3 Grands Crus alsaciens à (re)découvrir

Ils sont au nombre de 51 et révèlent une diversité géologique absolument exceptionnelle. Les Grands Crus alsaciens sont l’un des immenses trésors de la viticulture française. Et pourtant, ils demeurent très largement méconnus en dehors de quelques grands noms célèbres (Schlossberg, Sommerberg, Brand, Hengst, Rangen, Rosacker…). Focus sur 3 Grands Crus bien identitaires qui raviront les amateurs. 

Le Grand Cru « Geisberg »

Voilà un grand cru petit par la superficie (8,53ha) mais grand par le potentiel et taillé pour le riesling qui est le seul à s’exprimer ici sur ce « mont des chèvres ». Encadré par ses Grands Crus voisins du Kirchberg et de l’Osterberg qui se trouvent sur le même village de Ribeaubillé, le Geisberg déploie ses vignes entre 250m et 320 m d’altitude sur un sol marno-calcaro-gréseux exposé plein sud. La pente importante a conduit les vignerons à construire de petits murets qui jalonnent les parcelles. S’il fallait donner un seul élément constitutif des vins qui sont produits ici, ce serait l’intense acidité que produisent ces sols si particuliers. Celle-ci s’associe généralement à une belle maturité de fruits qui permet d’obtenir des équilibres très harmonieux et des vins raffinés et élégants. L’un des immenses terroirs à riesling au potentiel de garde non moins grand, les vins défiant souvent le temps.  

Geisberg Grand Cru Riesling 2019 Domaine Kientzler (35€)

Voici un vin à la bouche pleine sans aucune lourdeur, dotée d’une très belle acidité parfaitement intégrée. Les arômes d’agrumes s’accompagnent de légères pointes florales. Il faudra lui laisser un peu de temps mais quel potentiel déjà. Un très beau vin.

Geisberg Grand Cru Riesling 2017 Domaine Trimbach (72€)

Au nez, on sent que le vin a passé ses premières années et offre désormais de très légères notes patinées qui complexifient l’ensemble. On ne peut que sourire en découvrant les pointes de fruits jaunes (abricot, pêche) mais aussi d’agrumes bien mûrs. La plénitude de milieu de bouche se révèle longiligne et laisse imaginer que ce vin aristocratique vieillira admirablement.

Le Grand Cru « Saering »

On se trouve ici au sud de l’Alsace à Guebwiller, seule commune à posséder 4 grands crus. Cet « anneau de mer » est situé entre 260m et 300m d’altitude et l’encépagement de ses 26,75 ha marno-calcaires exposés est sud-est est largement dominé par le riesling (84%). Le sol sablonneux repose sur un sous-sol calcaire qui affleure parfois. Il s’agit d’une sorte de mamelon calcaire isolé du reste des terroirs gréseux et granitiques voisins. Ce calcaire rappelle certainement la mer qui recouvrait les lieux il y a quelques millions d’années et procure aux vins une typicité toute particulière marquée par une finale souvent iodée, saline. Ces vins, plutôt accessibles jeunes, sont d’une belle gourmandise.   

Saering Grand Cru Riesling 2019 Domaine Schlumberger (25€)

Une cuvée très agréable au nez d’une belle ampleur aromatique, oscillant entre notes d’agrumes bien nettes (citron) ainsi que quelques notes perceptibles d’épices. En bouche, le vin est juteux, vibrant et nous emmène jusqu’à une finale où la salinité s’affirme franchement, reflétant particulièrement le caractère singulier de ce terroir. 

Saering Grand Cru Muscat 2018 Domaine Dirler-Cadé (21€)

Impossible de rester de marbre devant ce muscat très bien né. Oubliez les caricatures qui sont trop souvent proposées ave ce cépage pour en goûter une très belle expression. Sur ce Saering, le cépage offre un nez floral d’une très grande délicatesse. Un parfum subtil et élégant qui s’accompagne d’une caresse tout en rondeur en bouche se finissant par de très fins amers qui donnent un surcroît de relief.

Le Grand Cru « Mandelberg » …

… se situe pour sa part à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Colmar dans le Haut-Rhin sur les communes de Mittelwihr et Beblenheim. Ce « coteau des amandiers » représente une vingtaine d’hectares argilo-calcaires très bien exposés du sud-est au sud-ouest. La pente est assez forte et les sols bruns calcaires sont constitués d’un pourcentage élevé de galets roulés et anguleux. La part d’argile permet une bonne rétention d’eau et préserve généralement les vignes d’un stress hydrique pendant la période estivale. Les vignes, plantées à une altitude moyenne de 200 à 250 mètres, sont protégées des vents froids et disposent d’un très bon ensoleillement. Ce micro-climat est d’ailleurs propice aux amandiers qui poussent naturellement ici. Ce Grand Cru produit généralement des vins amples et équilibrés, souvent charnus, qu’il s’agisse des gewürztraminer qui sont ici majoritaires ou des rieslings également très présents.

Mandelberg Grand Cru Riesling 2020 Domaine Meyer-Fonné (30€)

Le vin est ici bien identitaire. Il présente un nez très agréablement porté par des notes de pêche encadrées par de petits élans exotiques. La bouche joue le registre d’une certaine ampleur très gourmande mais parfaitement encadrée par une acidité bien présente et intégrée qui étire plaisamment la finale.

Mandelberg Grand Cru Riesling 2020 Domaine Bott-Geyl (36€)

Ce vin est bien typique de son terroir et présente un caractère assez exubérant, doté d’un très beau fruit en bouche. Son acidité est finement intégrée et la finale charme de ses légers accents iodés. C’est un vin exaltant, accessible, friand et d’une très belle générosité.

Cet article 3 Grands Crus alsaciens à (re)découvrir est apparu en premier sur Terre de Vins.

Margaux : une fresque éphémère dans les vignes de Cantenac-Brown

Le 3ème Grand Cru Classé 1855 a fait appel à l’artiste américano-finlandais David Popa pour réaliser une fresque monumentale au cœur des vignes de la propriété. Une œuvre spectaculaire et éphémère qui se doublera d’une « deuxième vie » sous forme de NFT.

