Saint-Émilion : Capet-Guillier mise sur la permaculture

Propriété du groupe Advini (sous la bannière Antoine Moueix Propriétés), le château Capet-Guillier en Saint-Émilion Grand Cru a lancé au printemps dernier un ambitieux projet expérimental de parcelle en permaculture, afin de répondre aux défis environnementaux et climatiques de demain.

Alors que les enjeux environnementaux et climatiques se font de plus en plus pressants pour la filière viticole, nombreuses sont les propriétés qui explorent de nouvelles solutions pour répondre aux défis qui se posent déjà, et qui seront impérieux demain. Si elles disposent d’un certain nombre de certifications pour encadrer leurs pratiques culturales et la conduite de l’exploitation (HVE, Terra Vitis, Bio, Biodynamie…), ces certifications se montrent quelquefois insuffisantes pour englober toutes les problématiques qui se présentent aux vignerons, allant de la meilleure façon de lutter face aux maladies en réduisant au maximum leur impact environnemental, tout en adaptant leur vignoble aux épisodes climatiques de plus en plus extrêmes (les derniers millésimes en ont apporté une criante illustration), et en repensant un modèle agricole qui s’est tourné vers la monoculture depuis plus d’un demi-siècle, enclenchant des déséquilibres dans la biodiversité. Pas une mince affaire.

Partout dans le vignoble, notamment bordelais, surgissent donc des initiatives nouvelles qui essaient de combiner plusieurs voies, plusieurs philosophies, dans le but d’amener la vigne et son environnement à mieux se défendre. L’une des dernières en date est l’engagement du château Capet-Guillier sur la voie de la permaculture. Propriété depuis 2009 du groupe Advini (sous la bannière Antoine Moueix Propriétés), ce vignoble de 15 hectares en Saint-Émilion Grand Cru se veut le fer de lance des réflexions environnementales du groupe dans le vignoble bordelais*.

Jean-Pierre Durand, Directeur du Marketing Stratégique et de la Communication chez Advini, mais aussi en charge du développement des vignobles bordelais depuis 2019, a souhaité accélérer la transition environnementale sur ces propriétés, à commencer par Capet-Guillier. Une conversion bio est engagée sur cinq ans, qui devrait se traduire par une certification d’ici 2024 et s’accompagne d’une conduite en biodynamie. Cette transition survient alors que la propriété vient d’achever d’importants travaux qui ont donné naissance à un outil technique flambant neuf, à même de répondre aux efforts de restructuration du vignoble qui ont été engagés depuis dix ans et menés par le chef de culture Christophe Grenier. « Avec la biodynamie, on a commencé à explorer le lien entre le végétal, le minéral et l’animal pour un meilleur équilibre de la vigne, mais on souhaitait aller plus loin« , expliquent Christophe Grenier et Jean-Pierre Durand. « Or nous avions une parcelle non plantée, en haut de coteau, sur un joli terroir mais exposée nord / nord-est. Cela nous a semblé le lieu idéal pour lancer une expérimentation en permaculture« .

Par permaculture, il faut entendre : une conduite de la vigne en forme de quasi-autosuffisance, réduisant au maximum les traitements et réunissant toutes les conditions pour que la biodiversité régule d’elle-même la pression des maladies. Ainsi ont été plantés, en avril dernier, des vignes sur cette parcelle de 30 ares, à partir d’une sélection fournie par le pépiniériste Lilian Bérillon. Les cépages sont mélangés, plantés sur un sol nullement travaillé et pleinement enherbé, à haute densité (12 000 pieds / hectare) empêchant toute mécanisation, « en hémisphère » pour suivre la courbe du sol et du bosquet qui entoure la parcelle. Ce bosquet garantit la présence continue d’animaux et d’insectes dans la parcelle, d’autant que la vigne est traversée et bordée par des arbres fruitiers qui permettent aux insectes et autres chauves-souris de se déplacer. Après six mois d’existence, et alors que la vigne est encore toute jeune, les premiers résultats sont déjà éloquents : « un entomologiste est déjà venu identifier des insectes que l’on ne trouve normalement pas dans les vignes, on a même fait des trous dans les piquets qui ont été rapidement occupés par des auxiliaires ». Accompagnées par Derenoncourt Environnement et par de nombreux scientifiques, notamment de SupAgro Montpellier, les équipes de Capet-Guillier se félicitent déjà de n’avoir dû faire « que deux traitements » en 2021, millésime très compliqué en termes de pression sanitaire, et entendent publier toutes les conclusions de cette expérimentation en permaculture, afin qu’elle puisse engendrer d’autres initiatives du même ordre. En attendant la première cuvée, dans trois ans ? « Le but est avant tout de faire du vin, et de faire un vin de lieu qui exprime pleinement l’identité du terroir », rappellent-ils. « Et nous croyons que cela peut se faire de la façon la plus vertueuse et non-interventionniste possible, dans un changement de modèle plein de bon sens et d’observation. C’est un travail à très long terme, qui nous engage pour les futures décennies ».

Reste à voir, si les résultats sont probants, s’ils seront appliqués aux 15 hectares de Capet-Guillier, puis aux autres vignobles bordelais d’Advini, notamment les 80 hectares de Patache d’Aux ? On suivra de près les prochaines étapes de cette passionnante expérimentation.

* Advini possède plus de 2000 hectares en totalité, de la Bourgogne à l’Afrique du Sud, en passant par la vallée du Rhône et le Languedoc-Roussillon. À Bordeaux, le groupe possède 480 hectares, dont Capet-Guillier, Grand Renom, Patache d’Aux, Liversan…

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