Des vins haut-de-gamme au château de Thil

Florence et Daniel Cathiard, propriétaires depuis 1990 de Smith Haut Lafitte, ont acheté le Château le Thil en 2012 avec une vision assez claire de ce qu’ils pouvaient en faire.

Le Château Le Thil, est une demeure bordelaise traditionnelle dotée d’un parc d’une exceptionnelle beauté, créé par Louis-Bernard Fisher. Ce jardinier de génie, horticulteur et paysagiste français du 19ème siècle était très apprécié par la bourgeoisie bordelaise qui lui confiait bien des réalisations, dans le style des jardins irréguliers à l’anglaise et dont la plus célèbre, est sans doute celle du jardin public de Bordeaux. On mentionnera également les parcs des châteaux Les Carmes Haut-Brion à Bordeaux, Cantemerle en Médoc ou Filhot à Sauternes. Au parc du Thil, le promeneur suit le tracé ample des allées et reste frappé par les vastes espaces en légère pente où les évènements sont essentiellement végétaux : chênes et séquoias séculaires, hêtre pleureur … un véritable arboretum. Rien d’ étonnant que ce parc ait été classé en 2015 par les monuments historiques.

Quant à la Chartreuse, elle n’était que partiellement habitée en 2012, et la situation de copropriété de la famille de Laitre n’aidait pas lorsqu’il fallait s’entendre pour réaliser des travaux d’entretien. Et si un budget avait bien été dédié à la rénovation de la bâtisse, il a été dépassé pour arriver à boucler les travaux car il y eut quelques surprises. Mais le résultat est splendide. Onze chambres, la plupart à l’étage laissant le rez-de-chaussée pour les salons en enfilade qui accueillent les petits déjeuner ou les séminaires d’entreprises. Et si il y a un parc et une chartreuse, il y a aussi un vignoble.

Un terroir à fort potentiel.

« L’idée de Daniel Cathiard est de faire un vin haut de gamme, rond et puissant » indique tout de suite Fabien Teitgen, le winemaker de Smith Haut Lafitte. Il poursuit : « Les vins du Thil, avant le rachat, étaient assez charmants, moins centrés, un peu plus fluides et légers que ceux de maintenant, avec un peu moins de précision dans la texture. C’étaient des vins de bon aloi ». Plusieurs facteurs étaient responsables de ce déficit de qualité. « L’investissement à long terme sur le vignoble a été négligé » dit Fabien Teitgen avec notamment « une absence de complantation et de fertilisation ». Des points qui permettent certes de faire des économies mais qui ont eu pour conséquences d’affaiblir la vigne. En outre le parcellaire était à revoir : « l’idée de faire une cuvée avec des merlots sur un sol argilo-calcaire est une idée ancienne. C’est la raison pour laquelle nous y avons planté des cabernets francs ». On reste tout de même sur une dominante de merlot et l’objectif est de monter la proportion de cabernet franc à 20 % voire 25 %. Les sols sont à dominante froide avec une exposition au sud : « nous aurons donc une caractéristique d’équilibre et de fraîcheur qui est un atout au Thil »

Terre de Vins a aimé

Les derniers millésimes prouvent que l’objectif de faire un vin haut de gamme, rond et puissant est atteint. D’une manière générale la matière est assez fournie : elle est davantage la traduction du terroir que d’une volonté délibérée de faire un vin dense. Mais le coté massif est équilibré par la maturité qui apporte de l’onctuosité.

Le Thil 2018. Nez explosif, complexe, sur des notes de tabac blond, de petits fruits rouges et de cassis. Un deuxième nez terreux. L’attaque est assez large, sur une jolie concentration. C’est plein, assez costaud, on a de la mâche, la trame tannique se révèle assez importante, sérieuse, un peu crayeuse : elle est l’expression de ce sol froid. Mais le fruit et la rondeur qui sont la marque du coté solaire et de la maturité rééquilibre l’ensemble. On n’a pas affaire à un vin immédiat avec ce solide 2018. Un potentiel de garde avéré.
Le Thil 2019. Le nez est pudique, sur la retenue, subtil. Il révèle un coté floral (glycine) et de fruits rouges plus prononcé que le 2018. La maturité est plus accomplie. À l’agitation, montent de splendides notes, très nettes, de clou de girofle, de graphite et de tabac. Bouche en cohérence. La trame tanique est finement texturée. On est davantage dans l’opulence, et le coté solaire permet de dépasser le coté massif. Une très belle réalisation !

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[Entretien] Freixenet Gratien : toujours plus de bulles !

2022 marque une année historique pour le groupe Freixenet Gratien qui atteint pour la première fois 10 % de la part du marché des effervescents en valeur en France (hors champagne). Nous sommes allés interroger Olivier Dupré son président, pour mieux comprendre l’insolente prospérité des vins effervescents, alors que le marché des vins tranquilles se fait plus morose.

Comment se porte le groupe Freixenet X Gratien et plus globalement le groupe Henkell Freixenet ?