Natif de New York, d’origines françaises et roumaines par ses parents, installé en Finlande depuis quelques années, David Popa est un artiste venu du street art et ayant évolué vers le land art : il réalise des fresques géantes dans des sites naturels qui, par définition, sont exposés aux éléments et rendent ces œuvres éphémères. Une démarche singulière qui a séduit Tristan Le Lous, propriétaire du château Cantenac-Brown, et son directeur José Sanfins : ces derniers ont donc approché David Popa pour réaliser une fresque dans les vignes du 3ème Grand Cru Classé de Margaux. Cette œuvre, baptisée « Le Pouvoir de la Terre », est élaborée à partir de pigments naturels, de moût de raisin et de terre crue, clin d’œil au projet de chai écoresponsable qui est en train de voir le jour à la propriété.

La fresque, biodégradable, disparaitra d’elle-même aux premières pluies mais sera conservée digitalement dans le cadre d’une captation vidéo et vendue en cryptomonnaie sous forme de NFT. Le produit de la vente revenant au château Cantenac Brown sera reversé au Conservatoire du Littoral, afin que ce dernier puisse acquérir de nouvelles terres vierges et les épargner de toute urbanisation.

David Popa, qui est venu à Margaux avec son frère réalisateur pour concevoir « Le Pouvoir de la Terre », a pu renouer avec ses racines bordelaises : « Ayant été élevé par une mère française très liée au monde du vin, j’ai de merveilleux souvenirs d’enfance passée dans les vignobles, de séjours dans des chais et d’apprentissage du vin. Je ne suis certainement pas un expert dans l’art de la vinification, mais chacun sait que le secret d’un vin exceptionnel, c’est avant tout la terre. Et c’est cette terre que je prends comme support, avec tout le respect que nous lui devons », explique-t-il.

Cet article Margaux : une fresque éphémère dans les vignes de Cantenac-Brown est apparu en premier sur Terre de Vins.

Médoc : le nouvel envol de Château Cantemerle

Dopé par l’arrivée d’une nouvelle directrice générale, Laure Canu, et un changement de présidence à la tête du groupe SMA qui en est propriétaire depuis 1981, le 5ème Grand Cru Classé 1855 (Haut-Médoc) se lance dans une séquence de grands travaux qui devrait accélérer ses ambitions.

Le classement de 1855 est – à une exception près que chacun connaît bien – immuable et son côté « gravé dans le marbre » en fait indéniablement la force. Cela ne veut pas dire que la hiérarchie ne peut pas être bousculée, à défaut d’être révolutionnée. Ces dernières années, l’on a ainsi pu assister à la montée en force de certains crus qui n’avaient pas été placés dans le « haut du panier » sous le Second Empire et qui, à la faveur d’importants investissements et de la compétence accrue de leurs équipes techniques, ont su hisser leurs vins parmi l’élite de la qualité médocaine. Le château Cantemerle pourrait bien être le prochain candidat à cette spectaculaire progression.

Propriété depuis 1981 du groupe SMA, mutuelle d’assurance du secteur BTP, Cantemerle a bénéficié depuis quarante ans d’importants investissements au vignoble : un long travail de restructuration pour ses 98 hectares plantés – pour une surface totale de 180 hectares. Bénéficiant aujourd’hui de vignes en très bon état (dont 80% de cabernet-sauvignon) sur son terroir de graves typiquement médocain, ce 5ème Grand Cru Classé doit désormais opérer de nouveaux investissements pour franchir un nouveau palier dans la qualité de ses vins et ainsi s’émanciper de son éternelle image de « bon rapport qualité-prix » parmi les 1855.

Changement de gouvernance

L’arrivée, il y a un an tout juste, de Laure Canu à la direction générale de la propriété en remplacement de Philippe Dambrine, et le changement de gouvernance à la tête du groupe SMA (en la personne du nouveau président, Jacques Chanut), a permis d’impulser un nouveau projet ambitieux de rénovation en profondeur de l’outil technique. Le cuvier actuel devrait être démoli et remplacé par un cuvier temporaire, le temps de bâtir un nouveau chai enterré et un cuvier gravitaire qui permettront de tripler la surface actuelle (13 000 m2), mais aussi le nombre de cuves (de 42 à 114), mais aussi une double réception vendange pour gagner en précision dans l’expression du parcellaire et la définition des vins. Le projet, qui devrait permettre aux équipes de Cantemerle de gagner en confort de travail et aux lieux de gagner en luminosité, est conduit par l’architecte Arnaud Boulain du cabinet bordelais BPM.

Les travaux doivent débuter au printemps 2023 pour une livraison à l’été 2025. Ils s’accompagnent également d’une rénovation en profondeur du château, qui accueille actuellement les bureaux (lesquels seront transférés sur le site de la cuverie) et augmentera sa capacité réceptive, en passant de cinq à dix chambres pour les professionnels. Un volet œnotouristique sera également intégré, avec une salle de dégustation et une boutique pour le grand public, sans oublier le pouvoir d’attraction du parc, véritable « poumon » de la propriété. Ce grand projet est, pour Laure Canu, l’occasion de « faire encore progresser la qualité de nos vins et faire entrer Cantemerle dans la course à l’excellence« , en s’appuyant bien sûr sur l’expertise du chef de culture Philippe Glumineau (en poste depuis 22 ans), du directeur technique Grégory Thibault (qui supervise également le château Grand-Corbin, autre propriété de SMA en Grand Cru Classé de Saint-Émilion) et du célèbre consultant Eric Boissenot.

Cet article Médoc : le nouvel envol de Château Cantemerle est apparu en premier sur Terre de Vins.

Animation et valorisation: Nouveaux caps pour Bergerac & Duras

L’interprofession des vins de Bergerac-Duras (IVBD) vient de recruter un nouveau responsable marketing et communication, Bertrand Ballesta. Il nous livre ses premières pistes de réflexion pour les appellations de Bergerac et Duras.

Titulaire d’un DESS en droit, économie et gestion de la filière viti-vinicole à Bordeaux, ce passionné du vin, mais aussi amoureux de l’Italie a d’abord travaillé à Milan à l’Union des vins italiens pour suivre la législation européenne et collaboré à des publications spécialisées en analyses de marché avant de revenir dans son Lot d’origine où il intègre le marketing d’un groupe de distribution électrique pendant une vingtaine d’années. Bertrand Ballesta a été embauché en début d’année comme responsable marketing et communication de l’interprofession.

