

La description des différentes saveurs par des signes plutôt que par des sons ouvre aussi de nouvelles perspectives et certainement de nouveaux jeux de correspondances sensorielles. « La façon dont on parle est presqu’inversée. Le lieu, le contexte et sa mise en place arrivent en premier. C’est un peu comme si on décrivait une image, un film. C’est une autre vision du monde. » Le langage des signes est beaucoup plus direct. Par des gestes, il dessine souvent littéralement les choses si bien que, sans même connaître la langue, l’interlocuteur peut parfois comprendre. Une personne veut signifier la fraîcheur ? Elle agite ses mains comme un éventail devant son visage… Ainsi, il n’est pas impossible que ce langage permette d’échapper plus facilement à l’ambigüité de certains termes qui affecte les descriptions liées aux dégustations.

Profitant du lancement d’une gamme de coteaux champenois, Julie et Charlotte devraient diffuser au mois de janvier leur première vidéo où elles s’exprimeront de manière autonome. Il s’agira d’un rouge d’Ambonnay et de deux blancs, l’un du Mesnil, l’autre d’Avize. « Il y a beaucoup de vignerons en ce moment qui sortent des coteaux parce qu’on a eu des années intéressantes. Pour Ambonnay, cela faisait déjà un petit moment que nous faisions notre rouge là-bas, mais avant nous le gardions pour l’assemblage du champagne rosé. Comme l’année 2018 nous a permis d’avoir de beaux degrés, cela nous a donné envie de nous lancer. Pour chaque cuvée, il n’y aura que 300 bouteilles. Le principe a été en effet de sélectionner à chaque fois le meilleur fût du cru. C’est une belle manière de montrer l’ampleur du millésime et la qualité de ces coteaux qui ressemblent beaucoup à des Bourgognes. Quant aux blancs d’Avize et du Mesnil, la comparaison des deux terroirs est passionnante ».

QR code pour la Cuvée Tradition traduit en LSF

A noter aussi que du 30 juin au 3 juillet aura lieu le festival « Clin d’œil » consacré aux arts de la langue des signes à Reims où viennent tous les deux ans des malentendants du monde entier (ils étaient 20.000 en 2019). Pour cette édition spéciale qui fête le 10ème anniversaire de cet événement, le pays invité est la Corée du Sud.  La famille de Sousa, en partenariat avec l’ASRC, organisera trois jours de portes ouvertes, où les deux sœurs qui espèrent avoir d’ici-là le niveau nécessaire, proposeront leurs premières visites du domaine en langage signé.

La présentation de la cuvée des Caudalies traduite en simultanée en langue des signes.

Vous voulez apprendre les mots essentiels du vocabulaire du vin en LSF, visionnez cette vidéo :

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