Lionel Boillot met Marseille en bouteilles

L’entrepreneur marseillais Lionel Boillot poursuit son aventure viticole dans la cité phocéenne en vinifiant et élevant des vins sur le Vieux-Port et en plantant bientôt des vignes sur les hauteurs de la ville.

Le bourlingueur marseillais a beaucoup voyagé avant de revenir jeter l’ancre dans son port natal.  Une vie précédente en Chine comme commercial et industriel dans le négoce du vin a permis à Lionel Boillot d’apprendre le chinois et de s’intéresser de plus en plus à l’élaboration du produit. A partir de 2010, il se focalise sur les vins bios et biodynamiques, en particulier ceux de la vallée du Rhône. Mais le commerce du vin devient plus difficile avec l’arrivée du gouvernement de Xi Jinping. Après plus de 20 ans dans l’Empire du Milieu, il revient donc dans l’Hexagone en 2017 avec femme et enfant et l’idée de s’orienter vers l’œnotourisme spécialisé dans la clientèle chinoise. Finalement une autre opportunité se présente. Un ami d’école de commerce, Michel Assadourian (co-fondateur de la marque de téléphonie Wiko qu’il a revendue à des investisseurs chinois) cherche à investir et lui propose de faire des vins marseillais. « Je n’avais pas seulement envie de faire de négoce ; je voulais élaborer les vins et travailler sur les assemblages avec et chez des vignerons, bio évidemment et plus accessibles que ceux de Cassis ou Bandol ».

En attendant les vins 100% Marseille

Faute d’avoir trouvé un domaine dans les Bouches-du-Rhône, les deux comparses créent donc la société We Wine dans la cité phocéenne, embauche Maud Blanchard, spécialiste du bio comme œnologue et lancent deux gammes, On Grain Deguin (évoquant l’expression « on craint rien » en marseillais) dans les trois couleurs, un blanc en grenache-viognier-roussanne, un rosé en cabernet sauvignon-carignan-marselan et deux rouges 100% merlot  dont un sans sulfites (11 €), puis une gamme plus premium, Baie des Singes (lieu emblématique typiquement phocéen à l’entrée des calanques); élevée tout ou partie en barriques, elle comprend un blanc viognier-marsanne-roussanne et un rouge en grenache-merlot-syrah (17 €). La gamme baptisée Sainte Cigale est réservée la chaîne de magasins bio Marcel & Fils. Toutes les bouteilles sont en Vin de France pour jouer sur la souplesse des assemblages et communiquer plutôt sur Marseille et les cépages.

« Mais pour être crédible, il fallait vinifier ici, reconnait Lionel Boillot. Pour ça, j’ai déniché l’an dernier sur le Bon Coin un local idéalement situé sur le port ». Au début, il ne servait qu’aux dégustations mais il a vite été reconverti en véritable chai urbain abritant pressoir, cuves en inox, barriques et et jarres en grès. Est ainsi sorti récemment des Chais de Mars un 100% syrah vinifié en levures indigènes, élevé in Marseille et baptisé naturellement M+A+R+S (28 €). La société a produit au total près de 50 000 bouteilles en 2021 et pensent doubler la production cette année. Elle propose régulièrement des ateliers de dégustation avec des accords mets-vins en partenariat avec d’autres artisans locaux (tartinades, fromages, pains, chocolats).

Mais Lionel ne compte pas en rester là. Car pour revenir à l’idée d’origine et offrir un vin 100% marseillais, il faut des raisins marseillais. Il espère pouvoir planter en février prochain ses propres vignes en territoire phocéen, sur les hauteurs d’Allauch et reste en pourparlers avec la métropole de Marseille dans le cadre du développement d’une agriculture urbaine. L’encépagement est encore à l’étude mais il pourrait commencer par quelques pieds de cinsault et roussanne avec des oliviers et des arbres fruitiers…pour une première production d’ici cinq ans.

En musique

Comme Lionel Bouillot ne sait pas mettre ses deux pieds dans le même chai, il avait imaginé il y a trois ans une « cuvée musicale » de châteauneuf-du-pape avec une vinification inédite consistant à immerger une enceinte diffusant du free jazz 8 heures par jour dans des cuves en béton avant un élevage en foudres. L’expérience réalisée avec Françoise Roumieux des vignobles Mayard visait à proposer une dégustation comparée avec le même assemblage (grenache, mouvèdre, syrah, cinsault) en élevage ‘silencieux’. «  Et il y a une vraie différence » affirme Lionel Bouillot. A la dégustation, on peut en effet constater que le vin mélomane se révèle plus fruité au nez, plus ample et soyeux en bouche avec une finale boisée légèrement plus marquée. Le néovigneron devrait renouveler l’expérience avec quatre artistes marseillais au style de musique différent; la prochaine cuvée est un mourvèdre qui va être vinifié en amphore et soumis aux gammes de Vincent Beer-Demander, concertiste et joueur de mandoline.

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