Avoir un vignoble à Bordeaux et faire son vin : ils l’ont fait !

Laurent Chastanet et Annie Hubert avaient envie depuis des années de “s’amuser” en faisant leur vin. Il leur fallait un vignoble qu’ils ont fini par trouver au centre de la commune d’Ambarès et Lagrave, à une quinzaine de kilomètres au Nord-Ouest de Bordeaux, et ils se sont lancés. Un exercice parfaitement maîtrisé.

Le vignoble de 60 ares, est situé sur une croupe de graves, sur le point le plus élevé de la commune. Ils n’en sont pas propriétaires mais louent cet arpent en « bail de petite parcelle ».  Un vignoble bizarrement fichu. « On n’a pas un seul rang avec le même cépage. Tous les rangs commencent par du merlot et après du cabernet sauvignon et du cabernet franc : mais ça correspond aux caractéristiques pédologiques » justifie Laurent. « Le cabernet est sur du sablo-graveleuse (le nom de la commune, Ambares et Lagrave, évoque la nature du sol), et un sous-sol argileux. Le merlot est sur une zone un peu plus argileuse ».

Si le vignoble était déjà là, il n’y avait pas d’installations pour la vinification et l’élevage. « Nous avons vinifié au château de Tillac, un voisin, sur la commune d’Ambares . Mais il n’avait pas de cuverie disponible pour nous » se souvient Annie : une situation sans conséquences car le couple a le goût de l’expérimentation et a souhaité tout faire en barrique, de la fermentation jusqu’à l’élevage. Une expérimentation maîtrisée car Laurent est enseignant en viticulture et œnologie à l’école de viticulture de la Tour Blache (1er cru classé en 1855 en appellation Sauternes) et aussi responsable de l’école de tonnellerie de Bordeaux, au château Dillon qui dépend du lycée agro-viticole de Bordeaux-Blanquefort. Quant à Annie, elle est professeure de viticulture au lycée viticole Libourne Montagne, et chef d’exploitation agro-viti dans la Marne pour la production de champagne.

Un vin atypique

Les barriques ont été en partie faites par Laurent, et la Tonnellerie Bordelaise à Martillac a fourni les barriques qu’il n’a pas pu faire.  « Pour la fermentation, on a fait des barriques avec un seul fond que l’on a mises en position verticale et que l’on a remplies avec le moût. Le bâtonnage était possible. On a utilisé de la neige carbonique pour refroidir et maîtriser les températures ». Cinq barriques pleines et un seul assemblage pour une production de 1300 bouteilles. La barrique ayant un rôle prépondérant, il devenait logique d’appeler le vin « Barriquade ». Chacun pourra aussi y voir d’autres allusions, comme celle d’une parcelle cernée par les habitations et qui résiste encore et toujours à l’envahisseur immobilier. « La commune garde cette parcelle en zone agricole bien que le propriétaire souhaite que ça passe en constructible » nous dit Laurent. Les relations avec le voisinage sont bonnes : ils apprécient certes le coin de verdure mais surtout le caractère bio de la parcelle. « On les informe des traitements à la bouillie bordelaise et au souffre ». Des traitement respectueux qui utilisent aussi des tisanes ou de l’argile calcinée. Pas de certification demandée mais l’esprit bio est appliqué. « Aucun intrant chimique ! » se félicite Laurent.

L’étiquette a été réalisée par la fille d’Annie. « Une barrique portée par une abeille. Car on a des ruches sur notre parcelle ». Des abeilles qui vont naturellement entre les pieds de vigne, là où se trouve le trèfle, car les rangs sont enherbés. « L’étiquette porte un QR code renvoyant sur notre page Instagram  qui ne s’appelle pas comme le vin » précise Annie.

Quant au vin 2020, bien que non filtré, on remarque une robe éclatante. Le nez est gourmand et appétissant sur des arômes de fruits noirs, de sureau, de pruneau et de pin. « C’est une friandise » dira un dégustateur dès la première gorgée. Et en effet, le vin a beaucoup de séduction avec une très légère sucrosité résiduelle qui participe au charme et se combine aux saveurs de gelée de cassis et de myrtille. Le boisé est étonnamment intégré, fondu et on trouvera une trace toastée, élégante. La finale nous laisse sur le charme d’un velours. Un vin très équilibré aussi. Un vin de copain ? Oui, mais pas seulement car ce vin donne davantage et ne passera pas inaperçu : il sera un sujet de conversation. Il y a le mystère de sa séduction à percer.

Il n’y aura pas de 2021 : « pas assez qualitatif » pour Annie et Laurent. Il faudra donc se contenter d’un 2020 parfaitement réussi ou attendre le 2022.

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