Pour la première fois de son histoire et pour fêter ses 90 ans de Mouton Cadet, Baron Philippe de Rothschild ouvre un pop-up store à Paris au Molière, lieu d’événementiels situé 40 rue de Richelieu à Paris. Pendant deux semaines, il proposera animations, ateliers de création pour habiller sa table de Noël, vaisselle et objets dédiés, carnet de recettes, dégustations de la gamme et du millésime 2020, 90e de la marque, personnalisable, accompagnés des bouchées du chef Joris Noblet,… sur réservation jusqu’au 11 décembre. L’occasion d’interviewer le « gardien du temple » comme il se définit lui-même, Philippe Sereys de Rothschild.
Pourquoi le choix de cet endroit pour fêter les 90 ans de Mouton Cadet?
J’ai vécu pendant des années dans ce quartier de la Comédie Française puisque mes parents y travaillaient ma mère en tant que pensionnaire à la Comédie Française et mon père, sociétaire et metteur en scène. J’ai donc été particulièrement sensible au lieu que l’on m’a proposé pour cet événement, dans la maison où Molière a longtemps vécu et où il est mort terme. Et ouvrir ce premier « pop up store », terme anglo-saxon, dans la maison de Molière est un clin d’oeil plutôt cocasse.
Comment voyez-vous l’évolution de la marque à travers les générations de Rothschild ?
Si mon grand père qui a fait Mouton Cadet en 1930 le voyait aujourd’hui, il n’en reviendrait pas. En même temps, il serait très content car il aimait les choses qui bougent mais il serait sans doute surpris et désarçonné. Il voulait avant tout créer un vin accessible à tous, même si on ne parlait pas de rapport qualité-prix à l’époque et permettre au plus grand nombre de boire de bonnes choses à des prix raisonnables. A travers les trois générations, lui, ma mère Philippine et moi, aujourd’hui avec ma soeur Camille et mon frère Julien, nous faisons vivre vivre cette marque. Nous la faisons même évoluer aujourd’hui avec mes enfants et ceux de ma soeur. Nous les avons mis autour d’une table pour réfléchir à rajeunir le produit comme cela a été le cas avec le rosé. Cela m’a semblé la meilleure façon de les associer pour mieux comprendre ce qui pouvait plaire aux 25-30 ans. Au début, personne n’osait parler et à la 6e ou 7e séance, il s’est instauré un vrai dialogue constructif. Il fallait renouveler l’étiquette pour le lancement du rosé mais qu’elle reste du Mouton Cadet sans perdre les codes et l’élégance. Je reste néanmoins le gardien du temple, quitte parfois à me faire traiter de ringard. Et ensuite, nous proposons les nouvelles bouteilles aux marchés tests pour vérifier que nous sommes sur la bonne voie.
Quelle est votre vision de la marque Mouton Cadet aujourd’hui ?
C’est un parcours étonnant. Il est parti de Pauillac puis du Médoc et de Bordeaux, plutôt même de St Emilion, d’abord avec un vin standard puis la gamme s’est enrichie avec des réserves et les autres couleurs. La marque n’a pas arrêté d’évoluer pour suivre les goûts et les marchés. Il est important d’avoir toujours des consommateurs qui rajeunissent. Il faut savoir sortir une marque de sa zone de confort sans perdre son identité et ses points de repère, c’est ça le jeu d’équilibriste qu’il faut réussir comme toutes les grandes marques. Ça vaut aussi pour Chanel et KWay qui s’écrivent depuis des décennies de la même façon mais qui savent évoluer. Quand on a réfléchi au nouvel habillage, on a tout disséqué… et on est retombé sur la même calligraphie. Le seul changement a été la suppression du tiret entre les deux. La calligraphie est aussi un repère. On peut tirer un peu sur l’élastique mais sans le faire craquer.
Le produit a-t-il beaucoup évolué ?
L’autre point de repère, c’est le produit. Nous faisons un travail de fond en commun avec nos 250 partenaires sur 1500 hectares. Ce sont leur terroir, leurs vignes, leur savoir faire et nous les accompagnons pour faire mieux et autre chose. Avoir également 200 hectares à Bordeaux, en Californie et au Chili fait que nous savons ce qu’est la vigne et la fragilité d’un produit agricole et donne à nos équipes d’œnologues la légitimité pour dialoguer avec eux. Ce qui va nous permettre par exemple de passer à 30 % des surfaces en bio d’ici 2024 – ce qui représente quand-même 500 hectares, et ils sont déjà tous labellisés HVE. Même si le vin est un produit technique et qu’il passe par un laboratoire, il reste avant tout un produit de partage. Nous avons produit jusqu’à 12 millions de bouteilles de Mouton Cadet, ce qui était beaucoup trop, et nous sommes revenus à 8-9 millions, vendus principalement en Allemagne, au Japon, au Canada, en Chine… avec désormais 40 % des ventes en France. Mais la Chine risque de devenir notre premier marché d’ici quelques années, c’est inévitable.
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