Un gel historique en Côtes-de-Gascogne et Armagnac

Les vignobles gascon, gersois et pyrénéen semblent moins impactés au global que ceux du Lot et du Tarn mais les dégâts sur certaines parcelles n’en sont pas moins considérables.

Plus de 15000 hectares sont concernés dans le Gers, 70 a 90% des bourgeons ont gelé dans le Bas-Armagnac et à Saint-Mont, 60% en Côtes-de-Gascogne. « 1200 ha de jeunes vignes ont gelé dans le sud gersois et au-delà du rendement, il s’agit de pertes de fonds car certains jeunes ceps ne pourront pas s’en remettre et vont mourir, déplore Christophe Bou, président de l’interprofessionnel des vins du Sud-Ouest. Il faut admettre que c’est du jamais vu en intensité et en durée avec des températures entre -2°C et -5°C, parfois plus dans les bas-fonds ». Le gel a particulièrement frappé le vignoble au nord d’une ligne entre Riscle et Fleurance, dans le Condomois, en bordure des Landes et à Tursan.

Des ballots de foin qui n’ont servi à rien

Dans les Côtes de Gascogne, « on espère avoir quand même quelques raisins grâce aux contre-bourgeons et à quelques pousses qui ont survécu mais la floraison ne sera sans doute pas normale avec des risques de coulure et de millerandage, déplore Alain Desprats, directeur de l’IGP. L’épisode s’annonce encore plus grave que celui de 1991 ou nous n’avions eu qu’une moitié de récolte ». Deux nuits de gel à -4-5°C pendant plusieurs heures les 7 et 8 avril et un nouvel épisode la semaine dernière à -1-3°C ont fait beaucoup de mal « et les ballots de foin brûlés pour faire de la fumée n’ont servi à rien car ça ne peut jouer que sur 1 ou 2°C. Nous allons sans doute réfléchir à l’installation d’éoliennes ». Colombard, gros manseng, chardonnay et merlot ont été particulièrement affectés, un peu moins le sauvignon, l’ugni blanc et le cabernet sauvignon plus tardifs. Plus de la moitié des opérateurs de Côtes-de-Gascogne sont assurés via les contrats de groupe des coopératives et des Vignerons Indépendants « mais nous sommes sur des produits plutôt à consommer dans l’année, reconnaît Alain Desprats. Nous ne pouvons donc pas jouer sur les stocks. Avec tant de volumes en moins, on va forcément perdre des parts de marché que l’on va mettre des années à retrouver ».

A Madiran et Pacherenc du Vic-Bilh, les dégâts sont très hétérogènes avec des pertes de bourgeons entre 30 et 50%, surtout sur la zone gersoise avec des parcelles atteintes à 90, voire 100%. « Le tannat assez précoce a été bien touché mais on espère que les bourgeons fructifères de ce cépage plutôt productif repartiront, analyse le président de l’appellation Pascal Savoret. Mais il y aura forcément un manque de production sur les rouges et après la petite récolte de 2020 à cause du stress hydrique, c’est dur ! » Peu de vignerons assurés en revanche dans l’appellation (5 a 10%, essentiellement des coopérateurs).

Remettre sur la table une réserve climatique

L’Armagnac va également payer un lourd tribut cette année à Dame Nature, « bien pire qu’en 1991 selon les Anciens alors que l’on avait récolté que 7000 hl d’alcool pur cette année-là contre 23 000 deux ans plus tard ; ça donne l’ampleur de la gifle », assène Olivier Goujon, directeur du Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac (BNIA). « Le Bas-Armagnac côté Landes est même touché de 80 à 100% et plus on monte vers le Haut-Armagnac et la Ténarèze, plus les dégâts sont disparates, entre 50 et 70%. Il ne reste plus qu’à attendre ce qui va sortir d’ici début mai ». C’est aussi ce qu’attendent les partenaires viticulteurs de la maison armagnacaise Dartigalongue qui ont gelé de 50 a 90%, essentiellement en baco. « Il y aura peu d’eaux-de-vie cette année et nous allons devoir freiner certains marchés d’autant plus que nous poussons la blanche en mixologie depuis deux ans et que pour ce produit, on peut moins jouer sur les stocks, explique le directeur Benoît Hillion. Cela nous rappelle brutalement que nous travaillons avec un produit agricole plus aléatoire que le gin ou la vodka. Heureusement, nos appros sont sur différents terroirs, ce qui limite les risques mais en Armagnac, nous n’avons pas de réserve climatique comme à Cognac [un stock d’eaux-de-vie en cuves et non en vieillissement, libérable les mauvaises années] ; il va peut-être falloir poser ce sujet sur la table dans les prochains mois… »

En attendant, le BNIA va étudier avec l’ODG des dérogations exceptionnelles pour permettre d’augmenter les rendements du cahier des charges afin d’aider les producteurs qui n’auront pas ou peu de récolte.


(Photo St Martin Cotes de Gascogne ©DR)

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