Vendanges : dans le Bordelais, la météo “compliquée” laisse quelques grappes d’espoir

Au Château Certan de May, à Pomerol, une vingtaine de saisonniers accroupis dans les rangées de merlot, entament sécateur en main les vendanges de rouges dans le Bordelais qui, malgré le gel, la pluie et la maladie, espère bien sortir de la crise.

Sur le tapis roulant de triage avant la mise en cuve, quatre employées tamisent délicatement avec la paume de la main des raisins généreusement gonflés par les pluies estivales. Les pluies abondantes en juin et juillet ont donné des baies « 20 à 30% plus grosses que l’an passé », dit lundi le viticulteur Jean-Luc Barreau, propriétaire de cette exploitation familiale près de Libourne qui produit 30.000 bouteilles d’appellation Pomerol par an. Relativement épargnées par le gel car situées sur un plateau et protégées par des éoliennes, ses parcelles devraient offrir une récolte légèrement en dessous de la moyenne, pour des vins « très agréables », « sans grande complexité » mais encore « incertains », tant la menace de la maladie – le mildiou- persiste, ajoute-t-il devant une benne remplie à ras bord de grappes de merlot.

Mais dans le Bordelais, tous n’ont pas eu cette chance, tant la météo « compliquée », « sans vrai printemps », et ses conséquences ont pesé sur les cultures, reconnait-il. Gel tardif en avril, pluies amenant un mildiou « sévère » en début d’été, puis prolifération de la cicadelle ensuite – un insecte s’attaquant au feuillage – : « la tendance, c’est qu’on a perdu à peu près 25% par rapport à une récolte normale » résume à l’AFP Eric Hénaux, directeur général de la coopérative de Tutiac, l’une des plus importantes de Gironde.

Dans la région, le Sud-Gironde (Sauternais et Barsac), en blanc, ou les Graves, ont bien souffert des conditions extrêmes, tandis qu’en France, tous vignobles confondus, une récolte « historiquement basse » est attendue, avec une production en baisse de près de 30%, selon le ministère de l’Agriculture.

« De belles cartes à jouer »

Pourtant, cette météo anormale, grâce à un réchauffement en dernière partie de saison, pourrait in fine apporter un millésime de grande qualité pour les Bordeaux, pense Philippe Dulong, président du syndicat des œnologues de France pour la région sud-ouest. Cet été globalement « frais » a procuré aux raisins « une acidité bien meilleure », qui va permettre « des vins agréables, plus fruités et plus aromatiques que les années précédentes », abonde cet œnologue spécialiste du Bordelais.

A ces promesses en saveur, s’ajoute une conjoncture favorable, qui laisse espérer aux vins de Bordeaux un rebond sur les marchés, notamment internationaux, après des années de souffrance. Depuis un sévère épisode de gel en 2017 – alors responsable d’une chute de 40% de la production- les vins de Bordeaux et ses prix parfois élevés, ont peiné face à une évolution des modes de consommation et une baisse des exportations. Mais selon le négociant Jean-Pierre Durand, le secteur est « confiant » pour la campagne qui démarre, notamment à l’international : en Chine, Bordeaux récupère peu à peu des parts de marché au détriment de vins australiens, « punis » par les tensions entre Canberra et Pékin, tandis qu’aux Etats-Unis, les taxes décidées par l’ancien président Trump ont été suspendues.

Porté par une succession de « trois beaux millésimes » de 2018 à 2020 – le vignoble a déjà amorcé sa « reprise » dont « l’équilibre » reste « fragile », estime M. Durand, également co-président des affaires économiques du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), qui regroupe les professionnels du secteur. Selon lui, avec les promesses gustatives des vendanges actuelles et les volumes « plus disponibles » que ceux des autres régions françaises durement frappées cette année, les vins de Bordeaux auront « de belles cartes à jouer », pour, enfin, entrevoir une sortie de crise.

Par Thomas SAINT-CRICQ pour AFP

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Bio : le retour en force de la Bourgogne

Les derniers chiffres officiels font état d’une explosion des conversions au royaume du pinot et du chardonnay, réputé réfractaire il y a encore quelques années.

C’est officiel : La Bourgogne viticole dépasse désormais la moyenne française en nombre d’exploitations viticoles bio. La région compte désormais 17% de vignes cultivées en agriculture biologique, contre 14% en France, d’après l’observatoire Bourgogne-Franche-Comté de l’agriculture biologique (Orab).