En France, nous sommes le troisième intervenant sur le marché, derrière la Compagnie française des grands vins et Castel, mais pour la deuxième année, l’entreprise peut être fière d’être le groupe qui a le plus contribué à la croissance en volume et en valeur du marché des vins effervescents (hors champagne). Toutes les marques du portefeuille ont battu des records, avec une progression en volume de 36,8 % pour le prosecco Mionetto, de 3 % pour le cava Freixenet et de 8,1% pour Festillant (vins effervescents sans alcool). Nous sommes bien positionnés pour atteindre les objectifs du groupe Henkell Freixenet qui, avec 270 millions de bouteilles vendues l’année dernière, représente aujourd’hui 9 % des volumes d’effervescents mondiaux, et souhaite atteindre les 10 % en 2025.

Le monde du vin du point de vue des volumes, est plutôt en régression, mais l’univers des sparklings, quel que soit la gamme, fait exception, comment l’expliquez-vous ?

D’abord, c’est un vin qui est connoté. Si vous demandez à n’importe quel consommateur dans le monde à quoi il rattache la bulle, il vous répondra à un moment festif. Les modes de consommation de la bulle sont aussi plus larges que ceux des vins tranquilles, c’est pourquoi elle attire la jeune génération. On peut prendre les bulles simplement à la coupe, les mettre en cocktail, les boire avec des glaçons… Les vins paraissent parfois trop sérieux, traditionnels, les bulles amènent un côté fun. Enfin, elles se développent parce qu’elles sont davantage portées par des marques, qui disposent de moyens marketing plus importants. En France, nous sommes limités par la loi Evin, mais en Allemagne ou dans les autres pays, nous faisons de la publicité à la télévision. Prenez une marque comme Freixenet, elle représente plus de 100 millions de bouteilles vendues chaque année ! Dans le monde des vins tranquilles, sauf éventuellement sur des produits d’entrée de gamme, on trouve très peu de marques avec de tels volumes et une telle force de frappe.

On parle beaucoup des nouvelles bulles anglaises…

Le groupe Henkell Freixenet est propriétaire d’une winery dans le Sussex, Bolney, rachetée en 2022. Les bulles anglaises dans l’ensemble représentent encore un petit volume, de l’ordre de 10 millions de cols, mais elles cartonnent sur le marché anglais, et figureront sans doute avec le réchauffement climatique parmi les plus grands effervescents dans trente ans. Notre domaine représente 300.000 bouteilles, nous possédons une dizaine d’hectares, et nous complétons en achetant du raisin. Le développement des vignes anglaises pose cependant des difficultés car les terres agricoles disponibles ne sont pas si nombreuses.

En tant que premier producteur au monde de vins effervescents, le groupe Henkell Freixenet doit s’appuyer sur une partie RD importante…

Il existe deux pôles. Celui de Wiesbaden, où sont développés de nouveaux produits et celui de Freixenet à proximité de Barcelone qui a beaucoup d’expertise, utilise ses propres ferments, et dispose d’un laboratoire important. Aujourd’hui, l’un des grands axes de recherche consiste à trouver les moyens de produire des vins moins alcoolisés. Doit-on y parvenir de manière naturelle ? Grâce à l’osmose inverse ? La distillation sous vide ? Avec le réchauffement climatique, les vins ont plus de degrés, alors qu’au contraire, le consommateur souhaiterait davantage une diminution. Sur le marché anglais, la problématique est aussi liée aux taxes : à moins de dix degrés, celles-ci sont moins importantes. Sur les questions de recherche liées à l’environnement, nous sommes également précurseurs. Gratien & Meyer a la bouteille la plus légère. Elle pèse moins de 700 grammes !

On voit l’œnotourisme exploser en Champagne, la Maison Alfred Gratien a-t-elle des projets ?

Nous possédons le 3ème chai à barriques de la Champagne, mais notre chef de caves n’aime pas le faire visiter. C’est un outil de travail, il n’a pas envie par exemple que les parfums de certaines dames ou de certains hommes viennent polluer les vins. L’idée serait d’imaginer un aménagement qui puisse le mettre davantage en valeur, et qui soit susceptible d’accroître notre capacité de réception un peu limitée dans notre boutique de 80 m2.

Quel est le premier marché d’Alfred Gratien ?

L’Angleterre ! Historiquement, nous fournissons la Wine Society depuis 1906, une coopérative à but non lucratif de 150.000 membres, qui est l’un des plus gros wine merchants du Royaume-Uni. Le deuxième marché, c’est la France, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans, mais avec la fusion Freixenet/Henkell, nous disposons d’une équipe commerciale dédiée aux CHR plus importante.

Alfred Gratien propose des vins d’une qualité incroyable, néanmoins le prix et la marque ne sont pas encore totalement en phase, avez-vous un plan pour premiumiser davantage ce champagne ?

Nous avons repensé notre packaging pour le rendre plus contemporain, en capitalisant notamment sur notre couronne qui est l’un des signes distinctifs de la Maison. Nous développons une nouvelle bouteille qui sera spécifique à la marque. Elle ressemblera à celle de la cuvée Paradis, tout en étant un peu plus ronde, ornée d’un blason, et reprenant le monogramme historique AG. Nous travaillons à une version allégée, en essayant de descendre en dessous de 800 g. La partie œnotouristique doit jouer un rôle important. Nous voulons toucher plus de VIP, proposer des tastings en one to one, avec par exemple des dégustations de vins clairs en présence de notre chef de caves, des accords fromages imaginés par un MOF. Enfin, il y a tout ce travail sur la distribution qui est de plus en plus sélective. En France par exemple, nous ciblons en priorité les étoilés…

La Maison Alfred Gratien est-elle appelée à croître en volume ?

