Des gels tardifs inédits en Corse

Le gel touche rarement la Corse aussi durement avec des températures à -3° -4°. Il a sérieusement abîmé les vignes de Figari, Sartène, Ajaccio Porto-Vecchio, Bonifacio et Patrimonio affectant en moyenne 20 a 30 % des bourgeons.

Seules les appellation de Calvi, des coteaux du Cap et la côte orientale semblent avoir été épargnées. Ce sont surtout les bourgeons de niellucciu, l’un des cépages emblématiques de l’île, qui ont gelé. « C’est un cépage précoce qui avait déjà débourré alors que les sciaccarellu et les vermentinu n’étaient pas encore sortis », précise Eric Poli, président de l’interprofession des vins de Corse (CIV). La plaine de Figari est sans doute la plus touchée. « On peut s’attendre à une baisse de 30 a 40 % de la production, jusqu’à 60 % chez certains vignerons, estime Jean-Baptiste de Peretti, président de l’AOP. L’impact est bien plus fort et plus étendu qu’en 2017. Un de mes cousins me disait qu’il n’avait pas connu de telles températures depuis 1973. On nous avait annoncé le gel trois jours avant mais comme la veille, le 8 avril, le ciel était nuageux, on ne s’attendait pas à ce que le vent le dégage brusquement, faisant chuter les températures entre -4 et -6°. Le niellucciu, qui avait déjà plusieurs feuilles sorties, a cramé. Les traitements pour sauver quelques bourgeons n’ont pas suffi. De plus, nous sommes en sous-effectif de main d’œuvre à cause de la crise sanitaire, ce qui ne va pas aidé pour retailler. » Ce phénomène long et violent, dans la nuit du 7 au 8 avril, a aussi affecté le Clos Canarelli qui avait déjà perdu 7 ha en 2017 et qui a enregistré de gros dégâts sur une douzaine d’hectares (sur une trentaine au total). Sur certaines parcelles, plus de 80 % des bourgeons ont brulé malgré l’allumage de ballots de foin sur l’exploitation. Sur l’appellation Figari, huit producteurs sur neuf ont été frappés par le ge l; seul le domaine de Piscia de la famille Finidori, très en altitude à 350 m, aurait été épargné.

« On n’avait jamais vu ça sur autant d’hectares »

À Patrimonio où le niellucciu est roi, on n’est pas habitué à des gels aussi tardifs. La majorité des vignerons sur une centaine d’hectares (sur les 450 de l’AOP) ont été touchés et les pertes d’exploitation sont estimées à 50 % pour certains, de l’ordre de 20 % en moyenne. Sans compter les bourgeons verts qui finalement ne se développeront pas comme prévu.
À Porto-Vecchio, au domaine Torraccia, Marc Imbert a constaté deux jours de gros gel le 7 et 8 avril mais également un autre épisode la semaine dernière, très localisé à -3°. « Il a plutôt touché le niellucciu mais je ne suis pas encore allé voir de près, je préfère ne pas voir ça, on attendra plus tard. »
À Sartène, c’est la vallée de l’Ortolo qui a été la plus touchée, en particulier les domaines de Saparale, San Micheli, Pero Longo, de 20 à 40 %. Sur Ajaccio, peu de dégâts sur le sciaccarellu plutôt tardif mais certains secteurs des Clos Capitoro et Ornasca, et de Pratavone le long de la rivière sont plus sensibles au gel. « Nous avons perdu environ 20 % des bourgeons en moyenne, des niellucciu et surtout des grenaches qui ont gelé à 100 % après deux nuits autour de -3°, commente Eloïse Bianchetti du Clos Capitoro. On gèle souvent un peu en bordure de la rivière mais pas avec de telles pertes ; mon père n’avait jamais vu ça sur autant d’hectares. »


Photo F. Hermine

Des éoliennes à l’étude

Le préfet de Corse Pascal Lelarge a déjà fait un tour des vignobles les plus impactés la semaine dernière ; l’Odarc (office de développement agricole et rural de la Corse ) a commencé un diagnostic des dégâts avant d’étudier des aides exceptionnelles au cas par cas, notamment pour des équipements en éoliennes qui rabattent l’air chaud sur les vignes, et qui sont moins polluantes que les bougies ou les brûleurs. « Des exonérations de charges sociales ont également été demandées mais elles aideront surtout les plus gros domaines, précise Jean-Baptiste de Peretti, qui reconnaît que cet épisode va fragiliser les investissements prévus. Il faudra aussi négocier avec l’Inao des dérogations exceptionnelles pour permettre à certains vignerons des achats de raisins. » Encore faut-il que les exploitants aient la trésorerie suffisante, mise à mal par une année de commercialisation difficile, crise Covid oblige. « La Région veut étudier des aides pour des outils de prévention mais les épisodes de gel ici ne sont pas fréquents, estime Eric Poli. Pour l’instant, il faut surtout obtenir des aides directes et rapides pour les jeunes qui viennent de s’installer afin de ne pas mettre en péril leurs exploitations. »

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