Urgence climatique en Occitanie : un Hors-Série et une conférence à ne pas manquer

Le 4 octobre, jour de la sortie en kiosques de son hors-série Développement Durable en Occitanie, Terre de Vins organisera, au Château l’Hospitalet sur le massif de la Clape, une conférence sur l’urgence climatique dans le vignoble. Découvrez le programme.

Le changement climatique s’est rarement autant vu qu’en 2021. Les épisodes de gel d’avril ont accompagné une sécheresse qui durait depuis novembre précédent et n’a fait que s’amplifier. L’été venu, les incendies ont fait des dégâts considérables et dévasté 300 hectares de garrigue à la Clape et 800 hectares dans les Corbières en juillet.

Vignoble du Sud par excellence, l’Occitanie est aux premières loges du réchauffement climatique. Vigie mais pas victime, la filière vin refuse de seulement subir et s’engage avec la recherche, ses fournisseurs, ses clients, pour prévenir le changement climatique et en atténuer les conséquences sur le vignoble.

Dans son Hors-Série Développement Durable en Occitanie, Terre de Vins dresse le portrait d’acteurs du monde du vin qui s’efforcent de faire la différence en Languedoc, en Roussillon, en IGP Pays d’Oc et dans les vignobles du Sud-Ouest.

Ce numéro hors-série clôt un millésime hors-normes qui voit la plus petite vendange que la région ait connue en trente ans. Il sera disponible dans les kiosques le 4 octobre. Le même jour, à partir de 10 heures au Château l’Hospitalet sur le massif de la Clape, Terre de Vins et ses partenaires animeront une conférence sur le thème Occitanie, l’urgence climatique Le vignoble face à l’impact des incendies, en présence :

  • d’Anne Lignères du domaine La Baronne, dont le domaine a été encerclé par le très grand incendie qui a ravagé les Corbières et qui s’était exprimée dans nos colonnes.
  • du Professeur Jean-Marc Touzard (directeur de l’Unité Mixte de Recherche (UMR) Innovation à l’INRAE Montpellier)
  • du Colonel Jean-Luc Beccari, Directeur départemental du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) de l’Aude.

La conférence sera animée par Rodolphe WARTEL, Directeur général de Terre de vins. Le compte-rendu sera disponible le jour-même sur notre site.

INSCRIPTION PAR MAIL EN SUIVANT CE LIEN

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Bordeaux : des vendanges sous le signe de l’innovation

A l’heure où la récolte du millésime 2021 est en cours dans le vignoble bordelais, rencontre avec Philippe Carretero du château Rioublanc (Saint-Ciers-d’Abzac) et Hélène Ponty des Vignobles Ponty (Fronsac), qui testent de nouveaux procédés pour la création de leurs cuvées en AOC bordeaux-bordeaux supérieur


Une nouvelle application mobile au Château Rioublanc

Philippe Carretero, propriétaire

Créé au début du XIXème siècle, le château Rioublanc étend ses 50 hectares de vignes au nord de Libourne. Principalement producteur de vins rouges depuis les années 1980, il élabore aussi des vins blancs secs, moelleux et crémants en appellation bordeaux. Après son père Edouard, l’ingénieur-œnologue Philippe Carretero préside depuis 1989 aux destinées de ce domaine exploité en agriculture biologique depuis 2009. 

Philippe Carretero, pouvez-vous nous dire quelques mots sur les vendanges et le millésime 2021 ?

Sur notre terroir tardif (boulbènes sur argile), nous avons commencé les vendanges le lundi 20 septembre avec les crémants. Ensuite, vendredi 24, nous avons récolté le malbec pour le rosé, l’équilibre est bon (11° avec une belle acidité), mais il était grand temps, surtout pour la couleur qui se libère très vite. Nous commencerons les rouges à partir de mardi 28, en privilégiant les parcelles les plus touchées par le mildiou. Les vendanges 2021 seront les plus petites depuis la gelée de 2017. Avec la forte pluviométrie de mai et juin, le mildiou a détruit une grande partie de nos merlots. Dans les autres cépages, les dégâts sont plus modérés, mais suite aux petites gelées survenues jusqu’au 3 mai, le potentiel reste limité. Nous espérons surtout retrouver une année pleine, car aujourd’hui nos volumes en cave n’ont jamais été aussi faibles…

Pour la qualité, je peux déjà vous répondre pour les blancs et rosés : ce sera très bien ! Les équilibres seront là, avec une belle fraîcheur et de beaux arômes. C’est agréable de retrouver un millésime moins solaire que les précédents, même s’il va falloir recourir à la chaptalisation. Pour les rouges, c’est plus difficile à dire. Pour la première fois de ma carrière, nous allons vinifier certains merlots en thermo-vinification pour ne pas prendre de risque avec l’état sanitaire…

Pouvez-vous nous présenter l’application mobile « VitiTag » utilisée pour la première fois lors de ces vendanges 2021 et ses bénéfices attendus ?  