Nous avons de beaux approvisionnements qui pourraient nous permettre d’atteindre 500.000 bouteilles, mais nous sommes limités par la taille des caves qui nous fixent un plafond de 450.000 bouteilles. Si un jour il y a un développement en Champagne, cela passera davantage par le rachat d’une autre maison.

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La bouteille à moins de 10 € : Mondeuse en Altitude 2021

Parce que la qualité d’un vin ne dépend pas de son prix, nous vous présentons chaque semaine une cuvée à moins de 10 euros qui nous a particulièrement enthousiasmés. Sans oublier les quelques accords mets-vin qui l’accommoderont au mieux.

Maison Adrien Vacher (73)
Mondeuse en Altitude 2021
AOC Savoie 5,50 €

C’est quoi ?

C’est un vin à tout petit prix qu’il faut découvrir. Cette mondeuse, cépage emblématique de la Savoie, est produite par la Maison Adrien Vacher. Cette dernière a été créée en 1950 à l’époque où la Savoie commençait à mettre du vin en bouteilles. Josette Vacher et son époux Henri Gayet prendront la suite d’Adrien Vacher et c’est aujourd’hui la quatrième génération qui préside aux destinées de la société. La gamme est très large avec plus de 200 références de vins de… Savoie.

Pourquoi ?

Nous l’avons dit, c’est un tout petit prix pour un vin de belle facture. C’est une très belle entrée en matière pour s’initier à la mondeuse, ce cépage racé et digeste. Ce vin est issu d’un terroir calcaire. Il est le résultat d’une vinification traditionnelle avec un égrappage total, une cuvaison en inox pour la maîtrise des températures. « Mondeuse en Altitude » se veut le vin le plus simple du monde pour avoir la photographie la plus pure de ce cépage dont la rusticité est noble.

Avec quoi ?

C’est le grain de groseille que l’on croque en bouche avec des parfums de violette qui caractérise souvent les mondeuses. Malgré la légèreté, on retrouve de la densité sur le fruit noir avec des notes de cuir voire de tapenade. La maison Adrien Vacher conseille cette cuvée avec des viandes rouges ou un magnifique plateau de fromages bien affinés au premier rang desquels le beaufort, le bleu de Tignes l’abondance ou la tomme de Savoie. On reste local et c’est tant mieux.

Maison Adrien Vacher (73) – AOC Savoie / 5,50 €
Se renseigner auprès du domaine : 04 79 28 11 48 ou www.adrien- vacher.fr

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Toulouse « Ville Européenne du Vin » 2023 !

Toulouse, capitale des vins du Sud-Ouest, a été désignée « Ville européenne du vin » pour 2023 par le réseau Recevin. Elle organisera pour l’occasion un riche programme de manifestations autour de la vigne et du vin ainsi que dans les territoires viticoles du Sud-Ouest.

« Ville européenne du vin » , un titre que Toulouse partagera avec la vallée du Douro. Une distinction équivalent à celle de la capitale européenne de la culture et remise chaque année depuis 1993 par le réseau Recevin qui fédère 800 villes dans 11 pays d’Europe pour la promotion de la richesse des territoires viticoles auprès des instances européennes. « Cette distinction sera l’occasion d’initier des partenariats avec d’autres vignobles européens » précisent Christophe Bou et Joël Boueilh, les deux présidents de l’Interprofession des Vins du Sud- Ouest (IVSO).

« C’est une fierté que de voir Toulouse positionnée sur LA carte des destinations incontournables en Europe pour tous les amoureux de vin. Et c’est l’opportunité de nous replonger dans l’histoire d’un commerce florissant qui a façonné une partie de nos infrastructures les plus remarquables, comme le canal du Midi » rappelle Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire de Toulouse chargé de la régie agricole et de la restauration. Car dès le troisième siècle avant notre ère, Tolosa a développé des relations commerciales autour du vin avec le reste de la Gaule ainsi qu’avec les Romains et différentes peuplades ibériques comme en témoignent les nombreux débris d’amphores retrouvés dans toute la ville au fil des siècles. Toulouse est restée un haut-lieu du commerce vinicole durant tout le Moyen-Âge, d’autant que les circulations engendrées par les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle, ont favorisé la diffusion ampélographique et le développement de la culture de la vigne. Ce qui explique la grande diversité de cépages, près de 300 dans tout le Sud-Ouest.