Comment arrive-t-on à Bergerac en venant du Lot via Milan?

Je suis passionné de vin et j’ai toujours été attiré par une mission de promotion d’un terroir, par le travail des interprofessions. Lorsque j’ai postulé pour Bergerac, je ne connaissais pas les vins d’ici et pour tout dire, en jetant un oeil sur les rayons en GD, j’avais quelques a-priori. L’offre est importante mais les prix souvent très bas. Mais lorsque l’on voit l’offre chez les cavistes, on constate que les vins sont d’une qualité étonnante sur les 10 appellations et peuvent se vendre plus cher. Je vais donc m’attacher à aider à la valorisation car Les Bergeracois ne croient pas suffisamment en leur produit; il faut que ça change.

Quelles sont vos missions prioritaires?

Avec le nouveau directeur, Pierre-Henri Cougnaud, nous avons voulu remettre tout le monde autour de la table en recréant des commissions « Communication et Economie » pour faire émerger des pistes de réflexion. Chaque commission comprend un membre de l’interprofession, des représentants des appellations et nous faisons intervenir des spécialistes extérieurs. Mon rôle est d’animer, de faire le lien entre l’interprofession et le terrain avec des allers-retours permanents, de faire remonter des infos de l’amont pour les mettre ensuite en musique, études et panels à l’appui. Ces outils existaient déjà avant mais il faut davantage en discuter et impliquer tout le monde pour fédérer.

Est-ce que tout le monde sait que les vins de Bergerac et Duras sont dans le Sud-Ouest ?

Non, pas assez. Nous voulons mettre davantage en avant notre territoire et notre patrimoine et affirmer clairement notre identité Sud-Ouest déjà avec un logo fort à diffuser dans toute la France qui reste notre marché prioritaire. Mais j’ai aussi pour mission d’aider au développement de l’international car nous exportons à peine 10%, une moyenne beaucoup plus faible que dans les autres régions. L’export est encore en réflexion mais nous pensons choisir un pays et même une zone dans ce pays à cibler à fond. Nous allons aussi nous servir de l’événementiel – le plan est encore en préparation, pour le faire savoir. Nous devrions renforcer les gros événements locaux pour être d’abord maître chez soi et capitaliser sur le Périgord comme on le fait déjà depuis quelques années. Il faut faire savoir que nous sommes d’abord de Dordogne et du Périgord. A Bergerac, les consommateurs et les restaurateurs jouent plutôt bien la carte locale mais à Périgueux, on boit surtout du Bordeaux. Il faut donc partir à la conquête des villes les plus proches, Périgueux, Angoulême et pourquoi pas Bordeaux.

Allez-vous continuer à jouer la carte maîtresse de l’Œnotourisme ?

Bien sûr que nous allons continuer à développer l’œnotourisme, notamment en réorganisant des « wine dating » dans le cloître des Récollets qui abrite le nouveau pôle œnotouristique du Quai Cyrano. L’idée est que les producteurs de toutes les appellations de Bergerac et Duras aillent encore plus à la rencontre des visiteurs pour parler de leurs vins et avec tous les produits locaux comme lors des soirées des jeudis d’été. Nous préparons également pour début juillet les 700 ans de La Vinée, une journée entièrement dédiée aux vins de Bergerac avec de nombreuses animations et intronisations.

Et puis, nous réunissons les vignerons des 10 AOP du vignoble Bergerac & Duras, le temps d’une grande dégustation, à Paris le 9 juin, à bord de la Péniche Louisiane Belle. À leurs côtés, 7 filières du Périgord viennent présenter leurs produits du terroir pour des accords gourmands : Canard / Foie Gras du Périgord, Agneau du Périgord, Noix du Périgord, Marrons du Périgord.

Cet article Animation et valorisation: Nouveaux caps pour Bergerac & Duras est apparu en premier sur Terre de Vins.

Château Rouget : la Bourgogne à Pomerol

Rare Bourguignon à posséder un vignoble dans le Beaujolais, Édouard Labruyère, qui a grandi à Mâcon, se partage entre ses quatre vignobles familiaux, situés à Moulin-à-Vent, Meursault, Verzenay et Pomerol. Rencontre avec un quadragénaire plein d’énergie et de projets.

Organiser une rencontre avec Édouard Labruyère, c’est l’assurance de jongler avec un emploi du temps quelque peu chargé. Ce quadragénaire dynamique est un grand voyageur, qui doit partager son temps entre quatre propriétés françaises, auxquelles s’ajoutent des intérêts dans des vignobles en Californie et en Inde. Mais restons sur la France pour aujourd’hui : historiquement ancré dans le Beaujolais et la Bourgogne, le nom de Labruyère s’est plus récemment déployé dans le Bordelais et en Champagne – un rare exemple de réussite dans des régions et appellations qui, la plupart du temps, se font fort de ne pas mélanger les genres. Mais c’est une particularité d’Édouard Labruyère que de ne pas rester sagement assis à une place assignée, et d’essayer d’explorer de nouveaux sentiers.

L’histoire familiale prend racine dès les années 1850 dans le Beaujolais, dans un vignoble qui s’appelle aujourd’hui le Domaine Labruyère et couvre une quinzaine hectares en appellation Moulin-à-Vent. Cet ancrage amènera le jeune Édouard à grandir à Mâcon, une région où il rêve non pas de faire du vin mais de devenir ambassadeur. Des études à Sciences Po’ Paris et une expérience au Quai d’Orsay (sous le ministère d’Hubert Védrine) lui permettront de se frotter aux arcanes de la diplomatie internationale. Mais le goût du vin n’est jamais loin : en 2002, Édouard remporte ce qui ne s’appelait pas encore la Left Bank Bordeaux Cup (concours des clubs de dégustation des grandes écoles) et décide de quitter le monde de la diplomatie pour rejoindre celui du courtage à Bordeaux, au bureau Laurent Quancard. Puis, son chemin croise celui de Jean-Guillaume Prats et ensemble, les deux hommes s’associent dans la structure Fidelis Wines (en hommage à la devise de Louis d’Estournel « Semper fidelis ») dédiée aux vins du monde. Mais l’atavisme familial va rattraper Édouard Labruyère : depuis les années 1980, les Labruyère sont actionnaires majoritaires du Domaine Jacques Prieur en Bourgogne et, en 2008, ils ont l’opportunité d’en reprendre la totalité. Pour Édouard, l’opportunité est belle de redonner un nouveau souffle aux vignobles bourguignons de la famille (21 hectares dont 9 grands crus en Côte de Nuits et Côte de Beaune, plus 24 premiers crus), mais aussi de recréer la marque Domaine Labruyère en Beaujolais – la production étant jusqu’ici revendue à Georges Dubœuf. Il ambitionne également de se consacrer pleinement à Château Rouget, propriété de 17,5 hectares à Pomerol riche d’une belle histoire et assise sur une jolie mosaïque de terroirs.

