Cantenac Brown, le champ des possibles

Depuis son rachat par la famille Le Lous (groupe Urgo) à la fin de l’année 2019, le 3ème Grand Cru Classé 1855 (Margaux) a accéléré ses développements. Après une extension du vignoble, il entame une grande phase de travaux pour donner naissance à un nouvel outil technique écoresponsable.

Arriver au château Cantenac Brown, c’est d’abord découvrir son imposante bâtisse de style Tudor et son magnifique parc arboré. En un clin d’œil, on ne se croit plus au cœur du vignoble de Margaux, on s’imagine transporté en pleine Écosse – moutons compris. Il faut dire que la propriété entretient des liens anciens avec le pays du kilt et du whisky : elle doit son nom et son prestige à un négociant écossais, John Lewis Brown, qui en fit l’acquisition en 1806. Cantenac Brown restera sous bannière écossaise pendant plus d’un demi-siècle – étant entre temps reconnu 3ème Grand Cru lors du classement de 1855 – avant de changer successivement de mains : la famille Lalande jusqu’à la fin des années 1960, puis la famille Du Vivier, la Compagnie du Midi en 1987, Axa Millésimes en 1989, l’homme d’affaires britannique Simon Halabi en 2006. En décembre 2019, c’est la famille Le Lous, à la tête du groupe Urgo et figurant parmi les 100 plus grandes fortunes françaises, qui reprend la propriété. Tristan Le Lous, Directeur Général Juridique et Investissements du groupe Urgo, diplômé de l’École Normale Supérieure de Lyon en génétique moléculaire, de l’école d’ingénieurs AgroParisTech et de l’école de commerce ESCP Europe, incarne l’implication familiale dans cette aventure margalaise. « Ce projet répond à une passion familiale pour les vignes et à un goût que je nourris pour les grands vins, notamment pour la région de Bordeaux que j’ai appris à connaître grâce à mon épouse originaire de la région », expliquait-il au moment du rachat.

Nourrissant de grandes ambitions pour Cantenac Brown, la famille Le Lous a opté pour « le changement dans la continuité » en s’appuyant sur la solide équipe en place, à commencer par José Sanfins, directeur de la propriété depuis de très nombreux millésimes. Ayant conduit depuis quelques années un travail de fond sur le vignoble, renforcé par l’acquisition de nouvelles parcelles au moment du rachat par les propriétaires actuels, José Sanfins dispose aujourd’hui d’un vignoble d’un peu plus de 60 hectares – le domaine en couvre 93 au total – dont le « cœur » de 40 hectares est situé sur le plateau de graves de Cantenac et Margaux. L’encépagement ad hoc – deux tiers de cabernet sauvignon, un peu moins d’un tiers de merlot, le solde en cabernet franc, petit verdot, malbec, sans oublier 1,8 hectare de sauvignon et sémillon sur sols argilo-calcaires destiné, depuis 2011, à produire le blanc Alto – est la garantie d’un margaux racé, taillé pour la garde et apte à répondre aussi bien aux attentes des amateurs (finesse, élégance, fraîcheur) qu’aux défis du réchauffement climatique. Ce cadre étant posé, il reste désormais à Cantenac Brown à conquérir les points de fine tuning qui sont désormais indispensables pour boxer dans la catégorie des vins d’élite internationaux.

C’est pourquoi vont démarrer dès le mois de juin 2021 d’importants travaux destinés à offrir au château le cuvier et le chai qu’il lui faut pour atteindre ses objectifs (les installations actuelles datent des années 1990). « Nous allons passer de 28 cuves actuellement à 70 », explique José Sanfins, « dont les contenances iront de 20 hl à 120 hl pour correspondre efficacement à notre parcellaire ». Au-delà de l’aspect technique qui va permettre aux vins de gagner en précision, ce chai se veut écoresponsable : une structure en terre crue, jusqu’à la voûte qui soutiendra le toit, permettra de réguler la consommation thermique de façon drastique et naturelle. La « matière première » (terre et bois) sera sourcée en circuit court. Puits canadiens et puits de lumière assureront aération et éclairage en permettant d’importantes économies d’énergie. La gestion des déchets est elle aussi totalement intégrée à ce projet piloté par l’architecte Philippe Madec. Cet ensemble cuvier et chai d’élevage (qui devrait permettre d’accueillir deux millésimes en simultané) accueillera aussi des bureaux et s’intègrera dans les murs du bâtiment qui jouxte actuellement la gauche du château. Quant au chai actuel, il deviendra un site de stockage. Les travaux démarreront en juin pour une livraison prévue en 2023.