Un choix surprenant mais légitime

« Le choix de Toulouse peut surprendre de prime abord, la ville étant plutôt spontanément associée à l’aéronautique et parce que lorsque l’on parle de ville et vignoble, on pense davantage à Bordeaux, Dijon, Avignon ou Montpellier, reconnait volontiers Paul Fabre, le directeur de l’interprofession dont le siège est toulousain. Mais c’est aussi un haut lieu du vin et de la gastronomie par son art de vivre, promu en particulier par le réseau de restaurateurs et de bars à vins engagés sous la marque Sud-Ouest de coeur. Et c’est l’une des rares métropoles à bénéficier d’un vignoble sans compter celui voisin de Fronton ». La quatrième ville de France bénéficie de surcroît d’un important pôle d’enseignement, de formation et de recherche sur le sujet viti-oeno (agronomie, œnologie, sommellerie, commerce, géo-sociologie, histoire…).

Cette reconnaissance s’inscrit dans la continuité après l’adhésion l’an dernier au réseau « Itervitis – Les Chemins de la Vigne », route culturelle européenne de la vigne et du vin qui relie les territoires du Sud-Ouest et la métropole notamment via les sept chemins de Saint-Jacques de Compostelle. « Nous sommes dans une structuration permanente, insiste Paul Fabre. Nous avons construit le linéaire des vins du Sud-Ouest, établit la carte des vignobles, créé le bassin viticole, l’Interprofession, le comité régional de l’Inao,…tout est dans le droit fil de ce cheminement malgré les difficultés liées à un très vaste territoire, du pays basque à l’Aveyron. Et cela contribue à l’accroissement et au renforcement des synergies entre la ville et les appellations ».

Une année très animée

Le nouveau statut va permettre de mettre en place un programme d’actions, à commencer par l’invitation du co-lauréat portugais en guest star du concours des vins du Sud-ouest et une visite retour dans le Douro. Egalement au programme, la participation des vins du Sud-Ouest au Festival du Bien Manger du 7 au 9 juillet et à la grande Fête des Vendanges les 20 et 21 octobre place du Capitole, aux salons Vins & Terroirs, à des dégustations en musique, lectures œnologiques, performances théâtrales avec le collectif de femmes PFFF, expos de photos, peintures, festival de court-métrages avec les Vignerons Indépendants, un cycle de conférences tourisme, santé, sciences… Un programme qui se veut fédérateur, à Toulouse mais également dans différents vignobles du Sud-Ouest.

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Wine Paris & Vinexpo Paris : les spiritueux en force

Le salon Wine Paris & Vinexpo Paris ferme ses portes ce soir après trois jours de rendez-vous professionnels dont le succès confirme que la capitale française s’impose comme une nouvelle place forte du business du vin. Les spiritueux ne sont pas en reste, avec un espace « Be Spirits » qui ne cesse de s’étoffer.

Ce n’est plus un secret, l’univers des spiritueux est en pleine explosion. Même le concours de Meilleur Sommelier du Monde, qui a récemment consacré Raimonds Tomsons, exigeait des candidats d’avoir des connaissances solides en la matière, tout comme en mixologie. Ce secteur en pleine effervescence s’appuie sur une forte assise de grands groupes historiquement leaders (Diageo, Pernod-Ricard, Beam Suntory…), sur un essor considérable du craft (ces distilleries artisanales et indépendantes qui éclosent aux quatre coins du monde), sur une nouvelle dynamique autour des bartenders et de leur créativité, mais aussi de tendances qui ne cessent de se renouveler, du Low Alcohol au Ready To Drink en passant par les alcools japonais, l’ultralocal, les alcools d’agave mexicains, etc.

Cet état des lieux était particulièrement prégnant lors des trois jours du salon Wine Paris & Vinexpo Paris, qui ferme ses portes ce soir à la Porte de Versailles. L’espace « Be Spirits », intégralement dédié aux spiritueux et installé dans le Hall 2 du Parc des Expositions parisien, ne cesse de gagner en ampleur et en visibilité : 160 exposants y sont réunis cette année, dont un tiers d’étrangers, et le fameux Infinite Bar déclinant le savoir-faire combiné de différentes marques et bars à cocktails ne désemplit pas. En slalomant entre les stands, on relève bien la présence de toutes les grandes tendances citées plus haut, mais aussi l’offensive du rhum et du cognac qui occupent largement le terrain.

L’armagnac n’est pas en reste. Avec un stand très original, entre le speakeasy et la fausse pharmacie « Vital Dufour » (l’ecclésiastique qui, au XIVème siècle, venta les 40 vertus de l’aygue ardente), le BNIA confirme la belle dynamique actuelle autour de l’eau-de-vie gasconne, dont la diversité et l’authenticité sont les atouts majeurs. Après avoir consacré les dernières années à un gros travail de fond pour changer l’image du produit, l’interprofession entend désormais « faire moins mais mieux » en mettant le paquet sur le plan Armagnac 2030, en renforçant la stratégie de pédagogie auprès des professionnels, et en doublant le volume de distillation en trois ans, conformément aux souhaits du nouveau président Jérôme Delord. Une dégustation des différents échantillons présents sur le stand permet de s’assurer de l’incroyable éventail de profils et de saveurs que l’armagnac est capable de déployer, avec notamment de jeunes opérateurs comme Horgelus, les frères Laffitte, mais aussi des maisons renommées comme Veuve Goudoulin, Fontan, Arton, ou le Domaine d’Espérance. À noter que, dans le cadre des prix remis par le média professionnel Cavistes et E-commerce en marge de Wine Paris, deux maisons d’Armagnac ont été récompensées : Dartiguelongue pour sa démarche écoresponsable avec son armagnac « Organic », et Laubade pour son innovation avec sa cuvée « XF » élevée en fûts sous chauffe extra-forte.