Grands projets et grands travaux

Nous sommes alors en 2009, Édouard a 32 ans et il reprend la direction de trois propriétés disséminées entre le Beaujolais, la Bourgogne et la rive droite de Bordeaux. Le jeune homme a autant d’idées que d’ambitions, mais il est quelquefois difficile de tout mener de front – d’autant que s’ajoute, en 2012, le projet fou de créer une marque de champagne, d’abord sur 6 hectares à Verzenay, aujourd’hui 14 dont 7 en grand cru ; la marque JM Labruyère sera finalement lancée en 2018.

Après avoir lancé « son » champagne, mis sa gamme du Beaujolais sur les rails et redéfini le style des vins de Jacques Prieur en Bourgogne (notamment en réduisant la part de bois neuf et en augmentant celle de vendange entière, en attendant la fin d’un cycle de 26 mois de travaux pour rénover l’outil technique à Meursault), Édouard Labruyère veut aujourd’hui se consacrer pleinement à Château Rouget. Sur le plan environnemental, après l’arrêt des labours, un programme approfondi de préservation de la biodiversité de la propriété et de la vie des sols, une conversion en bio a été entamée, qui doit s’achever cette année. Un gros travail de fond sur la connaissance des terroirs et l’adaptation du matériel végétal au réchauffement climatique est mené, notamment pour contenir les montées en alcool qui sont le lot le plus commun des années chaudes. L’arrivée récente d’un nouveau directeur technique très sensible aux questions environnementales, Nicolas Ribeiro, mais aussi la contribution de l’œnologue-consultant Axel Marchal, viennent concrétiser cette nouvelle impulsion donnée à la propriété – Michel Rolland, qui accompagne Rouget de longue date, continue d’intervenir sur les assemblages. Enfin, de grands travaux vont être lancés en 2023 pour rénover tout le cuvier et le chai, en prévision d’une livraison en 2024. « Nous sommes aux prémices du Rouget 2.0« , s’enthousiasme Édouard Labruyère, qui veut défendre son amour du Bordelais et, en tant que co-fondateur de l’association Pomerol Séduction, son attachement à l’appellation. « À Bordeaux, on me considère toujours comme le Bourguignon, et en Bourgogne comme le Bordelais« , s’amuse-t-il. Et si la solution, c’était de se sentir chez soi dans tous les lieux que l’on aime ?

« Terre de Vins » aime :
Château Rouget 2019.
Un millésime qui conjugue puissance et finesse, ce qui correspond bien aux terroirs de Rouget. La touche de cabernet franc (20%) et de vendange entière donne un supplément de fraîcheur, de tension et de race à ce vin alliant fruit plein, camphre, musc, épices et tonicité sanguine, sans se départir d’un velouté tr!s Pomerol qui se retrouve dans sa finale subtilement cacaotée. Env. 47 €.

Cet article Château Rouget : la Bourgogne à Pomerol est apparu en premier sur Terre de Vins.

[Table ronde 3/3] Bordeaux et la force des Primeurs

Cinq personnalités incarnant la « nouvelle génération » du monde du vin bordelais ont été réunies en couverture du n°77 dédié aux Primeurs du millésime 2021. À cette occasion, « Terre de Vins » organisé une table ronde pour leur demander d’échanger leurs visions sur la « désirabilité » de Bordeaux, en trois thématiques.

Anne Le Naour, directrice exécutive de CA Grands Crus (Château Grand Puy Ducasse, Château Meyney…), Laure Canu, directrice générale des châteaux Cantemerle et Grand-Corbin, Aymeric de Gironde, directeur général du château Troplong-Mondot, David Suire, directeur du château Laroque, et Pierre-Olivier Clouet, directeur technique du château Cheval Blanc, sont en couverture du n°77 de « Terre de Vins » sorti en kiosques il y a quelques jours. Un numéro largement dédié aux Primeurs 2021, un millésime « cousu main » où le savoir-faire de cette nouvelle génération de professionnels s’est avéré décisif. À l’occasion de la réalisation de cette couverture, nous avons demandé à ces cinq personnalités de se prêter au jeu d’une table ronde autour de la « désirabilité » des vins de Bordeaux. « Trop cher », « trop classique », « trop ringard », « trop boisé », « trop parkerisé« … Pendant plusieurs années, Bordeaux a beaucoup perdu de sa superbe auprès des amateurs internationaux, et son image a été écornée dans le monde entier. Le Bordeaux Bashing a prospéré, pourtant aujourd’hui Bordeaux se réveille et se réinvente. Bordeaux est-il de nouveau désirable ?

Troisième partie : les Primeurs, toujours un temps fort pour Bordeaux ?

Pierre-Olivier Clouet : plus que jamais les Primeurs sont un temps très fort de la vie commerciale de Bordeaux, d’abord par le coup de projecteur que cela donne sur le vignoble et sur le millésime. Mais surtout, on ne mesure pas assez l’énorme avantage que représente le fait que la distribution mondiale vienne à Bordeaux pendant un temps donné pour déguster les vins. Certes, c’est fatigant sur le moment, le rythme est très soutenu, mais quand on sait que les plus grands vignerons du monde passent le tiers de leur année en voyage pour faire goûter leurs vins aux distributeurs, on ne va pas se plaindre que ce soient les professionnels de la planète qui viennent à nous. Cela veut dire que les 11 mois qui restent, on se consacre à nos vignes, à nos vins ! C’est aussi une force considérable car c’est le moment pour le consommateur où il va acheter le vin au meilleur prix.