Mon fils Paul a rejoint l’exploitation familiale en 2018, après être sorti major de promotion du master de Génie Logiciel de Grenoble. Il a alors développé « VitiTag », une application mobile en temps réel pour la gestion des salariés, le suivi technique global et la traçabilité viti-vinicole. La force de VitiTag, c’est l’acquisition automatisée des données grâce au croisement des informations du planning et de la géolocalisation. Il suffit à l’utilisateur d’enregistrer son heure de début et son heure de fin de journée sur un smartphone.
A partir de là, le vigneron dispose sur son PC, en temps réel, de toutes les informations utiles sur les activités réalisées. Les principales fonctions sont : la gestion du planning et des heures des salariés, le suivi des travaux viticoles et vinicoles, la traçabilité administrative (traitements phytosanitaires, délais de rentrée, suivi de cave…).
Au départ, nous n’avions pas pensé distribuer notre application. Puis, comme les confrères se montraient très intéressés et qu’il n’y avait pas vraiment d’équivalent sur le marché, nous avons créé au 1er septembre « VitiTag Software SAS ». Avec les vendanges, nous commençons à diffuser la version « bêta », et l’accueil est très bon !
Aujourd’hui, avec VitiTag, pour seulement 20 € par mois, le vigneron dispose d’un outil de gestion viti-vinicole performant pour gérer son équipe, calculer ses coûts et établir ses prévisionnels.
En 2021, VitiTag a reçu sa première récompense : elle a été lauréate de la FADUNA (Fondation Agriculture Durable en Nouvelle Aquitaine) qui met en lumière des projets innovants. La remise des prix aura lieu le 11 octobre au siège du Crédit Agricole.
Pour plus d’informations, nous avons mis en ligne une présentation de l’application sur  www.vititag.com.

Un nouveau bordeaux blanc créé en macération aux Vignobles Ponty

Hélène Ponty, propriétaire

Les Vignobles Ponty sont une propriété familiale fondée en 1905 par l’arrière grand-père d’Hélène Ponty, Victor. La propriété s’est ensuite transmise jusqu’à l’actuelle exploitante, 5e génération à la tête du domaine, depuis septembre 2019. Le processus de conversion à l’agriculture biologique a débuté en 2020 et la biodynamie s’installe peu à peu.

Les Vignobles Ponty réunissent deux propriétés principales : Château du Pavillon sur le bas de Canon Fronsac, avec un terroir argilo-sableux, et Château Grand Renouil sur le plateau calcaire et le coteau argilo-calcaire de Canon Fronsac. Egalement une petite parcelle de blanc (35 ares) sur le coteau argilo-calcaire de Canon Fronsac, et une petite parcelle de Bordeaux dans les terroirs de palus. Les cépages principalement travaillés sont le merlot, le cabernet franc et le sémillon.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les vendanges et le millésime 2021 ?

2021 fut bien sûr un millésime très difficile, nous avons été un peu touchés par le gel sur certaines parcelles, et beaucoup par le mildiou. Les vendanges vont donc être faibles en quantité. Cependant, grâce à une pluviométrie élevée presque toute l’année, dont notamment cet été, et à une belle arrière saison avec des journées chaudes et des nuits fraîches, nous avons maintenant de belles baies, assez grosses, mais montrant aussi une belle aromatique et de jolis tanins assez fins.

Pouvez-me parler de votre nouvelle cuvée blanche créée exclusivement à base de macération ?

