Comtes de Champagne 2012 ou le parfait équilibre entre verticalité et horizontalité

Comtes de Champagne 2012 décoche une flèche qui vient frapper en plein milieu de la cible, équilibrant tous les paramètres : tension, minéralité, fruité, structure, texture… Alexandre Ponnavoy, chef de caves de la Maison Taittinger, nous en dit plus sur ce grand seigneur des chardonnays

Qu’est-ce qui fait que l’on choisit ou non de faire une année un Comtes de Champagne ?

La décision ne repose pas seulement sur la qualité du millésime, mais aussi sur le potentiel de vieillissement. Sur une année comme 2009, qui ressort bien dans les annales, où les chardonnays étaient intéressants par leur gourmandise, on a observé qu’ils étaient en même temps un peu trop ouverts. Un autre élément qui garantit le contrat qualitatif, consiste à ne pas avoir déterminé de volumétrie, ce qui nous permet, dans les années moins homogènes, d’opérer une sélection, quitte à réduire considérablement le tirage. In fine, seule compte la dégustation des vins clairs.

Comment décririez-vous l’architecture de votre assemblage ?

C’est une osmose entre cinq Grands Crus. Chouilly est utilisé pour la partie bois (mais pas uniquement), parce que l’on y trouve un chardonnay plus structuré, capiteux et chaleureux. À Avize, on retrouvera une expression plus élégante, aérienne, en dentelles. Mesnil représente la partie charnelle et puissante. Oger a un caractère fruité. Quant à Cramant, c’est l’un des crus où la salinité ressort le plus. Nous assemblons ainsi vraiment nos chardonnays comme un vin auquel nous ajoutons ensuite simplement la finesse de la bulle.

Comment caractériseriez-vous ce nouveau millésime 2012 par rapport au précédent ?

2011 était un millésime solaire. Dans l’univers des « Comtes », il s’agit du plus voluptueux que nous ayons eu, avec ses notes gourmandes de pain d’épices, de réglisse, de meringue. 2012 a été une année particulière du point de vue végétatif. Au printemps, le gel, les pluies diluviennes, et des températures froides au moment de la floraison ont mis la vigne à rude épreuve. L’été ensoleillé et la faible charge ont cependant permis d’atteindre une parfaite maturité. Le vin porte la trace de cette campagne contrastée avec d’une part une grande fraîcheur et une certaine précision, et en même temps une maturité prononcée et une belle structure. Au nez, en première approche, on a cette pointe de réduction qui est dans l’ADN de la cuvée, et que nous travaillons. S’exprime alors la minéralité du terroir, la craie. Puis, sur l’aération, on est davantage sur des arômes légèrement toastés, torréfiés et vanillés. On sent très légèrement la patine du bois, qui représente 6 % de l’assemblage, et qui vient souligner l’ensemble, mais sans prendre le dessus sur la complexité aromatique. Sa présence se confond presque avec le côté noisette du chardonnay. La bouche, très cohérente avec le nez, offre des notes puissantes d’acacia, mais aussi beaucoup de fruit et de texture.

Quels accords suggèreriez-vous ?

Certains champagnes sont horizontaux, d’autres, verticaux. 2008 était vertical, 2011 très horizontal. 2012 se situe entre les deux. On peut donc suggérer des accords moins salins et iodés que sur le 2008. Le consommateur pourra aller vers des choses plus crémeuses et gourmandes, même s’il peut rester sur des produits de la mer. Simplement, plutôt que l’huître, il préfèrera sans doute le turbot à la crème ou le homard qui a de la chair. La viande blanche peut fonctionner. En réalité, 2012 est davantage tout terrain, parce qu’il s’exprime pleinement.

Avec la maison Lehman, vous avez développé un verre spécial…

Nous avons décidé de ne pas partir complètement sur un verre à vin parce que nous voulons continuer à mettre aussi en avant l’effervescence. Les verres trop proches de ceux conçus pour les vins tranquilles ont tendance à ouvrir démesurément le vin et à créer une discordance avec la verticalité du champagne. Ici, nous sommes sur un bel équilibre. Le verre concentre les arômes sur la partie haute, et en particulier le fruit in fine, mais sans perdre la tension, la minéralité et la fraîcheur.

En Champagne les ventes s’orientent de plus en plus vers les cuvées premiums, pensez-vous à l’avenir augmenter le tirage de Comtes de Champagne ?

Comtes de Champagne a toujours été issu exclusivement des cinq Grands Crus de la Côte des Blancs même si nous ne le revendiquions pas. Nous avions donc dès le départ placé cette cuvée sous le signe de la rareté. À partir du millésime 2007, nous avons fait apparaître la dénomination « Grands Crus », confirmant définitivement ce choix qui nous empêche d’envisager des possibilités de croissance significative.

Prix recommandé : 200 €

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