Le bémol, c’est que ce moment des Primeurs a tendance à catégoriser un millésime de façon un peu trop généraliste, sans parfois tenir cas des différences entre les propriétés. Et du point de vue de ces dernières, les techniciens et dirigeants ont la tentation de « trop vendre » le millésime en cours, sans prendre le temps d’expliquer en détail et en nuance. Le coup du millésime du siècle tous les ans, c’est létal pour Bordeaux. Dans le cas d’un millésime comme 2021, il faut prendre le temps d’expliquer, raconter, mais ça ne sert à rien de le ranger dans une case, et surtout de le résumer trop hâtivement. Il faut réapprendre à parler plus et mieux du déroulement de la construction de nos vins…

Laure Canu : on le constate, il y a toujours un engouement pour les Primeurs, même sur un millésime comme 2021. Les professionnels sont venus en masse, sauf les asiatiques qui n’ont pas pu à cause des restrictions sanitaires, mais on a vu un retour en force des acheteurs, qui confirme le pouvoir d’attraction des Primeurs. Après la pandémie de Covid-19 on était tous dans le flou, et on a eu la réponse : Bordeaux est toujours désirable, même sur un millésime perçu comme « compliqué ».

David Suire : ce temps des primeurs est une chance pour Bordeaux, et pour nous tous qui pouvons prendre le temps d’accueillir, d’expliquer les identités et particularités de nos vins. Nous, vignerons, quand on fait du vin on s’engage, on y met notre amour-propre, notre fierté. Quelles que soient les conditions du millésime, on donne le maximum. C’est pourquoi le rendez-vous des Primeurs est essentiel pour nous, pour expliquer le travail que l’on a fait. Et pour l’amateur, c’est le moment où il a les vins au meilleur prix (et dans certains cas, où il a les vins tout court…)

Aymeric de Gironde : pour rebondir sur ce que disait Pierre-Olivier, il faut sortir de la notion de performance intrinsèquement liée au système des Primeurs, où l’on a une surenchère à faire croire que le millésime est forcément meilleur que le précédent. Les Bourguignons, ils ne font pas ça… ils expliquent leur vin, point. Sur le plan du business, tous les millésimes se valorisent de façon différente dans le temps, et c’est aussi de cela qu’il faut tenir cas. Chaque cru a son moment, sa stratégie, beaucoup d’éléments entrent en compte au moment de définir le prix d’un vin en primeurs. En moyenne, oui il y a des années où le vin n’a pas réalisé une énorme plus-value mais en général, les vins gagnent en valeur avec le temps : l’acheteur en primeurs fait rarement une mauvaise affaire. Mais au-delà de ça, on n’est pas là pour que le consommateur spécule et s’enrichisse, ce que l’on veut c’est qu’il boive le vin et y prenne du plaisir, c’est d’abord fait pour ça !

Anne Le Naour : présenter des vins en primeurs est un exercice de style qui n’est jamais simple, on montre les vins à un stade encore inachevé, embryonnaire, or les enjeux sont énormes car on est noté pour une fois et souvent, à jamais, car il est rare que les critiques reviennent sur leur avis. C’est un exercice qui demande une grande honnêteté intellectuelle. Par ailleurs, il y a une question de positionnement et de notoriété, et sur la façon dont on peut bousculer une hiérarchie, des préjugés… C’est ce que je me suis appliquée à faire depuis mon arrivée à la tête de CA Grands Crus avec Grand Puy Ducasse comme Meyney. Pour des crus comme les nôtres qui ne sont pas spéculatifs mais distributifs, et qui sont bus, il faut permettre à tout le monde dans la filière de gagner de l’argent, donc rester prudent dans l’augmentation des prix, pour consolider et fidéliser notre réseau d’amateurs. Cela demande du temps long, de la constance, et examiner avec précision l’évolution de l’image du cru. Au final, à Bordeaux, il y a de bonnes affaires pour tout le monde.

Le n°77 de Terre de Vins « spécial Primeurs » est depuis le 18 mai 2022 dans les kiosques.

Cet article [Table ronde 3/3] Bordeaux et la force des Primeurs est apparu en premier sur Terre de Vins.

Sorties Primeurs : le coup d’accélérateur

Pluie de sorties en primeurs depuis hier. Une vingtaine de belles références ont dévoilé les prix de leur millésime 2021, avec des stratégies qui jouent globalement la stabilité. Le point sur les principales sorties, en priorité les premiers vins.

Château Lynch-Bages, 5ème Grand Cru Classé 1855 (Pauillac) : 105 € HT (-)
Château Grand Puy Lacoste, 5ème Grand Cru Classé 1855 (Pauillac) : 58,80 € HT (-)
Château Talbot, 4ème Grand Cru Classé 1855 (Saint-Julien) : 46,20 € HT (-)
Château Lagrange, 3ème Grand Cru Classé 1855 (Saint-Julien) : 39,90 € HT (-3,16%)
Château Desmirail, 3ème Grand Cru Classé 1855 (Margaux) : 28,30 € HT (-)
Château Marquis d’Alesme, 3ème Grand Cru Classé 1855 (Margaux) : 31,50 € HT (+2,27%)
Château Branaire-Ducru, 4ème Grand Cru Classé 1855 (Saint-Julien) : 36,40 € HT (-)
Château du Tertre, 5ème Grand Cru Classé 1855 (Margaux) : 32,40 € HT (+2,53%)
Château Prieuré-Lichine, 4ème Grand Cru Classé 1855 (Margaux) : 29,40 € HT (-)
Château Cos Labory, 5ème Grand Cru Classé 1855 (Saint-Estèphe) : 24,50 € HT (-)
Château Labegorce (Margaux) : 24,50 € HT (+9,38%)
Château La Tour de Mons, Cru Bourgeois (Margaux) : 17,30 € HT (+12,34%)
Château Senejac (Haut-Médoc) : 11,90 € HT (-)
Château Fourcas-Hosten (Listrac-Médoc) : 15,40 € HT (+9,22%)
Château Canon La Gaffelière, 1er Grand Cru Classé (Saint-Émilion) : 63 € HT (-)
Château La Mondotte, 1er Grand Cru Classé (Saint-Émilion) : 147 € HT (-)
Château d’Aiguilhe (Castillon-Côtes-de-Bordeaux) : 14 € HT (-)
Château Grand Mayne, Grand Cru Classé (Saint-Émilion) : 32,20 € HT (-)
Château Faugères, Grand Cru Classé (Saint-Émilion) : 30,10 € HT (-)
Clos de l’Oratoire, Grand Cru Classé (Saint-Émilion) : 28 € HT (-)
Château Lassègue (Saint-Émilion Grand Cru) : 22,90 € HT (+4,57%)
Château Larrivet Haut-Brion (Pessac-Léognan rouge) : 30,80 € HT (+12,57%)
Château Gazin (Pomerol) : 64,40 € HT (-0,9%)

Le n°77 de Terre de Vins « spécial Primeurs » est depuis le 18 mai 2022 dans les kiosques.