Nous avons une petite parcelle de sémillon avec laquelle nous avions l’habitude de créer un bordeaux blanc sec de manière classique, mais en recherchant beaucoup de tension, et peu de boisé. Cette année, j’ai voulu arrêter cette cuvée, même si elle plaisait beaucoup, et nous lancer dans l’aventure d’un blanc de macération. Aussi appelé « vin orange » à cause de sa couleur, il est vinifié comme un vin rouge. Cette technique qui date de l’Antiquité consiste à faire fermenter les raisins avec leurs parties solides, sans passer par l’étape du pressurage. Cela permet d’obtenir des vins blancs avec une structure tannique, et des expressions aromatiques assez larges et variées. Deux raisons m’ont incitée à tenter cette expérimentation : tout d’abord, j’aime avoir un nouveau projet à chaque vendange, pour apprendre de nouvelles techniques chaque année, continuer à innover, réfléchir. Dans une optique commerciale et de gamme, je trouve également intéressant de pouvoir montrer à nos clients la diversité des vins que l’on peut produire à Bordeaux, notamment avec des sémillons de 30 ans sur de très jolis terroirs, qui devraient bien se prêter à la macération. Mes clients restaurateurs sont très intéressés par les vins de macération pour les accords mets-vins. Cela leur permet d’expérimenter et de jouer sur des accords plus « risqués », et nous permet de continuer la conversation avec eux sur le type de vins que l’on peut produire dans notre région et avec nos cépages. Personne dans mon équipe n’a l’expérience des blancs de macération. Nous nous sommes préparés en organisant des dégustations comparatives d’autres blancs de macération de Bordeaux, pour comprendre l’impact du cépage, du contenant et du temps de macération. Les jarres en grès semblaient intéressantes, mais n’ayant jamais travaillé avec ce type de contenant, nous ne voulions pas avoir à la fois l’incertitude de la macération et celle de la jarre. Nous avons donc décidé de réaliser cette cuvée en cuve inox.

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Cognac : les vendanges commencent tranquillement

Dans la région de Cognac, les machines à vendanger commencent à enjamber les rangs de vignes. La période de récolte devrait s’étaler sur trois semaines voire un mois.

Certains viticulteurs ont franchi le Rubicon dès la semaine dernière sur de jeunes vignes alors que d’autres ne sortiront pas leurs machines avant le 10 octobre. Dans le cognaçais, il y a plusieurs écoles. Selon les ingénieurs agronomes du BNIC, la maturation se déroule normalement, les différences provenant essentiellement des gelées d’avril et de mai ainsi que de la pression du mildiou. « C’est une année délicate, nous sommes tentés d’attendre pour gagner en degré mais la pourriture se développe rapidement compte-tenu de la météo« , explique David Lanthiome, viticulteur en Petite-Champagne, à Réaux-sur-Trèfle.

Du côté de Saint-Saturnin dans l’angoumoisin, Frédéric Bourgoin a pris sa décision, débutant les hostilités ce mardi 28. « Ça se passe plutôt bien, il fait beau, les températures sont clémentes, nous n’avons pas trop de pourriture, les degrés ne sont pas très haut mais ce n’est pas grave, on a de belles acidités et c’est quand même ce que l’on recherche à Cognac pour l’interaction avec le cuivre lors de la distillation« , explique-t-il. Malgré le millésime qui a commencé avec du gel, de la coulure et des pressions importantes de maladies – mildiou en tête -, on garde le moral. Aussi, la date de début de vendanges est conditionnée par le matériel à disposition du viticulteur en fonction de sa surface et de ses moyens. « Nous sommes passés d’une machine à deux pour pouvoir vendanger l’intégralité du domaine plus vite et s’exposer le moins possible à la pourriture, c’est le risque de ceux qui recherchent à tout prix la maturité« , souligne Frédéric Bourgoin. Selon les premières estimations, on se dirige vers une récolte moyenne de 110 hectolitres de vin à distiller par hectare.   

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Provence : les vendanges de Chevron Villette après l’incendie

Guillaume de Chevron Villette exploite pas moins de 700 hectares de vignes au cœur du Var dont 550 en propriété. Les vignes étaient cernées par les flammes en août dernier. Leur propriétaire qui vient de terminer ses vendanges nous raconte cette annus horribilis.

Vous venez de terminer les vendanges dans un paysage un peu chaotique après le grand incendie de mi-août. Avez-vous pu sauver le prochain millésime ?

Les volumes vont forcément être plus faibles. Nous n’avons pas ramassé les trois-quatre rangées autour des parcelles, ce qui va représenter 25 ha sur les 150 de la plaine. Seuls quelques rangs ont entièrement brûlés à côté des arbres et quelques rangées ont été échaudées; on va sans doute devoir arracher 2-3 hectares. Heureusement les bâtiments au milieu des vignes ont été protégés. Nous avons déjà connu des incendies ici en 1983, 1989, 2003 mais le pire avait été celui de 1979 qui avait brûlé 10 000 hectares. Cette fois, le feu allait tellement vite qu’il sautait par-dessus les arbres et certains oasis plus frais dans les Maures n’ont même pas brûlé et sont restés verts. Il ne manquait pourtant pas d’eau fin juillet mais les grosses chaleurs de mi-août ont tout desséché. On va vinifier à part les parcelles à risque et utiliser du charbon désodorisant à la fermentation pour assainir les notes de fumée. En revanche, il n’y a pas eu de retardant sur le vignoble -comme il est de couleur rouge, on l’aurait vu. Nous avions eu aussi le gel en avril qui était descendu à -7°C pendant deux jours (nous avons cinq stations météo sur le domaine). Nous avons limité les dégâts en utilisant des oligo-éléments la veille en prévention et ensuite sur les parcelles noires. Et finalement, nous allons arriver à 55 hl/ha donc c’est plutôt réussi même si on ne fera pas le plein en volumes.

