Ces banquets hors-normes réservés aux membres de la confrérie des Chevaliers du Tastevin se déroulent 16 fois par an au château du Clos de Vougeot. Terre de Vins a assisté au dernier en date, samedi 28 janvier, et vous dévoile le déroulé de cet assemblage de soirée chic et de convivialité bourguignonne.
Il n’y a guère que deux endroits où l’on porte encore des smokings en France. À Cannes bien sûr. Et au Château du Clos de Vougeot. Plus précisément lors d’un « chapitre » de ce château, événement organisé 16 fois l’an par la confrérie des Chevaliers du Tastevin [lire encadré].
500 à 600 convives
Ces soirées – mystère pour les non-initiés – ne sont ni des dîners, ni des cérémonies, ni des concerts. Mais un peu de tout cela. Les festivités commencent de manière classique : parés de leur plus beaux atours, les 500 à 600 convives, tous membres ou futurs membres de la confrérie, ont rendez-vous en fin de journée dans la cour d’honneur du château, cette bâtisse qui domine les grands crus de la Côte de Nuits. On s’y délecte, en préambule, d’un crémant de Bourgogne. Mais sans s’attarder : il faut rapidement rejoindre le grand cellier, où de longues agapes nous attendent.
Dans les murs séculaires de longues tablées se côtoient, façon banquet. On se serre pour s’installer, et la dense collection de porcelaine de limoge et verres en cristal laisse peu de place pour les mains. Ici, le menu s’appelle « escriteau » ; les cuisines « rôtissoires » ; le président de la confrérie « grand maître ». Un langage délicieusement suranné qui rappelle que l’on est là pour faire vivre la tradition. À peine avons-nous salué nos voisins que déjà sonnent les trompes de chasse du Débuché de Bourgogne. Un son puissant et chevaleresque qui annoncent le début d’un ballet, d’une organisation millimétrée qu’on ne voit qu’à Vougeot. Une brigade composée de dizaines de serveurs et sommeliers sortent en rythme des cuisines, et opèrent leur service dans ce qui s’approche d’une chorégraphie. Le début d’une aventure pantagruélique en six vins et six plats. Oui, lors d’un chapitre on annonce le vin d’abord, le plat étant là pour le mettre en valeur. Des cuvées tastevinées, bien entendu.
Chants, intronisations et bans bourguignons
Alors que les papilles s’éveillent tout juste et que les conversations s’animent, les cadets de Bourgogne font leur entrée. La joyeuse chorale entame son répertoire de chants bourguignons un ballon de pinot noir à la main. S’ensuivent les premiers discours déclamés par les membres du grand conseil de l’ordre du Tastevin, ces hommes et femmes aux larges habits écarlates, les « gardiens du temple » de Vougeot en quelque sorte. Un brin impressionnant à première vue, mais leurs « harangues », comme on dit ici, sont surtout faites de bons mots, galéjades, et clins d’œil aux invités prestigieux. La bonne humeur prime, les discours politiques ou moralisateurs sont bannis.
Et ainsi se poursuit le divin enchaînement de vins, plats, chants, discours, intronisations et bien sûr bans bourguignons, cette mélodie chantée les mains en l’air. On s’anime et on rit crescendo, et le cellier est toujours chauffé à blanc quand vient le tour de l’ambassadeur ou ambassadrice de la soirée de monter sur l’estrade. Il s’agit ce jour de Denise Campbell Bauer, ambassadrice des Etats-Unis en France, excusez du peu… Place au dessert – dites « boutehors » – et aux chants les plus animés, avant de conclure. Il est déjà minuit, que le temps passe vite… Café et goutte sont de sortie, il faut se résoudre à quitter le château, escortés par les trompes de chasse du Débuché. Vignerons bourguignons et œnophiles de France, Angleterre, Japon ou États-Unis se sont liés d’amitié ce soir et doivent déjà se séparer, des chants plein la tête, des pinots et chardonnays plein les papilles. Mission accomplie pour les Chevaliers du Tastevin.
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