Cet article Sorties Primeurs : le coup d’accélérateur est apparu en premier sur Terre de Vins.

[EXCLU] EPI rachète Isole e Olena, domaine emblématique de Chianti Classico

Après Biondi Santi, c’est une nouvelle pépite qui rejoint le groupe EPI (J.M. Weston, Charles Heidsieck…), le domaine Isole e Olena, l’un des fameux super toscans. Riche de 56 hectares sur la partie Ouest de l’appellation Chianti Classico, ses vins légers et élégants ont été portés au sommet grâce au travail méticuleux mené par Paolo De Marchi depuis près d’un demi-siècle.

Outre les marques J.M. Weston et Bonpoint, le groupe familial EPI possède un bel empire dans le monde du vin avec le Château La Verrerie dans le Luberon, acquis en 1981, les maisons de champagne Piper-Heidsieck, Rare Champagne et Charles Heidsieck cédées en 2011 par Rémy Cointreau, Tardieu-Laurent dans la Vallée du Rhône (2018) ou encore Biondi Santi en Toscane (2016). Une région dont Christopher Descours, actionnaire de la holding, semble être tombé amoureux puisqu’il vient d’annoncer le rachat du domaine « Isole e Olena » de Paolo De Marchi. Cette propriété de 56 hectares est située sur des sols de galestro (schiste argileux) entre 300 et 500 mètres d’altitude, sur la partie Ouest du Chianti Classico, exposée aux vents venus de la mer. Une zone de l’appellation très recherchée.

L’histoire débute en 1956, lorsque le père de Paolo, Francesco De Marchi, un avocat originaire du Piémont, rachète plusieurs fermes gérées par des métayers, réparties sur deux hameaux, Isole et Olena. Ils ne formeront désormais plus qu’un seul et même domaine. Nous sommes au milieu des Trente Glorieuses et Francesco suit comme beaucoup le courant productiviste, abandonnant les antiques terrasses et plantant des vignes à haut rendement. Une stratégie dont son fils Paolo, visionnaire, va prendre l’exact contrepied à partir des années 1970. Le jeune homme, après avoir étudié l’agriculture à l’université de Turin, s’est formé dans différents domaines en France et en Californie. Lorsqu’il reprend les rênes en 1976, il s’oriente vers une approche résolument artisanale. Tandis que son père privilégiait une plantation large facilitant le passage des tracteurs, il opte pour une très haute densité et reconstruit les terrasses. Côté vinification, il est le premier dans la région à abandonner les fûts en châtaignier au profit des fûts en chêne.

Le vigneron se passionne aussi pour le sangiovese. A l’époque, il est obligatoire de l’assembler avec du trebbiano et de la malvasia si l’on souhaite bénéficier de l’AOC Chianti. Paolo décide au contraire d’élaborer une cuvée composée à 100 % de ce cépage, donnant naissance en 1980 à son fameux Cepparello. Il fait ainsi de Isole e Olera l’un des premiers « super toscans », ces domaines qui estiment que le cahier des charges du Chianti est trop étriqué, et préfèrent s’en affranchir. Dans ce même esprit, s’il continue à explorer le potentiel des variétés locales comme le canaiolo en menant un travail très précis de sélection massale, il plante également des cépages internationaux tels que le chardonnay, le cabernet sauvignon ou la syrah.

Dans cette cession, tout a été pensé pour préserver l’esprit du domaine. Si Giampiero Bertolini prendra la direction tout en demeurant également CEO de Biondi Santi, Paolo De Marchi conservera son rôle d’œnologue. Paolo De Marchi se réjouit de voir Isole e Olena rejoindre un groupe qui partage son souci de « la transmission du savoir-faire, de la valorisation des terroirs et de la recherche d’excellence ». Il précise : « Cette transaction ne concerne pas ma propriété familiale de Lessona (Alto Piemonte) dirigée par mon fils Luca qui bénéficiera ainsi de mon soutien et de mon expérience » Quant à Damien Lafaurie, directeur général d’EPI Wine & Champagne, il confie : « C’est un honneur de poursuivre le travail remarquable accompli par Paolo De Marchi depuis plus de quarante ans pour développer Isole e Olena et l’appellation Chianti Classico. Nous sommes convaincus du potentiel de croissance des grands vins italiens sur les principaux marchés internationaux et sommes déterminés à continuer à investir dans la qualité de nos vins, de nos marques et nos réseaux de distribution, pour qu’ils soient reconnus mondialement comme faisant partie des meilleurs vins au monde ».

Cet article [EXCLU] EPI rachète Isole e Olena, domaine emblématique de Chianti Classico est apparu en premier sur Terre de Vins.

[Table ronde 2/3] Bordeaux et les enjeux environnementaux

Cinq personnalités incarnant la « nouvelle génération » du monde du vin bordelais ont été réunies en couverture du n°77 dédié aux Primeurs du millésime 2021. À cette occasion, « Terre de Vins » organisé une table ronde pour leur demander d’échanger leurs visions sur la « désirabilité » de Bordeaux, en trois thématiques.

Anne Le Naour, directrice exécutive de CA Grands Crus (Château Grand Puy Ducasse, Château Meyney…), Laure Canu, directrice générale des châteaux Cantemerle et Grand-Corbin, Aymeric de Gironde, directeur général du château Troplong-Mondot, David Suire, directeur du château Laroque, et Pierre-Olivier Clouet, directeur technique du château Cheval Blanc, sont en couverture du n°77 de « Terre de Vins » sorti en kiosques il y a quelques jours. Un numéro largement dédié aux Primeurs 2021, un millésime « cousu main » où le savoir-faire de cette nouvelle génération de professionnels s’est avéré décisif. À l’occasion de la réalisation de cette couverture, nous avons demandé à ces cinq personnalités de se prêter au jeu d’une table ronde autour de la « désirabilité » des vins de Bordeaux. « Trop cher », « trop classique », « trop ringard », « trop boisé », « trop parkerisé« … Pendant plusieurs années, Bordeaux a beaucoup perdu de sa superbe auprès des amateurs internationaux, et son image a été écornée dans le monde entier. Le Bordeaux Bashing a prospéré, pourtant aujourd’hui Bordeaux se réveille et se réinvente. Bordeaux est-il de nouveau désirable ?

