La Maison ligérienne jusqu’ici fidèle à ses origines chinonaises a saisi récemment plusieurs opportunités d’achat qui lui ont permis de s’implanter sur de très beaux terroirs en Touraine et à Bourgueil et de développer sensiblement la part de blanc dans la production.
Parler à Jean-Martin Dutour de sauvignon blanc, c’est lui rappeler l’une de ses madeleines de Proust. Le vigneron qui co-dirige la Maison Baudry-Dutour avec Christophe Baudry se rappelle en effet avec émotion de ses « premières vendanges auprès d’André Vatan à Sancerre ». C’est donc assez naturellement qu’il a souhaité exploiter des vignes de sauvignon, partant du constat que l’offre de la Maison était essentiellement rouge alors que la demande des marchés s’orientait de plus en plus vers les blancs. « Nous avions déjà planté une dizaine d’hectares de sauvignon blanc en 2012 avec lequel nous réalisons l’une de nos cuvées de la gamme signature. Mais nous souhaitions aller plus loin que cette entrée de gamme et proposer des vins plus complexes ». La vente concomitante de 3 domaines voisins en Touraine sera l’occasion à ne pas rater. Celui de Dominique Giraud, le domaine de son voisin ainsi que celui de la Chapinière de Florence Veilex. De quoi disposer d’une surface suffisante pour pouvoir notamment offrir suffisamment de volumes à l’export. En l’occurrence 60 hectares sur lesquels ont été rapidement arrachés 25 ha de gamay avec l’idée de renforcer sensiblement la part de sauvignon. In fine, celui-ci représentera 55 ha, le reste étant composé de cépages comme l’orbois ou le pineau d’Aunis que Jean-Martin et Christophe se plaisent à proposer en monocépages pour les faire redécouvrir aux amateurs. Ce nouvel ensemble a conservé le plus emblématique des 3 noms, la Chapinière et son emblème historique de feuille d’acacia. L’exploitation a été confiée à Justine Baudry, la fille de Christophe, qui connaît particulièrement le sauvignon pour l’avoir travaillé notamment à Cloudy Bay, célèbre domaine néo-zélandais. L’ensemble du domaine sera certifié bio en 2023, les principes de la viticulture de conservation déjà mis en place sur Chinon depuis de nombreuses années étant également adaptés ici. Et comme un clin d’œil au domaine, outre la cuvée classique de Touraine Chenonceaux 2020 (15€) très équilibrée, une cuvée « Acacia » vinifiée en fûts d’acacia a été créée. Un premier millésime 2020 (25€) énergique, au profil floral expressif très charmeur.
Encore du cabernet franc, oui, mais à Bourgueil !
Alors que les 2 associés souhaitaient développer la part de blanc, c’est à un coup de cœur qu’ils ont cédé en rachetant en décembre 2021 les 17 ha du domaine Nau à la famille éponyme (Patrice n’avait pas de successeur), absolument charmés par le potentiel qualitatif de ces côteaux calcaires et argilo-calcaires de l’appellation. De quoi découvrir un terrain de jeu nouveau, différent de celui de Chinon. Une aubaine pour la production de grands cabernets francs avec une cuvée classique mais aussi 2 cuvées parcellaires issues de 2 côtes se faisant face et qui ne sont pas sans rappeler leurs lointaines cousines blonde et brune de Côte-Rôtie. Jean-Martin s’en amuse d’ailleurs en évoquant les étiquettes qui mentionnent respectivement « BLO » pour les Blottières et « BRU » pour les Brunetières. D’un côté des côteaux de calcaires jaunes peu argileux et de l’autre des sols plus lourds et argileux de couleur brune. Les premiers millésimes de l’ère Baudry-Dutour seront les 2022 qui, de l’avis de Jean-Martin présentent « un très beau potentiel ». Là aussi, tout un travail profond des sols a été mis en place de couverts végétaux dans les inter-rangs et arrêt des labours pour ne pas détruire la matière organique et permettre également aux plantes de jouer le rôle de puits de carbone. Un vaste projet qui fait écho à la philosophie générale mise en œuvre sur les 200 ha exploités au global. Et dont on ne pourra véritablement mesurer les résultats que dans 10 à 15 ans.
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