Côte de Beaune et Côte de Nuits en tête

Un petit événement en soi, dans un vignoble où la tradition et un climat parfois difficile ne poussent pas au changement de pratiques. Comment expliquer cette tendance ? « Les domaines qui se convertissent aujourd’hui se préparaient depuis longtemps, dix ans pour certains« , dévoile Agnès Boisson, qui accompagne les conversions avec l’association BioBourgogne. « Les producteurs souhaitent répondre à la demande des clients, mais pas coûte que coûte. Beaucoup ont commencé à changer de pratiques, par exemple à labourer les sols, avant même d’évoquer la conversion.« 

Championne de cette Bourgogne en route vers la bio : la Côte d’Or, département de la Côte de Beaune et de la Côte de Nuits. Ici, 26% des domaines sont désormais certifiés AB ou en conversion. Moins engagés à l’heure actuelle, l’Yonne (Chablisien) et la Saône-et-Loire (Côte chalonnaise et Mâconnais) plafonnent à 14% et 10% des surfaces. Mais s’apprêtent à suivre la tendance. « Il y a un bruit de fond dans ces départements, où les coopératives aussi jouent le jeu. La plupart ont désormais une gamme bio, qu’elles parviennent à valoriser« , décrypte Agnès Boisson.

S’offrir de nouveaux débouchés

Motivation n°1 pour ces domaines : « le facteur commercial« , estime l’Orab. Ainsi, « la certification bio offre de nouveaux débouchés, notamment à l’export, où certains pays du nord de l’Europe et en Asie mettent une priorité sur les vins avec label« . Puis, « la conversion à la bio offre dans un second temps à ces exploitations une approche agronomique plus pointue, renforçant ainsi une prise de conscience de l’intérêt de la bio au niveau environnemental.« 


La tendance devrait suivre son cours, les abandons étant de moins en moins fréquents. « Cette année a été particulièrement difficile, et je n’ai pratiquement pas entendu parler de domaines qui arrêtaient la bio« , confie Agnès Boisson.

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Anne Le Naour (CA Grands Crus) : « 2021 sera un millésime de vigneron (ne) »

Après une année prompte à faire stresser les vignerons médocains, les vendanges des raisins rouges commencent sur la péninsule. L’œnologue et directrice générale de Crédit Agricole Grands Crus (Châteaux Grand Puy Ducasse, Meyney, Blaignan…) délivre, entre deux coups de sécateur, ses premières impressions.

Comment s’opère ce début de vendanges ? 

Les vendanges ont commencé le 14 septembre dernier sur notre propriété de Bourgogne (Domaine du Château Philippe le Hardi, ex-Château de Santenay), et plus récemment, pour profiter de l’été indien, le 24 septembre sur nos jeunes plants de merlot aux châteaux Grand-Puy Ducasse et Meyney. Nous envisageons une fin de récolte des merlots sur ces deux propriétés médocaines cette fin de semaine. Dans le Nord Médoc, sur notre vignoble du château Blaignan, le top départ n’est pas encore donné, mais nous envisageons la récolte des jeunes vignes dans la semaine du 4 octobre. En synthèse, des vendanges plus tardives qu’en 2020 (une semaine ½ plus tard à Bordeaux, 3 semaines en Bourgogne) et des rendements prévisionnels stables dans le meilleur des cas, à la baisse la plupart du temps. 

Qu’en est-il de l’état sanitaire ?

Les mesures sanitaires mises en place l’an passé sont toujours de rigueur, mais nous les appréhendons mieux désormais et l’organisation de la récolte sera, d’un point de vue logistique, sans doute plus sereine. Il n’en demeure pas moins qu’il est de plus en plus compliqué de trouver des vendangeurs et que, comme bon nombre de propriétés, ce sujet nous préoccupe fortement.  

Quelle ont été les grandes étapes de ce millésime ? 

Compte tenu des conditions climatologiques, la situation s’est révélée très variable d’un vignoble à l’autre… Par chance moins de 5 % des surfaces de notre propriété pauillacaise (château Grand-Puy Ducasse, 5èmeGrand Cru Classé 1855) ont été partiellement touchées par le gel. Quant au vignoble de château Meyney à Saint-Estèphe, il a été totalement épargné. Le gel a touché de façon plus significative les bas de butte de notre propriété du Nord Médoc (château Blaignan) et de nombreuses parcelles de notre vignoble bourguignon (on évalue les pertes à plus de 60 % sur les blancs et plus de 30 % sur les rouges), sans pour autant réduire la récolte à néant, comme ce fut malheureusement le cas sur notre propriété de la rive droite (Clos Saint-Vincent, Saint-Emilion Grand Cru). 

Les conditions du millésime ont mis nos nerfs à rude épreuve et ne nous ont accordé que peu de moments de répit. Malgré une vigilance de tous les instants, le mildiou s’est montré particulièrement agressif cette année et nos vignobles n’ont pas été épargnés. 2021 sera, à n’en pas douter, un millésime de vigneron(ne), mais ce sera aussi un millésime de tri sélectif car peu de surfaces auront été totalement épargnées et trier le moins bon du meilleur fera la différence cette année.

À ce stade, en termes de qualité de raisins, à quel millésime précédent ce 2021 ressemble-t-il ? 

À ce stade, et au doigt mouillé, je pourrais penser au 2014 pour Bordeaux. J’ai moins de repères pour la Bourgogne. Mais j’espère que vous ne m’en voudrez pas si je suis un jour amenée à réfuter cette comparaison !

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