Deuxième partie : Bordeaux et les enjeux environnementaux

Anne Le Naour : encore une fois, on revient à des identités de lieu auxquelles nous devons adapter nos pratiques : au sein de CA Grands Crus, nous avons des approches environnementales différentes selon les propriétés. Pendant longtemps la monoculture a tout dominé, beaucoup d’arbres et de haies ont disparu, la biodiversité s’est amenuisée… Aujourd’hui on fait marche arrière. Sans que tous aillent vers l’agroforesterie ou l’agroviticulture, on est en train de réintroduire de la biodiversité dans nos milieux, on fait des audits en ce sens pour identifier les espèces présentes sur nos sites, adapter nos plantations pour les préserver etc. C’est à bénéficie réciproque pour nos vignes et pour la faune et flore. Les enjeux et les leviers ne sont pas les mêmes selon qu’on soit à Meyney ou à Grand Puy Ducasse. C’est aussi un grand travail collectif entre voisins au sein d’une même appellation, comme avec la confusion sexuelle par exemple, qui se développe dans une prise de conscience collective.

Laure Canu : selon que l’on soit à Grand Corbin ou à Cantemerle, évidemment les stratégies sont différentes. Cantemerle c’est presque 200 ha dont 98 de vignes, beaucoup de parcs, de forêts, de prairie, forcément la biodiversité est inscrite dans l’histoire et la configuration des lieux. On est aussi entouré de beaucoup d’habitations, donc cela nous oblige en termes de cohabitation avec les riverains depuis une quinzaine d’années. La nature est prédominante mais aussi la notion de vivre ensemble, et c’est un sujet qui est toujours en évolution.

Aymeric de Gironde : Troplong avait planté des haies depuis 1998, la sensibilité à l’environnement était en germe, aujourd’hui on accélère, depuis notre restaurant (circuit court, gestion des déchets) jusqu’à chaque aspect du volet de production viticole. On a été récemment reconnu par l’association IWCA créée par les familles Jackson et Torres, avec l’objectif d’avoir un bilan carbone divisé par deux en 2030 et égal à zéro en 2050. J’ai conscience que cela engage les générations après moi… C’est un projet audité extérieurement, donc cela nous tire vers le haut. L’empreinte carbone est un marqueur très global qui nous engage à tous les niveaux, amont, aval, dans toutes nos actions du quotidien, c’est mesurable et de toute façon on n’a pas le choix, il faut prendre nos responsabilités. Cela inclut nos relations avec nos fournisseurs de bouteilles, nos tonneliers, tous les emballages, etc. Jusqu’à nos clients ! Tout le monde doit s’y mettre. C’est notre axe et on y croit beaucoup. De manière générale je suis contre le dogme. On doit tous s’interroger sur ce que l’on peut améliorer, y compris sur le plan économique : cela pose des questions jusque dans notre usage du carburant sur l’exploitation.

Anne Le Naour : d’autant que les années se suivent et ne se ressemblent pas, il faut donc rester pragmatique et avoir un souci d’efficacité globale – mais aussi très adapté au territoire sur lequel on exerce. On ne fait pas la même chose en Bourgogne et à Bordeaux, en revanche le fil conducteur est la réduction de notre impact environnemental et plus globalement, une démarche RSE qui va inclure l’humain dans la réflexion durable.

Laure Canu : on voit aujourd’hui à Bordeaux une volonté de démarche globale, SME, RSE, ou une initiative comme Bordeaux Cultivons Demain, mais aussi les moyens de lutte collective contre la grêle mis en place à Saint-Emilion par exemple, qui montrent ces efforts collectifs.

Pierre-Olivier Clouet : à Cheval Blanc, notre démarche environnementale est le fruit d’une longue réflexion, on parle aujourd’hui d’agroécologie mais on ne sait pas trop comment ça s’appelle quand on commence. Cela a démarré vers 2010-2012 quand on a repris la Tour du Pin pour faire du blanc : on y a installé nos poules, nos cochons, un potager, un verger… une sorte de ferme en autonomie, on voulait bien comprendre comment tout cela fonctionne. On a commencé par tourner autour du vignoble. La force de l’agroécologie c’est que chacun va piocher dans un grand sac ce qui l’intéresse : arrêt des labours, couverts végétaux, etc. La tragédie de l’agriculture du XXème siècle c’est la monoculture. Or dès qu’on met des animaux ensemble ils sont moins malades, dès qu’on met des plantes ensemble elles sont moins malades. Pour nous l’agroécologie est la bonne solution ; le souci c’est que chacun y pioche ce qu’il veut, qu’il n’y a pas de certification, et que ça laisse beaucoup de place à la peinture verte… il faut donc s’assurer qu’il y a une réalité derrière les postures. Il y a 50 façons différentes de s’occuper de l’environnement. Ce qui est sûr c’est que le « conventionnel » qu’on a connu ces dernières décennies n’aura plus sa place demain, il faut accompagner sa mutation. Ensuite il y a le bio. Personnellement j’ai du mal à voir comment en 2021 avec 23 traitements on fait du bien à l’environnement, avec des sols farcis de cuivre, des passages à répétition… C’est une solution qui ne nous convient pas. La biodynamie est un angle intéressant mais il faut des convictions fortes, or on a mis en place à Cheval Blanc une viticulture qui repose sur des principes agronomiques et scientifiques solides – on a besoin de savoir pourquoi les bateaux flottent et les avions volent… donc aujourd’hui la biodynamie est une pratique avec laquelle on n’est pas à l’aise, et quand on n’est pas à l’aise avec quelque chose on le fait mal. C’est pour cela qu’on est allé chercher une démarche différente, qui part de l’observation de la nature, où l’on travaille la fertilité des sols… On a planté un peu plus de 2000 arbres pour rééquilibrer tout l’écosystème. Ce n’est pas novateur en fait, c’est un retour aux sources, avec un peu plus de connaissance scientifique qu’autrefois.

