Saint-Philibert veut voir clair dans ses futurs champagnes

Avec ses 12 hectares de vignes sur les jolis terroirs de Festigny, la famille Gaudinat, vigneronne depuis au moins neuf générations ne pouvait qu’être tentée de sauter enfin le pas de la manipulation. La qualité de la vendange 2022 a achevé de la convaincre, et ses premières cuvées devraient sortir d’ici trois ans. Pour présenter ses futurs champagnes, elle a choisi une démarche pour le moins originale : un déjeuner composé par le chef Philippe Mille (MOF) et son adjoint Alexis Hennuyer pour créer des accords autour de ses vins clairs !

Ce que l’on aime dans les vins de la vallée de la Marne et en particulier les meuniers, c’est leur générosité. En choisissant le nom de Saint Philibert pour la marque de ses futurs champagnes, Tony Gaudinat, vigneron à Festigny, ne pouvait trouver mieux : « Saint Philibert, c’est un peu l’Abbé Pierre du VIIe siècle. » Fils d’un grand aristocrate de la cour du roi Dagobert, il abandonne à vingt ans une vie de privilèges et de plaisirs pour consacrer sa vie à Dieu et aux pauvres. Le religieux ne fait rien à moitié et commence par vendre tous ses biens au profit de ces derniers. En Champagne, on est habitué aux miracles retentissants. Tout le monde connaît Saint Nicaise, l’évêque de Reims, décapité par les Huns, qui porta lui-même sa tête jusqu’au lieu de son tombeau. Saint Philibert, lui, préférait l’utile au spectaculaire. Dans le village de Festigny, il trempa ses mains dans une source, à la suite de quoi les vêtements qui y étaient lavés, étaient purifiés et protégeaient des maladies. Une qualité rare qui encouragea les villageois à construire de nombreux lavoirs. Festigny en compte sept, sans doute le record de la Marne !

©Romain-Berthiot

Afin de faire un peu de « teasing » sur ses futurs champagnes, Tony Gaudinat a choisi une démarche originale : réaliser un déjeuner d’accords sur ses vins clairs pour présenter les futures cuvées parcellaires, avec la collaboration des équipes du chef Philippe Mille. D’habitude pourtant, la dégustation des vins clairs représente un exercice plutôt technique, davantage qu’une partie de plaisir, raison pour laquelle d’ailleurs on propose rarement aux touristes de passage de s’y essayer, tant l’expérience pour un non initié peut être déconcertante. On y tente par l’analyse de déceler le potentiel des futurs vins, d’imaginer ce qu’ils vont devenir. Mais ils n’ont pour l’heure rien de délectables compte tenu de leur jeunesse qui les rend très mordants. Le caractère spécialement mûr, il est vrai, de la vendange 2022, rendait cet exercice plus facile. L’idée était aussi d’essayer de nouveaux outils que la simple dégustation en laboratoire, pour tourner autour des vins et mieux les comprendre.

Alexis Hennuyer, l’adjoint du chef Philippe Mille, nous explique la manière dont il a travaillé pour relever ce challenge des plus audacieux. « Pour la future cuvée Festigny « Le Vigneux », un chardonnay vinifié en fût, nous avons par exemple proposé un Saint-Pierre, avec céleri et sabayon à la confiture d’algues. En cuisant le Saint Pierre de manière naturelle sur des douelles de tonneau, on va renforcer son côté salin, ce qui produira un bel écho avec la salinité que l’on retrouve également dans le vin. Quant au gras de ce chardonnay, il résonnera de manière particulière avec celui du sabayon. Mais nous avons aussi travaillé sur des accords de contrastes, en jouant justement du côté très vif que peuvent avoir les vins clairs. C’est toute l’idée de ce veau fumé dans un huitième accompagné de pommes fondantes cuites dans le jus et ravigotées. Le veau est une viande souple, ample, et on a ici, avec les pommes de terre, quelque chose d’onctueux. Le meunier de la future cuvée « Sous les vignes de la Chapelle » vient trancher tout cela, le raviver, tout comme la sauce ravigote qui redonne du peps.»

©Romain-Berthiot

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