Une cave oubliée qui comme le château de la Belle au bois dormant somnole depuis cent ans, c’est la découverte du champagne Gardet, qui vient d’acquérir les anciens bâtiments de la Maison Pagnon-Legros à Chigny-Les-Roses…
©DRFoudre ©commune Chigny-les-Roses
Cela faisait vingt ans que la Maison Gardet s’intéressait à cet ancien bâtiment d’exploitation situé de l’autre côté de la rue et qui tombait en ruine. Olivier Legendre, le directeur général, raconte : « J’ai toujours entendu dire qu’il y avait des caves en dessous, la propriété appartenait à deux petites filles de l’exploitant d’origine, deux demoiselles célibataires qui vivaient seules dans la maison. Nous avions à plusieurs reprises tenté d’acquérir les bâtiments et c’est finalement au décès de la dernière des petites filles que l’opportunité s’est présentée. Nous n’avons pas hésité, on dit souvent que son voisin n’est à vendre qu’une fois ! »
Lors de la visite, une surprise attend cependant Olivier, qui n’est pas sans rappeler celle de l’archéologue Howard Carter lorsqu’il pénètre dans le mausolée de Toutankhamon et tombe sur une chambre secrète demeurée intacte et immobile, sans voir personne, pendant 3 300 ans. La cave appartenait en effet à une ancienne maison de champagne, « Pagnon-Legros », dont le dernier exploitant était le grand-père des deux occupantes. Fondée en 1840, elle avait cessé toute activité dans les années 1900. Les galeries sous-terraines étaient restées depuis en l’état. À la lueur de sa lampe torche dans ces boyaux dépourvus d’électricité, Olivier Legendre découvre ainsi des bouteilles de champagne, certaines sur lattes, d’autres sur pointe et portant toujours leur agrafe. Des réserves de paillons, ces emballages en paille qui servaient à protéger les flacons lors des expéditions, sont encore entreposés… L’ensemble constitue une étonnante photographie des conditions de travail au début du XXe siècle, où les cavistes remuaient et dégorgeaient encore à la bougie sur de la terre battue et où l’on remontait les bouteilles par les essors…
La cave située sur trois niveaux plonge jusqu’à quinze mètres de profondeur. Creusée dans la craie et parfaitement saine, elle a été voûtée avec des pierres meulières. Sa capacité de 400 000 bouteilles en dit long sur l’importance qu’avait jadis la Maison, dont on peut estimer qu’elle devait commercialiser environ 200 000 bouteilles par an, à une époque où l’appellation n’en produisait que 30 millions. Intriguées, les équipes du champagne Gardet sont allées effectuer des recherches à la mairie de Chigny où elles ont retrouvé les livres d’expéditions et les registres de cave. Ces archives leur ont apporté la confirmation du rayonnement international de cette marque aujourd’hui oubliée. Au XIXe siècle, elle avait même reçu le brevet de la cour d’Espagne, alors que celle-ci ne comptait que 83 fournisseurs officiels, puis, plus tard, celui de la cour du Portugal !
Dernière belle découverte, à l’intérieur de l’ancien bâtiment d’exploitation se trouvait un foudre géant de 208 hectolitres, haut de plus de 3 mètres 50, magnifiquement posé sur quatre berceaux, et dédié autrefois à l’assemblage. L’historien Jean-Christophe Petitfils, descendant de la famille Legros, en a fait don à la commune. Celle-ci, avec le soutien financier de la Fondation du patrimoine de la Marne, a décidé de le restaurer. Démonté, il a été envoyé chez un tonnelier alsacien.
Le champagne Gardet, reliera au printemps prochain ses caves actuelles aux caves Pagnon-Magnon. « Il s’agit de creuser un tunnel de 25 mètres de longueur à 15 mètres de profondeur. Nous avons fait appel à un tunnelier. La technique est la même que celle employée pour le tunnel sous la Manche, on utilise une grignoteuse qui creuse mètre par mètre, consolide, puis creuse à nouveau, avançant ainsi progressivement. » Quant au bâtiment de surface, il sera doté de panneaux photovoltaïques, ce qui devrait rendre la cuverie autonome d’un point de vue énergétique.
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