Le whisky français a également le vent poupe. Armorik, le single malt de la distillerie Warenghem dans les Côtes-d’Armor (dont nous vous parlions il y a quelques jours à l’occasion de Millésime Bio), a ainsi vu son single malt 15 ans (89 €) récompensé du prix du meilleur whisky lors des mêmes trophées remis par Cavistes et E-commerce. Un bel accomplissement pour un spiritueux français qui doit faire sa place face aux poids lourds écossais ou irlandais. Armorik, qui fête cette année ses 25 ans et a vu une partie de sa gamme passer en bio il y a deux ans, inaugurera en avril sa propre tonnellerie, et envisage à terme de se doter de sa propre malterie. Une décision qui a été prise de longue date par une autre figure de proue historique du whisky français, Rozelieures. La maison basée depuis six générations en Meurthe-et-Moselle produit du whisky depuis le début des années 2000. Avec 300 hectares de céréales dont un-tiers consacré à l’orge, elle gère à 100% ses approvisionnements pour le whisky, et opère elle-même son maltage grâce à son unité inaugurée en 2017. Elle se veut autonome en énergie à 80%, a lancé il y a quinze ans une unité de méthanisation en partenariat avec des éleveurs voisins, et achève sa troisième année de conversion bio sur une cinquantaine d’hectares. En moins de vingt ans, la gamme de Rozelieures s’est bien installée dans le paysage du whisky, et ne cesse de se réinventer : le lancement en 2021 de « parcellaires » exprimant l’identité de l’orge sur différents types de sols, à la manière du vin, a remporté un grand succès auprès des amateurs. Ce printemps verra la sortie d’un délicieux single cask tourbé vieilli en fût de Jurançon (environ 60 €) ainsi qu’un brut de fût, en attendant à la rentrée un nouveau single malt taillé pour la mixologie.

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[Bourgogne] Entretien avec Stéphane Garrigue, nouveau directeur de la cave de Lugny 

L’ancien des Vignerons Catalans prend la direction générale de cette coopérative spécialisée dans les blancs et les crémants du Mâconnais, dans une excellente dynamique ces dernières années. Il succède à ce poste à Édouard Cassanet. Entretien.

Quel parcours vous a mené jusqu’à la Bourgogne du sud ?

Après une école de commerce à Paris, je me suis immédiatement expatrié aux États-Unis, où j’ai commercialisé des vins et spiritueux français pendant 10 ans. Là-bas, je me suis familiarisé avec le marketing à l’américaine, cet univers de construction de marque et de compréhension du consommateur. De retour en France, j’ai pris la direction commerciale des Vignerons Catalans, où j’ai notamment participé au lancement de la marque Fruité Catalan. Je me souviens de salons Vinexpo ou nous avions fait venir des conteneurs de fruits et légumes locaux, qu’on avait distribué aux participants. Ça avait fait un gros buzz ! Et mon dernier poste avant Lugny était au siège social d’Advini, toujours dans la distribution.

Pourquoi Lugny ?

Cette cave possède tout ce qui attire aujourd’hui les consommateurs : une qualité de vin excellente, une couleur tendance et une région tendance, le tout très accessible et disponible. C’est aussi une société très bien gérée. La cave de Lugny a beaucoup d’avenir.

Justement, quels projets vont vous occuper ces prochaines années ?

Le projet, c’est la continuité. La qualité n’a fait que progresser ces dernières années, et les consommateurs attendent maintenant cette qualité irréprochable. Nous souhaitons accélérer notre développement dans le secteur traditionnel. Je pense qu’il y a une vrai demande de la part des restaurants et des cavistes, surtout en France, où nous ne sommes pas encore assez présents. On se positionne comme le luxe abordable de la Bourgogne.

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Minuty chez LVMH

C’est désormais officiel. Le château Minuty de la famille Matton intègre le portefeuille du groupe LVMH.