L’intérieur du bâtiment principal va également faire l’objet d’une rénovation pour mettre six suites à disposition des professionnels. Si ces hébergements n’ont pas vocation à être ouverts au public, l’offre d’œnotourisme devrait prochainement s’enrichir, en s’appuyant davantage sur le patrimoine naturel qui environne le château, à commencer par le parc de 18 hectares où gambadent 36 moutons et où va être replanté un verger. C’est donc une toute nouvelle page qui va s’écrire à Cantenac Brown, portée par la famille Le Lous et par une équipe solidement attachée à cette propriété, dont José Sanfins est la figure de proue. Il faudra suivre les épisodes à venir avec beaucoup d’attention.

Brio de Château Cantenac Brown 2015
Le second vin de la propriété, né en 2001. Une sélection faite avant vendanges, pour chercher un style spécifique. 47% Cabernet Sauvignon, 42% Merlot, 11% Cabernet Franc. Sur un millésime solaire et généreux, ce vin affiche un parfum pommadé de fruit frais, annonçant un plaisir immédiat. « Un vin à boire en cuisinant », annonce José Sanfins. Matière digeste, salivante, le cabernet exprime son côté frais, élancé, ponctué par de jolis amers. Désaltérant.

Château Cantenac Brown 2018
69% Cabernet Sauvignon, 28% Merlot, 3% Cabernet Franc. Profondeur, intensité, trame mûre mais fraîche, ce « millésime océanique » se profile dans un registre crémeux, velouté, suave. Belle onctuosité de la chair, finesse des tannins, c’est un vin plein et droit, classieux, où se distinguent la réglisse, le zan, le menthol, le cèdre. Élevage très bien intégré.

Château Cantenac Brown 2009
65% Cabernet Sauvignon, 35% Merlot. Malgré une robe qui présente de premiers signes d’évolution, l’éclat du vin nous indique qu’il est encore en pleine jeunesse. Nez précis. Le fruit rouge à point se double de notes sanguines et lardées, où affleure le tabac. Bouche toute en souplesse, sapide, élégante. La matière est soyeuse, fondue, les tannins sont ciselés, l’ensemble est charnu, charnel, charmeur et velouté, porté par une belle énergie.

Alto de Cantenac Brown 2018
Le vin blanc de la propriété. 90% Sauvignon Blanc, 10% Sémillon. Belle robe limpide et brillante, le nez ne s’aventure pas sur le terrain du variétal mais sur la finesse, l’expression minérale d’un sancerre, le côté pierre à fusil. Un certain style, floral, délicat, signé par le fruit blanc. La bouche est tendue, fine, longue, le citron confit se mêle à l’accia, la pêche blanche, avant une finale zestée. Bel équilibre.

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Le groupe Boisset acquiert Moncigale

Le groupe bourguignon a annoncé le rachat du producteur de rosés et de prémix Moncigale à Marie Brizard. Avec cette opération, Boisset se développe en Provence et s’impose encore davantage comme un acteur viticole majeur en France.

C’est officiel. Cédé par Marie Brizard Wine and Spirits (MBWS), le producteur de rosés Moncigale appartient désormais intégralement à Boisset la Famille des Grands Vins. Prévue depuis la signature d’une promesse unilatérale d’achat en octobre, la cession n’était suspendue qu’à la décision de l’autorité de la concurrence, qui a finalement donné son feu vert jeudi 4 février.

« Ouvrir les portes de l’international »

Fort d’un important outil de production à Beaucaire (Gard), Moncigale produit des rosés de Provence et du Languedoc vendus sous marque propre et sous marque distributeur. Des vins en partie conditionnés en BIB et en canettes. L’entreprise commercialise également des boissons alcoolisées à base de vin (BAVB) via sa marque Fruits and Wine.

Dans un communiqué du mardi 16 février, la famille Boisset s’est félicitée de cette acquisition. « Ce portefeuille permet à la société de compléter son offre de vins du sud, en particulier sur le marché très dynamique des vins rosés, et de conforter ses positions en Provence, en forte croissance tant en France qu’à l’international. Cette acquisition permettra aussi de pénétrer certains marchés innovants, comme les BABV, mais aussi des vins à faible degré d’alcool ou encore des contenants alternatifs. »

Pour le groupe, l’acquisition de Moncigale, maison créée en 1921, correspond à « une stratégie de croissance externe favorisant la mise en lumière de maisons de vin anciennes et historiques, ancrées dans leur terroir. » Son objectif : « consolider la position de Moncigale dans la grande distribution en France mais certainement lui ouvrir les portes de l’ international, où Boisset possède un réseau établi. »

Marie Brizard se recentre sur les spiritueux

Créé en 1961 par Jean-Claude Boisset, le groupe de Nuits-Saint-Georges couvre plus de 1000 hectares de vignes entre Bourgogne, Jura, Beaujolais, Rhône, Languedoc-Roussillon et Californie, pour un chiffre d’affaire avoisinant les 350 millions d’euros en 2020. Avec l’achat de Moncigale, la société conforte sa place de géant du vin en France, derrière Castel, Grands Chais de France et Invivo.

