Manifestation agricole : les viticulteurs du Gard et de l’Hérault en première ligne

Face à la précarisation de leur métier, la flambée des charges et le poids des normes environnementales communautaires, les agriculteurs ont engagé un bras de fer avec l’Etat depuis plusieurs jours. Un mouvement d’ampleur auxquels les viticulteurs du Gard et de l’Hérault participent massivement. 

Vendredi 26 janvier 2024. Au milieu des arbres, des ceps de vigne et des fruits incendiés, un troupeau de moutons a pris place dans le cortège de la grande manifestation des agriculteurs. Nous sommes sur l’autoroute A9, dans l’Hérault, complètement fermée à la circulation. C’est désormais tous les métiers de l’agriculture qui ont décidé de rejoindre le mouvement. Qu’ils soient bergers, ostréiculteurs, maraichers, éleveurs, pêcheurs ou viticulteurs, le constat est partagé et sans appel. « C’est un vrai ras-le-bol général, constate Julie Carda, coopératrice sur la cave de Florès à Florensac. Nous sommes ici en solidarité avec le monde agricole bien sûr mais aussi et surtout parce que notre secteur de la viticulture est en pleine déliquescence et plus nous serons nombreux à le crier haut et fort et plus cela aura de l’impact ! » Au cœur des préoccupations et des revendications, le point numéro un et convergent est le poids grandissant de l’administratif qui vampirise beaucoup trop de temps et d’énergie. « Si l’agriculture est aujourd’hui en déclin complet, c’est surtout parce qu’elle est bouffée par la paperasse et le numérique, ajoute Christophe Puech vigneron du domaine éponyme à Saint-Clément-de-Rivière. Notre seul patron c’est Dame Nature et notre activité, c’est de produire de la qualité, pas de passer notre temps dans les bureaux à remplir des dossiers. Sinon, croyez-moi, je n’aurai pas fait ce métier ! »

Lourdeur administrative et concurrence déloyale
L’homme de 50 ans avoue ne plus solliciter d’aides parfois tant la lourdeur administrative est handicapante. « Je me demande si ce n’est pas fait exprès pour nous freiner, s’emporte Julien Calvet, vice-président de la cave coopérative et du Cru Saint-Chinian. Et pourtant, croyez-moi, j’ai un Bac+3 et une licence internationale vins et spiritueux mais même avec ce bagage, j’ai parfois du mal à monter les dossiers. » Il prend l’exemple d’un jeune vigneron qui a omis de déclarer une petite parcelle en bio et qui a perdu l’ensemble de l’aide octroyée malgré un dossier béton. « On nous demande de faire sans cesse des efforts mais on ne nous aide pas à nous en sortir », ajoute-t-il. Il est relayé par Julie Carda : « Il nous faut absolument des solutions d’urgence, à commencer par un allègement massif des charges et une équité des normes demandées sur le plan européen car on ne peut pas concurrencer au niveau des prix, c’est déloyal ! » Dans le viseur, le vin espagnol, moins vertueux et beaucoup moins cher (il est vendu à environ la moitié du prix du vin français sur le marché hexagonal), que l’on retrouve souvent dans les BIB sous l’égide “Vins de l’UE”. « Là aussi, il faut une meilleure traçabilité, plus apparente pour que le consommateur sache ce qu’il consomme », argumente Julien Calvet. 

Le poids des normes environnementales 
Le poids des normes environnementales est également un point de convergence dans la lutte agricole : « Les structures, les exploitations ont répondu avec cœur à ce qui leur a été demandé, la grande majorité sont sous certification environnementale (Agriculture Biologique, HVE, …), elles se soumettent aux différents contrôles qui attestent de leurs investissements humain et financier. En conséquence, les charges n’ont jamais été aussi importantes avec une augmentation démesurée ces dernières années. Les niveaux de stocks sont au plus haut, surtout en vin rouge, malgré de faibles récoltes régulières. Les trésoreries ont fondu et il est fréquent désormais de voir des saisies sur acompte aux exploitants. Les réservations sont à peine à 50% de la récolte 2023 et à quel prix de vente ? C’est une situation inacceptable », explique le Comité territorial gardois des vignerons coopérateurs dans un communiqué. Et en plus, les banques ne suivent plus. « Avec les crises à répétition et les aléas climatiques, c’est le moment où on a le plus besoin d’elles qu’elles sont le plus frileuses pour nous prêter de l’argent, prolonge Julien Calvet. Autant vous dire que pour une jeune qui veut s’installer, c’est devenu impossible, la passion ne suffit pas ! » Christophe Puech conclut : « L’avantage de terroir est en train de disparaitre au profit des grandes structures comme chez les céréaliers. La question de la pérennisation des petites exploitations dans la filière viticole est l’enjeu des mois qui arrivent… » 

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