Rhône : Justine Vigne, le sens du vivant

Cette jeune femme au parcours atypique vinifie ses vins en qvevris. Valeurs écoresponsables, biodynamie, aucun intrant, projet d’agroforesterie, façonnent des vins pleins de joyeuses promesses !

A Richerenches, dans l’Enclave des Papes, la cave est bien petite mais assez grande pour loger ses barriques et surtout ses qvevris géorgiens. Une variété de dolia en terre cuite enduites de cire d’abeille, de 150 et 500 litres, qui lui donnent toute satisfaction et qui, à terme, sera l’unique matière où vinifier ses vins. Justine sait exactement ce qu’elle veut et comment y arriver.
Fille de viticulteur-maraicher, elle a passé un Bac littéraire et une licence d’arts appliqués. Loin, bien loin des terres familiales, sans aucune velléité de reprendre le domaine, ses aspirations vont vers la découverte du monde. Du monde de l’alimentation saine et bio, de l’artisanat, du vivant, en particulier. La voici donc aux côtés d’un paysan-boulanger à faire du pain. Délaissant les arts, elle revient au berceau familial pour reprendre une formation en agronomie, option plantes et herbes sauvages. Avec son père, elle cultive petit épeautre, pois chiche et lentilles. C’est au détour d’un stage chez Rémi Pouizin, vigneron à Visan, qu’elle découvre le vin « nature », en 2010.

Licence en poche, elle poursuit son éducation par un Master Vigne, vin, terroir à Dijon. Le premier semestre validé, les sœurs dominicaines l’embauchent au monastère de La Clarté à Taulignan, pour cultiver des plantes aromatiques en agriculture biologique. Le second semestre, elle décolle pour l’Australie. Au domaine de John Nagorcka, (Horchkirch estate), elle découvre la biodynamie et fait une rencontre décisive avec Alex Podolinksy, humaniste et biodynamiste qui lui transmet son expérience.
Un passage au domaine du Vieux Télégraphe à Châteauneuf-du-Pape, un projet de tour du monde et puis papa Vigne lui propose quelques hectares pour se lancer dans l’aventure vigneronne. L’éponymie ne sera pas un vain mot.

Fin 2017, Justine exploite 2,5 hectares, trois parcelles choisies à l’intuition (deux seront certifiées AB sur le millésime 2021) et des vieilles vignes, qui pourront être labourées à cheval. De la vigne à la cave, sa philosophie s’harmonise autour des méthodes traditionnelles, sans intrants, à l’écoute de la nature, du terroir, du raisin. Elle fait des semis d’engrais verts, vendange en caisses et en quad pour éviter les tassements du sol, tri, ne foule pas trop et vinifie son premier millésime 2020 en qvevris. Le 2019 a été conçu chez ses amis du domaine des Gravennes, à Suze-la-Rousse.
Avec ses quatre cépages – grenache, syrah, carignan, cinsault – elle découvre leur potentiel et les macérations plus ou moins longues, préférant les infusions douces mais longues. Cette année, un vigneron ardéchois lui a donné un vieux pressoir, qui remplacera celui à cliquet. L’année prochaine des dolia italiennes de 1 600 litres trouveront leur place dans la cave, 2023 verra la réalisation d’un projet d’agroforesterie et de plantation de cépages d’hybrides. Il y aura du blanc aussi …
Tout cela sent la débrouille, la passion, l’écoute, le bon sens, la détermination, la création y compris dans le packaging fait des mains de la vigneronne. Ses vins sont commercialisés au domaine, dans quelques salons de vins « nature », cavistes spécialisés et restaurants.

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Les vins de Justine Vigne ont pour dénominateur commun la juste expression du fruit et la droiture.
« Enivrez-vous » (16€), assemblage de grenache et cinsault, élevé 7 mois en barrique. Le nez s’affirme sur la mûre. Tout en légèreté et en fraîcheur, il propose une belle finale avec une légère asséchance.
« Utreïa » (25€), plus discret, plus subtil, dévoile ses petits fruits noirs bien mûrs. Les cinsaults majoritaires macèrent durant 7 mois en qvevri puis sont assemblés avec les grenaches, un mois avant la mise en bouteille. La texture est tout en finesse, proposant un joli grain en bouche, les tanins sont bien présents.
« 1826 » (34€) est un 100% carignan macéré 7 mois en qvevri, sans sulfites, ni filtration. Cassis et mûre, épices légères, zan se dévoilent dans un ensemble capiteux. La bouche est croquante gorgée de groseille, après la vivacité, la souplesse suit son cours sur une finale légèrement alcooleuse. Quelle présence !
« Yoga » (25€), ce 100% syrah passé en barrique à hauteur de 70% a été vendangé tôt. Passé les senteurs de poivron, le vin un peu timide s’affirme sur la réglisse autour d’un léger boisé. Incisif, il devient chaleureux à l’aération.
« Sensation » (18€) 2019, son premier millésime composé de cinsaults et grenaches vinifiés au domaine des Gravennes, séduit par son côté floral mêlé aux fruits noirs. La fraîcheur, la matière, la souplesse du jus séduisent. A garder !

www.justinevigne.com

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