David Suire : la clé, c’est de revenir à des pratiques de « bon sens paysan ». Il n’a jamais été totalement perdu. Je suis fils et petit-fils de vignerons, toutes ces valeurs, ce savoir-faire ancien, ce respect de la terre dont on vit et qui nous nourrit, ne s’est jamais perdu. La quête de performance et le productivisme nous a parfois amenés à nous égarer, mais soyons honnête, nous parlons d’un produit, le vin, dont on peut se passer pour vivre. Donc pourquoi rechercher la performance ? Laroque est une propriété unique à Saint-Emilion, c’est un ensemble de plus de 80 hectares, les ¾ plantés en vigne, on a plus de 20 ha de prairies, bois, haies, qui participent à l’équilibre des lieux. On passe beaucoup de temps à en prendre soin. On ne réinvente rien, on essaie juste de poursuivre ce que les anciens faisaient.

Mais du point de vue du grand public, le plus « lisible » n’est-il pas de se convertir tout simplement au bio ?

Pierre-Olivier Clouet : on le paiera cher, si c’est ça l’unique solution. Je m’explique. Au-delà de tirer profit de notre terre, on a un engagement fort à avoir pour le monde agricole dans son ensemble. Les vignerons ne doivent pas se sentir une « partie noble » de l’agriculture – il y a un message agricole mondial à diffuser, pour une agriculture non seulement respectueuse de la planète, mais qui surtout est une solution pour la planète de demain. Aujourd’hui  on voit des agriculteurs montrés du doigt comme des pollueurs, alors qu’ils ont toutes les cartes en main pour contribuer à sauver la planète. Regardons les endroits où l’on remet du végétal comme la solution de demain : les paysans et les vignerons doivent faire leur part. Alors les choses ne sont pas si simples, bien sûr. Quand on est à un colloque et que quelqu’un nous demande « vous êtes en bio ? », soit on l’est, on répond oui et on peut passer le reste du temps imparti à dérouler sur les autres sujets, soit on ne l’est pas, on prend le temps d’expliquer pourquoi et à la fin, 1/3 de l’auditoire a compris la démarche, 1/3 se dit qu’on n’a fait que répéter des éléments de langage fournis par le grand groupe de luxe qui nous embauche, et le dernier 1/3 nous fustige sur les réseaux sociaux. La vérité c’est qu’en allant vers le bio « par facilité », il faudra dans quelques années répondre aux questions comme « ah mais en fait, en bio vous traitez ? Ah bon avec du sulfate de cuivre ? Ah bon avec ce bilan carbone ? »

Laure Canu : se convertir en bio, même si ce n’est pas facile à Bordeaux, cela pourrait sembler la solution la plus « simple » en termes d’image et c’est tentant, mais cela soulève beaucoup de questions, sur le bilan carbone, sur les doses de cuivre…

Aymeric de Gironde : je suis d’accord. En 2021, on a comparé les modes de culture, on a fait 10 passages sur la vigne en « conventionnel » avec seulement 2 produits de synthèse, en bio on a fait 20 passages ! Il ne faut pas prendre le consommateur pour un imbécile, il faut prendre le temps de lui expliquer tout ça. C’est sûr que si on était en Languedoc ou en Provence, le bio devrait être quasiment obligatoire. Mais à Bordeaux, avec l’humidité que l’on a, ce n’est pas si évident. Je crois aussi beaucoup dans la recherche. Les fournisseurs de traitements phytosanitaires, avec la pression environnementale et sociétale, sont en train de sortir de nouveaux produits sans CMR, sans molécules dangereuses, plus efficaces aussi. La recherche avance également sur les algues, sur plein d’autres alternatives intéressantes, qui obligent tout le monde à imaginer la solution d’après.

Le n°77 de Terre de Vins « spécial Primeurs » est depuis le 18 mai 2022 dans les kiosques.

Cet article [Table ronde 2/3] Bordeaux et les enjeux environnementaux est apparu en premier sur Terre de Vins.

Estivales à Pessac-Léognan

Les 11 et 12 juin 2022, 27 châteaux de l’Appellation Pessac-Léognan seront ouverts. Visites de propriétés, dégustations de vin, des balades dans les parcs des châteaux, et des animations sont au programme.

Parmi les animations, on pourra citer les 4 Ateliers scientifiques, animés par des chercheurs du château Couhins pour mieux comprendre la vigne et le vin ainsi qu’une Sieste poétique bercée par des lectures de poètes qui parlent du vin. Au château Bouscaut, ce sera, entre autres, un Atelier Vins & Chocolat. Au château La Louvière, Fabrication et chauffe artisanales de barriques par des maîtres tonneliers de la Tonnellerie Bordelaise ou une introduction à l’Atelier Sophro-tasting en compagnie de Justine Colson, sophrologue certifiée RNCP, passionnée de vin. Et si vous voulez vous essayer à faire votre vin à partir de plusieurs cuvées, il y aura l‘Atelier d’assemblage sur les Vins Blancs au château Lafargue.

Pour se restaurer sur place, plusieurs formules avec des “déjeuners champêtres” organisés uniquement le samedi (40€ par personne) composés d’un panier garni qui varie d’un château à l’autre, avec le vin de la propriété. Au château Couhins, vous pourrez partager le repas avec les chercheurs. Des assiettes d’huîtres et de palourdes cuites à la plancha seront servies au château Haut Lagrange. Mais peut-être préfèrerez-vous les Food-truck comme à la Louvière ou un bar à grillades comme au château Bardins.

Un grand jeu concours aura lieu où deux lots sont à gagner par tirage au sort, l’un de 12 bouteilles et l’autre de 6 bouteilles. Avant de remettre votre bulletin (à détacher du flyer téléchargeable ou à disposition dans les châteaux) il faudra le faire tamponner dans 3 châteaux.

Informations pratiques:

Les inscriptions sont obligatoires auprès du Syndicat Viticole de Pessac-Léognan au 05.56.00.21.90 ou par mail à info@pessac-leognan.com. Les places sont limitées, si le beau temps n’est pas de la partie, il faudra pouvoir de se rapatrier à l’intérieur.

www.pessac-leognan.com

Cet article Estivales à Pessac-Léognan est apparu en premier sur Terre de Vins.