Sauternes : quel millésime 2021 ?

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Gel, grêle parfois, et pression du mildiou, tels sont les épisodes funestes que les viticulteurs ont dû affronter tout au fil de l’année. Ces écueils compromettent-ils pour autant la qualité du millésime 2021 à Sauternes ?

Comme à peu près partout en France, le millésime 2021 aura connu à Bordeaux des calamités qui laissaient craindre une vendange difficile. Parmi les villages de l’appellation Sauternes-Barsac, Barsac a été le plus touché et certains châteaux ne vendangeront pas : c’est le territoire le plus bas et le froid y est descendu. Le mois de juin a été humide, le mois de juillet assez frais, et la pression mildiou a été forte. Il aura fallu attendre une arrière saison plutôt clémente (le fameux « été indien »), conforme à la tradition météo de Bordeaux, pour rattraper ces handicaps.

Philippe Dulong, œnologue consultant, du laboratoire œnologique Dulong Chaminade à Cadillac : « Barsac a été extrêmement touché par le gel. La récolte qui reste sur les autres communes du territoire en appellation Sauternes est maigre, avec des rendements faibles. Mais les conditions favorables à un bon millésime sont pourtant parfaitement réunies. On retrouve les vendanges d’autrefois et on retombe sur un calendrier classique. Il y a une belle installation du botrytis et des degrés convenables. Il y a des baies de 2ème génération qui ne sont pas botrytisées et qui ne seront pas ramassées. Il faut donc plusieurs passages pour quelques hl/ha. Les châteaux qui trieront sortiront de très belles choses. Il fallait veiller à ne pas ramasser des raisins avec la pourriture acide qui fait des raisins avec de l’acide acétique et d’acétate d’éthyle. L’arrière saison a été bonne finalement avec des températures relativement élevées et des nuits fraîches qui ont maintenu la fraîcheur aromatique. Qualitativement, le handicap du gel a été rattrapé. Ce qui fait tirer la tête, c’est la quantité. Ce millésime 2021 me fait penser un peu à 1996, ou 2007. Ne pas négliger la rive droite, à Sainte Croix du Mont, Cadillac, ou Loupiac, sur les coteaux bien exposés. Là aussi, on y voit des petites récoltes mais de belle qualité. »

Château Yquem, à Sauternes, 1er Cru Classé Supérieur en 1855. Lorenzo Pasquini, directeur d’exploitation depuis octobre 2020 : « Ce sont mes premières vendanges, mais il y a un tuilage en douceur avec Francis Mayeur, directeur technique du domaine. Il a un grand savoir que j’essaie d’absorber, ensuite je mettrai ma patte. 2021 est un millésime avec une somme de petits facteurs. Le gel nous a touchés à hauteur de 10 à 15%, nous avons donc été plutôt épargnés. Nous avons eu ensuite, un passage de grêle qui a provoqué des petits dégâts, et enfin une pression mildiou en juillet. Pris chacun séparément, chaque facteur n’est pas très important mais la somme des trois a fait qu’on est arrivé avec un potentiel de production légèrement inférieur à ce que l’on a d’habitude d’avoir. Pour le blanc sec, nous avons profité d’un raisin avec une belle fraîcheur. Pour le liquoreux, entre fin septembre et octobre, la météo fut belle. La contamination assez homogène du botrytis, nous a amené à l’observer sur sa forme noble. Les raisins on été vendangés dans la semaine du 11 octobre, avec un beau niveau de concentration, grâce à cette fenêtre météo. Même si les quantités sont un peu plus faibles que d’ordinaire, il est au moins qualitatif : nous sommes plutôt confiants. On a une belle fraîcheur avec des PH plutôt satisfaisants, et le degré de sucre qu’on voulait est atteint. Déjà, puissance et fraîcheur ressortent. Le sourire est revenu, après les divers challenges auxquels le climat nous a confrontés.»

Château Climens, à Barsac,1er Grand Cru Classé en 1855. Frédéric Nivelle, Directeur Technique à Climens depuis 1998 : « Les équipes n’ont pratiquement pas vendangé. La gelée du 7 avril 2021, avec -5°C a tout anéanti, comme presque tout sur la commune de Barsac : le point culminant de l’appellation est trop bas. La floraison est certes bien repartie mais sans floraison fructifère. Pas de liquoreux en 2021 donc. La production se limitera à 400 bouteilles en blanc sec alors que d’habitude nous atteignons les 50 000 bouteilles depuis 2018. »

Château Rabaud Promis, à Bommes,1er Grand Cru Classé en 1855. Thomas Dejean, directeur général et copropriétaire : « Nous vendangeons sur une vigne qui a subi une perte de 85% due au gel. Il a fallu attendre que le botrytis s’installe et taper dans des fenêtres de tir idéales pour vendanger entre les pluies. Aucun des lots n’a terminé sa fermentation mais c’est un millésime assez droit dans ses bottes. Nous ne sommes pas sur des concentrations extrêmes mais nous avons des vins avec des jolies concentrations aromatiques. Actuellement le botrytis n’évolue plus et il nous faut ramasser ce qui reste. Sur ce qui a échappé au gel, on fera un rendement de 15 hl/ha. »

La Tour Blanche, à Bommes, 1er Grand Cru Classé en 1855. Miguel Aguirre directeur d’exploitation : « C’est la première fois que j’ai une fenêtre de vendange aussi sereine. J’ai retrouvé un rythme qui nous a permis d’aller piocher ce qu’on voulait. Nous sommes en train de finir, avec une 3ème voire une 4ème tri sur les mêmes parcelles. C’est une vendange amputée à cause du gel. Je ne pense pas que nous arrivions à 4 hl/ha, mais c’est un millésime qui sera bon, grâce à la fraîcheur. les raisins sont plutôt acidulés et les moûts purs et francs. Ce sera probablement un millésime collector parce que c’est très bon et en petite quantité

Si les quantités ne sont pas au rendez-vous, la qualité des raisins, avec leurs taux de sucre et d’acidité très satisfaisants, sont des éléments favorables pour faire un millésime 2021 plus qu’honorable. Rendez vous après les fermentations, pour les primeurs 2021.

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