Comment conduisez-vous le vignoble notamment dans la plaine des Maures ?

En 40 ans, nous avons baissé les intrants de 70%. Ici, nous sommes labellisés Terra Vitis et HVE et même certifiés en bio sur 200 hectares autour de Puget-Ville, Pierrefeu, Le Muy, Carcès, Monfort et Cotignac. A partir des années 80, après mes études d’agronomie et viti-œno, j’ai même travaillé en biodynamie les châteaux Chevron-Villette sur 25 ha et Marouine sur 15 ha car ils étaient isolés. Au château de la Sauveuse, on a 70 ha en bio. Mais sur la plaine des Maures, c’est plus difficile avec des sols acides à forte érosion mais on va y arriver. On n’utilise déjà plus d’insecticides ni d’engrais chimiques depuis les années 80, on met rarement des pesticides et on défend le modèle de Terra Vitis avec une obligation de résultats. Pour la certification, l’idéal serait de pouvoir travailler en bio mais avec une dérogation possible avant la floraison pour les années les plus difficiles. Mon credo est de rendre la terre plus belle et plus propre qu’on me l’a donnée, c’est ma culture mais nous avons aussi une obligation économique. Il suffirait d’obliger l’analyse des vins au final. En tout cas, toute la génération qui arrive veut faire propre et ils ont les infos et les formations pour ça. C’est encourageant.

Pourquoi un si grand domaine en Provence est aussi peu connu ?

J’ai développé Château Reillanne qui est en 100% mise château en négoce avec une centaine d’hectares et quelques autres domaines mais au départ, je voulais créer une marque comme Cellier des Dauphins où j’avais fait un stage du temps de François Boschi qui répétait toujours : du facing, du facing et encore du facing. Reillanne s’est beaucoup développé en France – nous dépassons aujourd’hui plus d’un million de bouteilles, principalement en GD en faisant déguster pendant les foires aux vins depuis la fin des années 80. Mais nous n’avons pas réussi à percer à l’export où le statut de récoltant n’est pas demandé, en tout cas pas pour les provence; nous faisons juste des marques distributeurs. Pour se développer davantage, il faudrait beaucoup miser sur le marketing et l’événementiel mais nous n’avons pas les moyens des domaines qui ont été rachetés dans les environs depuis dix ans et qui bénéficient de gros capitaux extérieurs. Les prix ont vite flambé surtout depuis le rachat de Miraval. Nous sommes donc à ce jour le plus gros domaine de Provence – on exploite 700 ha dont 550 en propriété, et nous sommes fiers d’avoir su garder un bon équilibre économique grâce à une logique de paysan et à l’un des outils les plus modernes de la région avec un tri optique dernière génération. Mais quand on est distribué surtout en GD sans investir dans le marketing et la communication, on n’a pas de notoriété.

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NPU 2008 : le travail d’orfèvre de la Maison Bruno Paillard

Le champagne Bruno Paillard lance un nouvel opus de sa cuvée Nec Plus Ultra avec un millésime 2008 dont les multiples facettes aromatiques ont fait le bonheur du chef Grégory Garimbay. Celui-ci a composé un menu servi chez Puiforcat lors d’un déjeuner spécial qui fut aussi l’occasion de redécouvrir l’étonnante « timbale à champagne » imaginée par la Maison en partenariat avec cet orfèvre de renom.