Le bruit courrait dans le vignoble depuis plusieurs mois et les rumeurs de vente s’étaient succédé depuis près d’une dizaine d’années, le rachat par LVMH ayant déjà été annoncé à l’époque où le groupe de Bernard Arnault ne s’intéressait pas encore au sujet. C’est désormais officiel, le château Minuty intègre le portefeuille de LVMH qui comprend déjà en terres provençales le Château Galoupet depuis 2019 et le Château d’Esclans depuis 2020. « Il reste peu de propriétés en Provence qui appartiennent en totalité et depuis 80 ans à la même famille avec un nom et une telle notoriété » déclarait encore l’année dernière François Matton. Hennessy et Minuty ont donc conclu « une alliance stratégique en vue d’accompagner le développement international du Château Minuty, cru classé des Côtes-de-Provence depuis 1955. Cet accord prévoit une prise de participation majoritaire de Moët Hennessy au capital, la famille Matton demeurant « pleinement investie dans le domaine ». Jean-Etienne et François Matton, ses deux dirigeants actuels, conservant la direction. « C’est une immense fierté pour le groupe que de sceller un partenariat stratégique avec Minuty, l’un des leaders du rosé de Provence dans le monde » a déclaré Philippe Schaus, Président-directeur général de Moët Hennessy (…) Il s’agit d’une nouvelle étape dans la relation de confiance développée depuis deux ans entre le groupe et la Famille Matton avec la distribution de ses vins dans la région Asie-Pacifique. Cette alliance, mue par une forte demande à l’export, permettra de renforcer le développement des vins Minuty à l’international, ce qui profitera à l’ensemble de la filière Rosé de Provence » Et Jean-Etienne et François Matton, dirigeants et associés de Minuty, de confirmer « Nous sommes ravis de ce partenariat avec Moët Hennessy. Édifiée autour de notre passion commune pour les vins d’exceptions et du respect d’un savoir-faire porté par des générations, cette alliance stratégique permettra à notre domaine de bénéficier de la force de frappe d’un grand groupe connu à l’international tout en assurant la continuité de l’héritage et des traditions de Château Minuty ».

Moët Hennessy et Minuty affirment ainsi « l’ambition commune d’accroître le développement du domaine et de contribuer au rayonnement de l’ensemble de la filière viticole où la France doit continuer à jouer un rôle de leader mondial ».

Une production a 90% rosé

La maison, outre près de 80 hectares tropéziens est également propriétaire de 80 ha à Vidauban, dont 35 à la Bastide de Verez rachetée en 2018 sans compter une quinzaine d’hectares en fermage. Soit un total de 160 ha en production dans le Var. Minuty bénéficie depuis trois ans d’un nouveau chai monumental à Brignoles. Une winery ultra moderne pour stocker jusqu’à deux millions de cols. Minuty produit actuellement environ 4 millions de cols par an, dont 60 % de vins de marque.

La marque présente sur la plupart des tables étoilées de la Provence et en particulier de la Côte d’Azur est un morceau de choix en termes de notoriété mais également de diffusion, notamment aux Etats-Unis où il fait partie des cinq marques de côtes-de-provence les plus vendues.

C’est Gabriel Farnet qui s’est d’abord installé au château en 1936 et son gendre Étienne Matton, ancien notaire et véritable visionnaire de la marque, lui a succédé, replantant des cépages provençaux traditionnels, mais moins productifs. Le domaine est piloté depuis une trentaine d’années par ses fils, Jean-Etienne au commerce France, au pôle négoce et à la gestion de la maison et François au vignoble, à l’export et à la communication, la vinification se faisant de conserve. Les deux frères ont non seulement restructuré le vignoble de 75 ha sur les coteaux de Gassin et Ramatuelle, mais ils ont également modernisé l’outil de production et dynamisé le domaine devenu une véritable marque. À côté de la cuvée rosé Prestige, signature des deux frères devenus la référence phare et qui avait remplacé en 2009 la cuvée Oratoire, la gamme parcellaire Or en trois couleurs, créée il y a un peu plus d’une décennie, et la cuvée 281 du nom du Pantone bleu qui enveloppe le flacon, cuvée exceptionnelle à petits volumes issue d’une sélection clonage de vieux grenaches et la gamme M en négoce. Dernière création au printemps 2022, une grande cuvée rouge baptisée Gabriel du nom du fondateur du domaine.

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Terre de vins dans les secrets de Saint-Émilion

Cette semaine dans les kiosques, le nouveau numéro de « Terre de Vins » est spécialement dédié au classement de Saint-Émilion dévoilé en septembre dernier. 85 châteaux, des histoires, des visages, et beaucoup de grands vins.

En septembre dernier était dévoilé le nouveau classement des Crus de Saint-Émilion – soit la septième édition depuis 1955 – consacrant 71 grands crus classés et 14 premiers grands crus classés (dont deux portant la distinction ‘A’). Ce classement, en théorie révisable tous les dix ans, arrivait après plusieurs années de tourmente juridique autour de son prédécesseur et plusieurs mois de critiques sur ses règles d’édification. Qu’en est-il du résultat ? C’est ce à quoi s’intéresse ce numéro spécial de « Terre de Vins », qui nous invite à nous plonger dans les secrets de Saint-Émilion. 84 pages de portraits, d’escapades, de rencontres, d’entretiens, et bien sûr de dégustation, pour dresser une photographie de ce classement 2022, de ses surprises et de ses piliers, de ses terroirs et de ses bâtiments, mais aussi et surtout des femmes et des hommes qui le font vivre au quotidien.

Strates

Point d’orgue de ce numéro spécial, la quasi-totalité des 85 propriétés s’est prêtée au jeu de la dégustation, soumettant un millésime au choix (sous réserve qu’il soit disponible à la vente) à la rédaction. Il en ressort un très haut niveau d’ensemble, prouvant que ce classement, au-delà des diversités de terroirs et de styles, a tiré tous ses protagonistes vers le haut. Quoi d’autre au sommaire ? Un portrait de Gérard Perse, l’homme de Château Pavie, une verticale de Château-Figeac, nouveau premier grand cru classé ‘A’, deux escapades à Saint-Christophe-des-Bardes* et Saint-Étienne-de-Lisse, une dissection du plateau calcaire qui est le berceau de tant de « premiers », un coup de projecteur sur les « petits poucets » (plus petites propriétés en surface) du classement, une mise en avant des engagements environnementaux de l’appellation et de la conversion au bio entamée par bon nombre de châteaux… Autant de strates qui font de ce classement, malgré les turbulences, un bel accomplissement.

