[Entretien] Cyril Delannoy, nouveau chef de caves du champagne Le Brun de Neuville

Gilles Baltazart, après 36 ans de bons et loyaux services, quittera son poste de chef de caves du champagne Le Brun de Neuville en mars 2023. Nous sommes allés rencontrer son successeur, Cyril Delannoy, un jeune œnologue plein d’allant déjà conquis par les beaux terroirs du Sézannais.

Vous n’êtes pas un enfant de la Champagne…

Je suis originaire du Pas-de-Calais, une région non viticole, mais j’ai toujours aimé le vin ! J’ai fait des études de chimie. A la fin de ce cursus, je ne me voyais pas travailler dans un gros laboratoire. Un vigneron du Sud-Ouest m’a donné l’idée sans le vouloir en me disant : « vous, les chimistes, vous venez prendre les places en DNO de nos enfants qui sortent de BTS ». C’est là où j’ai eu le déclic de me dire qu’il y avait de la chimie dans l’œnologie ! J’ai donc embrayé à Reims où j’ai passé mon DNO. J’ai fait mes stages chez Gardet et Veuve Clicquot. J’ai ensuite eu l’opportunité d’intégrer un laboratoire d’œnologie conseil à Bar-Sur-Seine où j’ai travaillé huit ans, prenant la suite d’Alexandre Ponnavoy, devenu chef de caves de Taittinger. Je m’amusais, c’était varié, mais je n’avais pas les leviers jusqu’au bout pour décider. C’est ce qui m’a motivé à candidater chez Le Brun de Neuville, en plus de la taille humaine de la structure et de la relation aux vignerons induite par l’aspect coopératif… La chance a voulu que j’ai une belle vendange pour commencer. Tout le monde avait le sourire, forcément, cela facilite l’intégration !

Le Brun de Neuville est la coopérative porte étendard du Sézannais…

Nous avons 200 adhérents, sur 160 hectares qui regroupent les douze crus du Sézannais. Nous respectons l’équilibre champenois : deux tiers vendus au négoce et un tiers tiré en bouteilles sous notre marque. 85 % de notre encépagement est représenté par le chardonnay qui profite ici d’une côte exposée au soleil plutôt généreuse. Cela permet d’atteindre de belles maturités, comme cette année où j’avais mis la barre haute en disant aux vignerons que nous voulions au moins 10,5 degrés. Nous avons finalement obtenu une moyenne en cuverie de 10,80 ! Grâce au sol crayeux de la côte qui garantit malgré tout de conserver la minéralité et la fraîcheur, il est moins risqué d’attendre pour procéder à la cueillette. En retardant ainsi la vendange, on accroît la puissance et on ne reste pas sur quelque chose d’étriqué. La minéralité c’est bien, mais il faut aussi de la profondeur et éviter les notes végétales. C’est la leçon des vendanges précoces que l’on a eu ces dernières années, où les Champenois étaient trop focalisés sur le taux de sucre, parce qu’il est facilement mesurable, tout en négligeant la maturité des tanins.

Vous avez une des gammes les mieux construites de la Champagne, comment se décline-t-elle ?

Nous avons d’abord la gamme « Côte ». Son vieillissement se situe entre trois et quatre ans. Elle se veut le reflet du terroir du Sézannais dont elle assemble tous les villages, avec une vinification majoritairement en inox visant à préserver la pureté de cette expression. Elle se compose de quatre cuvées : « Côte Blanche », un blanc de blancs sans année qui est notre étendard, « Côte Brute », un assemblage pinot noir/chardonnay, le rosé et « l’Extra blanc » qui n’est autre qu’un blanc de blancs extra brut. Pour chaque gamme, on retrouvera au niveau des cépages à peu près le même découpage, offrant des comparaisons intéressantes.

Ensuite vient la gamme « Les Chemins », où le vieillissement entre quatre et cinq ans justifie un tirage sous liège. Elle est le reflet de l’empreinte de l’homme, c’est-à-dire de ses façons culturales, et de ses façons de vinifier. Cette gamme intègre en effet une large part de vins issus des parcelles sans herbicides, qui ont une vraie typicité parce que le travail des sols donne des raisins avec à la fois plus de minéralité et plus de concentration. Côté vinification, on a davantage de vins vinifiés en fûts et en foudres. Alors que la première gamme était davantage propice à l’apéritif, celle-ci est plus structurée et plutôt orientée gastronomie. On est déjà dans la complexité et des tonalités de micro oxygénation que l’on a obtenues en fûts. On va aussi chercher par le choix des vins à obtenir à l’assemblage plus de matière, de charpente. La cuvée La Croisée des chemins intègre même une soléra élevée en demi-muid depuis 2009.

La troisième gamme s’intitule autolyse. Elle met en avant le vieillissement (au moins dix ans). Le nom rappelle ce phénomène de déstructuration des levures pendant l’élevage sur lattes. L’objectif est de montrer que le champagne peut être un grand vin de garde. Pour conserver de la fraîcheur malgré le vieillissement, une partie des vins n’a pas fait la malo. Nous avons enfin une quatrième gamme, celle des millésimés, en fonction de la qualité de l’année.

Qu’est-ce qui pourrait évoluer dans les vinifications à venir chez Le Brun de Neuville ?

Nous sommes encore sur des anciennes structures avec des pressoirs de 12000 kilos. Le but serait de revenir à des pressoirs de 8000 et 4000 pour pouvoir isoler des plus petites entités, et bénéficier à l’assemblage de davantage de choix.

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