Le groupe Marie Brizard était confronté « depuis plusieurs années » au « repli du chiffre d’affaires » de Moncigale, estimé à 50 millions d’euros en 2020. La société annonçait en octobre que « son positionnement majoritairement axé sur les spiritueux » ne permettait pas « de créer les synergies nécessaires à la croissance de Moncigale au sein du groupe. » Pour Marie Brizard, cette cession fait donc partie d’une stratégie de recentrage vers son cœur d’activité.

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[Escapade Corse] Clos d’Alzeto : en hauteur et en famille

À flanc de montagne, bordant la Méditerranée sur la côte sud-ouest de l’île, l’appellation Ajaccio, née en 1971 et qui détient des records d’ensoleillement et d’altitude, est la patrie du sciaccarellu. La quinzaine de vignerons de l’AOC soignent particulièrement ce cépage « craquant », en rouge ou en rosé. Six d’entre eux nous ont ouvert leurs portes.

Retrouvez l’intégralité de cette Escapade dans le Terre de vins n°68, disponible sur notre kiosque digital.

Épisode 1 : Clos d’Alzeto

En hauteur et en famille
Ici, on travaille en famille. Pascal Albertini a laissé les clés de la cave à son fils Alexis quand il est revenu dans l’île avec son diplôme d’œnologue. Il a repris le domaine avec son frère et sa sœur mais « ce n’est pas Albertini que l’on met en avant chez nous, avoue Alexis, pourtant la cinquième génération. Pour parler de vin, il n’est pas bon de trop personnaliser ; ici, c’est le Clos d’Alzeto. » On y faisait déjà le commerce en bouteilles il y a près d’un siècle mais c’est surtout Pascal qui lui a fait prendre une autre dimension à partir des 6 hectares autour de la cave. Aujourd’hui, le vignoble en compte plus d’une cinquantaine disséminés à flanc de montagne, la plupart sur des arènes granitiques. Il peut d’ailleurs revendiquer être le domaine viticole le plus haut de Corse avec une parcelle à 500 mètres d’altitude. Depuis 2014, tout a été clôturé pour échapper aux ravages des sangliers. Sur la Montagne A Vida, toutes les parcelles sont attenantes et sur les flancs de la vallée de la Cinarca, les paysages ont des accents florentins.
Les raisins sont vinifiés dans une toute nouvelle cave en pierre avec un panorama époustouflant sur les coteaux et, au loin, les eaux du golfe de Liscia. Le nouveau bâtiment abrite même une vinothèque avec quelques milliers de flacons. Le plus vieux date de 1958, la réserve est un peu plus importante à partir de 1988, surtout en rouge (40 % de la production) « car de plus en plus d’amateurs de vins et de restaurants étoilés recherchent des vieux millésimes ». La plus grande satisfaction d’Alexis est de constater la reconnaissance du sciaccarellu tant décrié jusqu’à la fin des années 2000, « alors que ça peut être un magnifique cépage, autant pour les rouges que pour les rosés, qui peut très bien vieillir ». Alexis l’associe parfois au niellucciu et au grenache mais pour sa nouvelle cuvée Moretelle, dont il vient de sortir le premier millésime (2016), il a choisi une version atypique avec un 100 % sciaccarellu en partie élevé en barriques de plusieurs vins, aux tanins puissants et aux arômes sauvages d’épices et de garrigue. Ce Moretelle, du nom de la parcelle à près de 500 mètres, est en Vin de France comme le blanc, minéral et citronné à base de bianco gentile et de vermentinu (55 €). La gamme est large dans toutes les couleurs, avec bientôt du minustellu et de l’aleatico pour des rouges frais et croquants mais Alexis pense orienter ses nouvelles plantations en blanc, de plus en plus demandé, parce que le vermentinu est « un cépage caméléon, un vrai bonheur de vigneron ».

Clos d’Alzeto – 20151 Sari-d’Orcino
04 95 52 24 67 – Site internet

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