« Terre de Vins » n°82, numéro spécial Saint-Émilion, 84 pages, 6,90 €.
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*Et non Saint-Laurent-des-Combes comme il est écrit dans le titre de l’article, la rédaction publiera un erratum pour s’excuser de cette inattention.

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Le changement climatique fait débat aux Rencontres Rhodaniennes

Déjà, en 2018, les Rencontres Rhodaniennes se penchaient sur les problématiques du changement climatique. Cinq ans plus tard, il n’est plus question de constater mais bien d’agir. La filière viticole a des moyens à sa disposition. Le changement c’est maintenant ?!

Initié par l’Institut Rhodanien*, le colloque destiné aux professionnels de la filière a réunit scientifiques, techniciens et vignerons, sur la thématique du changement climatique et des leviers d’actions. Le constat et les différents scénarios présentés par Renan Le-Roux, ingénieur de recherche à l’INRAE, sont toujours aussi alarmants. Augmentation des températures et des phénomènes extrêmes : canicules, sécheresses, hausse de la pluviométrie en automne et baisse en été et en hiver, bousculent et bousculeront le cycle végétatif de la vigne. Les périodes de gel printaniers ou d’épisodes de grêle ont déjà fortement marqué le vignoble. Les avancées de tous les stades phénoliques sont constatées. Dans le Ventoux, par exemple, il y a désormais 25 jours de décalage sur la vendange, par rapport à 1989. S’ajoutent à cela, une baisse du poids des baies, une baisse des rendements, une augmentation forte du degré alcoolique et de l’acidité. Sans oublier l’évolution de nouvelles maladies et leur propagation vers d’autres secteurs, ou encore la baisse de la disponibilité en eau. Le processus est enclenché, il va se poursuivre et aura des répercussions sur l’ensemble du cycle.

Irrigation, désalcoolisation, institutions

La présentation d’Alain Deloire, professeur à Sup Agro Montpellier, sur l’impact et les conséquences du déficit et du stress hydriques, rappelle que la vigne a besoin d’eau durant tout son cycle, particulièrement du débourrement à la floraison. Avec un raccourci rapide, l’irrigation n’est ni une panacée, ni une baguette magique, mais d’autres alternatives sont possibles. Par exemple, en matière d’œnologie, la désalcoolisation des vins, par voie biologique avec les levures non-Saccharomyces qui offre des résultats, mais qui a aussi des impacts sur la production d’acide ascétique et sur l’oxygénation. Une option impossible pour les domaines certifiés bio, puisque interdite.

Les pratiques viticoles, comme la taille, la conduite et la gestion des sols, l’agroforesterie, l’orientation des plantations vers de nouvelles expositions ou altitudes sont en bonne voie. L’implantation de nouveaux vignobles dans les régions septentrionales non-productrices, n’est plus une utopie, mais pas une panacée, non plus. Au chai, l’utilisation de l’eau et sa préservation, la gestion des effluents sont des points cruciaux.

Côté institutions, le changement s’effectue du côté des cahiers des charges des ODG. Les AOC doivent s’engager vers une évolution, par exemple avec la réduction des GES et les cépages résistants. Quid de l’INAO ? Philippe Pellaton, président de l’interprofession rhodanienne et du comité régional de l’INAO, a souligné que « des variétés à des fins d’adaptation de nouveaux cépages résistants aux maladies ou au réchauffement sont autorisées à hauteur de 5 % sur l’exploitation et dans l’AOC. Toute mise en œuvre prend du temps ». Oui, mais il y a urgence !

Enseignement et consommateurs

De jeunes étudiants en BTS viti-oeno étaient présents aux rencontres. Ont-ils pris conscience des enjeux ? Nicolas Richard, œnologue, intervient pour la première année au lycée viticole d’Orange. Il a le sentiment qu’ils sont peu sensibilisé au constat et aux conséquences et s’engage à les former dans ce sens. « Ils ne sont qu’au début de leur future carrière. Nous faisons des simulations sur les vins du futur, d’ici 20 ans tout aura changé ». Comment vont-ils gérer des vins à 17° ? Autre questionnement, les consommateurs, accepteront-ils ces impacts et ces innovations, ainsi qu’une augmentation fort probable du prix de vente ?

* Composé d’Inter Rhône, du Syndicat général des côtes-du-rhône et de l’Institut Français de la Vigne et du Vin. Ces trois structures mutualisent leurs moyens respectifs pour construire un pôle de recherche appliquée pour les vignobles de la Vallée du Rhône.