Nec Plus Ultra, le nom de la cuvée est ambitieux et ne donne pas le droit à l’erreur. D’où la rareté des millésimes. Pour les donner par ordre de sortie : 1990, 1995, 1996, 1999, 2003, 2002, 2004 et le tout dernier, 2008, dégusté lors d’un déjeuner préparé par Grégory Garimbay, nouveau chef de l’auberge Nicolas Flamel. L’histoire est celle d’un pari que raconte un sourire en coin Alice Paillard, l’actuelle présidente. Dans les années 1980, son père Bruno Paillard vient de fonder la Maison. Lors d’un déjeuner, quelques journalistes anglais le défient : « Votre brut est très bien mais vous n’avez pas de cuvée spéciale ? » Le négociant agacé répond : « les cuvées spéciales, on ne sait jamais très bien quelle est la part de marketing et de vrai vin à l’intérieur. » Mais si ces messieurs y tiennent, pourquoi pas. Il prend immédiatement un crayon, une feuille de papier et s’enquiert du cahier des charges requis. La chose étant théorique, il ne se refuse rien : uniquement des grands crus, vinification et élevage sous bois, vieillissement d’au moins dix ans ce qui, dans le contexte d’inflation de l’époque, représentait une folie.

Le personnage a le goût du jeu et ne tarde pas à passer à la pratique. En 1988, il vinifie une partie de la vendange en barrique. Le résultat est excellent, mais il ne veut pas y croire : comment admettre que cela puisse être bon du premier coup ? En 1989, rebelote. Arrive enfin 1990, troisième millésime extraordinaire consécutif en Champagne. Cette fois, le jeune négociant se dit que le train ne repassera pas. Il se lance et tire la première cuvée NPU. Le vin d’une puissance incroyable sera mis sur le marché dans les années 2000 avec pour premier client Alain Passard. Alors même que personne ne connaît la cuvée et sans écouter les mises en garde du négociant qui l’incite à rester prudent sur la quantité, le chef prend d’emblée une commande de 120 flacons. Un mois plus tard, inquiet, Bruno Paillard rappelle Alain Passard. Toutes les bouteilles ont été vendues, elles ont été servies à la coupe ! 

Il faut reconnaître qu’à la différence de certaines cuvées prétendument « spéciales » dont les volumes sont tus, celle-ci mérite ce qualificatif. Elle représente un tirage très réduit dans les ventes de la Maison qui varie de 5000 à 20.000 bouteilles si bien que n’étant « pas vitale pour la santé de l’entreprise, il n’y a aucune nécessité économique à la produire tous les ans. » On soulignera aussi l’originalité de l’approche œnologique, notamment en ce qui concerne la date de dégorgement, ici opéré en avril 2019, alors que beaucoup de maisons laissent seulement trois à six mois avant la mise sur le marché. « Le vin est vivant et le dégorgement constitue l’équivalent d’une opération chirurgicale. C’est un choc qui nécessite une convalescence. De la même manière que pour un humain, plus le vin est âgé, plus il va avoir besoin de temps pour s’en remettre. A la dégustation, dans les mois qui ont suivi le dégorgement, à chaque fois je le trouvais encore fermé, il a fallu 18 mois pour qu’il s’ouvre« .

2008 avec ses raisins qui combinaient une belle maturité et un niveau élevé d’acidité offrait un magnifique potentiel. « On attaque bien sûr avec des arômes de vieux vins, mais ce qui me frappe par rapport aux autres NPU, c’est qu’on a encore beaucoup de fruits frais, c’est propre à la veine de 2008, avec de la framboise, de la groseille, des notes que l’on n’attend pas du tout sur un vin de cet âge« . Ce vin a en effet une multitude de facettes, avec également un côté fumé et iodé, des notes de pâte de coing, un toucher soyeux et cette acidité « que l’on a envie de confronter à quelque chose de gras« . Les accords peuvent donc être très différents et c’est ce qu’a voulu montrer Gregory Garimbay dans les compositions proposées : tomate saupoudrée de ricotta (l’acidité de la tomate pouvait pourtant faire peur), homard bleu, ris de veau… Le champagne Bruno Paillard, très présent dans la restauration (80% de ses expéditions), mais qui entend renforcer sa place chez les cavistes, bénéficie là d’un bel argument.

Le champagne à la timbale ?

La Maison a profité de l’événement pour proposer une dégustation dans sa fameuse timbale en argent réalisée par l’orfèvre Puiforcat. Bien-sûr, ce n’est pas l’objet idéal pour déguster dans la mesure où l’argent coupe toute perception olfactive. Mais c’est un objet passionnant et complémentaire pour tourner autour du vin. La timbale reflète la lumière à l’intérieur et le champagne qui brille de mille éclats prend des allures de métal en fusion. La sensation de froid que procure le métal au contact des lèvres renforce aussi l’effet rafraichissant. Enfin, l’absence de pied évite d’avoir à pencher trop la tête lorsque l’on boit, le vin va ainsi rester sur les papilles du début de la langue et non tout de suite partir en arrière plus au fond.

Prix recommandé N.P.U. 2008 : 220 €

www.champagnebrunopaillard.com

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