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[Wine Paris] La Champagne dévoile son plan de bataille pour les dix prochaines années

Pour aller plus haut, aller plus loin, la Champagne n’hésite pas à mettre le paquet et annonce une augmentation de dix millions d’euros du budget de l’interprofession. L’objectif ? Soutenir les efforts de la recherche viticole et œnologique pour faire face aux défis environnementaux, tout en préservant la typicité de ses vins qui pourrait être chahutée par le changement climatique. Un souci du développement durable que la filière n’hésite pas à relier directement à la préservation de la désirabilité du produit.

Les deux présidents de l’interprofession Maxime Toubart (Syndicat général des vignerons) et David Châtillon (Président de l’Union des Maisons de Champagne) avaient le sourire ce matin lors de la conférence de presse donnée à Wine Paris. Il y a de quoi. Avec une progression de 4,3 % à l’export en 2022 et des ventes qui atteignent un volume jamais atteint depuis 15 ans, la Champagne a le vent en poupe. Elle n’en prépare pas moins l’avenir et les outils qui permettront de surmonter ses grands défis.

Le premier est celui de la désirabilité. En 2022, la filière a lancé un baromètre de notoriété et d’image de l’appellation auprès de 16.000 personnes sur les sept principaux marchés du champagne. L’étude a été réalisée par l’IFOP. Elle confirme que l’appellation reste le leader incontesté de sa catégorie sur des dimensions telle qu’« un vin prestigieux », « de renommée internationale », « qu’on offrirait en cadeau », « que l’on associerait à la rareté » etc…  

Néanmoins, la Champagne doit prendre en compte l’importance du développement durable qui devient un critère d’achat à part entière, et qui pourrait altérer l’image du produit si on ne réalise pas les efforts nécessaires.  David Châtillon le rappelle : « C’est une question que nous avons appréhendée très tôt. Voilà plus de vingt ans que nous travaillons sur la question des RSE. En 2003, nous avons été la première filière à réaliser son bilan carbone avec un certain Jean-Marc Jancovici qui a d’ailleurs conçu son calculateur à partir du champagne. Aujourd’hui, ce spécialiste est devenu une référence mondiale ! Parmi les résultats dont nous sommes très fiers, la réduction des émissions de CO2 de 20 % par bouteille depuis quinze ans et la certification environnementale de déjà 63 % de notre surface viticole. Nous sommes ainsi l’une des rares filières à s’inscrire dans la trajectoire fixée par les accords de Paris, avec cet objectif d’atteindre le net zéro carbone en 2050 ».

Le développement de la désirabilité passe également par une action toujours plus énergique sur le terrain de la défense de l’appellation. « Une Champagne plus rayonnante, cela commence par faire savoir et valoir que le champagne ne provient que de la Champagne. Nous avons décidé de sanctuariser notre budget d’un million d’euros consacré à la protection de l’appellation, y compris sur les marchés de demain. Aujourd’hui, plus de 120 pays reconnaissent l’appellation Champagne. Nous en avons gagné un nouveau l’an dernier avec l’Île Maurice, où l’appellation Champagne est la première appellation étrangère à être reconnue. Nous avons en parallèle mille dossiers actifs de protection de l’appellation dans le monde entier et chaque année en moyenne nous ouvrons 500 dossiers de précontentieux. »  A noter également la création à venir de deux nouvelles ambassades du Comité Champagne à l’étranger (elle en comptait déjà neuf), l’une en Scandinavie, l’autre au Canada. A la question d’un journaliste présent dans la salle concernant une ouverture potentielle en Afrique, Charles Goemaere, directeur du Comité Champagne, a mis en avant, que du point de vue des volumes, le projet commencerait à se justifier, mais que le deuxième critère réside dans la diversité des opérateurs, encore trop faible sur ce continent.

Le défi du maintien de la production…

Le deuxième défi de la Champagne consiste dans le maintien de la production, alors que le vignoble est désormais touché par la flavescence dorée. Celle-ci, si on n’y prend garde, pourrait bien devenir le phylloxéra du XXIe siècle. « On ignore aujourd’hui la proportion exacte des surfaces touchées, on sait en revanche qu’elles sont multipliées chaque année par 100 ! Nous menons un combat pour intensifier la prospection, il faut aller plus vite et plus fort, en sachant que nous ne traitons pas mais nous arrachons les pieds infestés. Nous réfléchissons notamment à rendre obligatoire cette prospection. Nous travaillons sur l’utilisation des drones pour repérer les zones contaminées alors que la période de repérage ne dure qu’un mois juste après la vendangeLa recherche variétale est également cruciale » explique Maxime Toubart.

10 millions d’euros de budget supplémentaire pour le Comité Champagne !

Des ambitions qui ne peuvent être atteintes sans le déploiement de moyens conséquents. L’interprofession a décidé d’augmenter de cinquante pourcents le budget du Comité Champagne, qui passe de 20 à 30 millions d’euros. De quoi financer notamment un nouveau site de recherche qui verra le jour en 2025. Celui-ci permettra d’augmenter la superficie du laboratoire de 40 %, de construire une nouvelle cuverie expérimentale deux fois plus grande et une nouvelle salle de dégustation. On notera que le centre actuel de recherche du Comité Champagne est le seul au monde à réunir la totalité des robots viticoles existants.

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