Acquis en 2015 par le milliardaire chinois Jack Ma, le château de Sours dévoile pleinement ses ambitions après quelques années de travail en coulisses. L’arrivée d’un nouveau directeur général et une remise à plat de toute la gamme des vins témoigne du dynamisme retrouvé de cette belle propriété de l’Entre-Deux-Mers.
Lorsqu’en 2015, l’homme d’affaires chinois Jack Ma, fondateur du groupe Alibaba, décide d’investir dans le Bordelais, certains s’imaginent que ce richissime entrepreneur entend acquérir un grand cru classé de belle renommée, alors que d’autres s’imaginent déjà que son incursion à Bordeaux sera une nouvelle aventure nébuleuse comme le vignoble girondin en a vu éclore un certain nombre en provenance de Chine ces quinze dernières années. Ce ne sera ni l’un ni l’autre : Jack Ma met la main sur une ancienne propriété de l’Entre-Deux-Mers, le château de Sours, dont l’histoire remonte au moins au XVème siècle et qui produit du vin depuis la fin du XVIIIème. Vaste domaine ayant appartenu, au fil de son histoire, à plusieurs notables bordelais et anglais, le château de Sours a connu un ralentissement de son activité au XXème siècle, suite à la crise du phylloxéra. Mais le potentiel est là, et c’est ce qui séduit Jack Ma : qualité des terroirs, cachet des bâtiments, opportunités œnotouristiques, le tout dans un magnifique environnement vallonné comme en possède ce beau territoire de l’Entre-Deux-Mers, il y a ici une vraie « belle endormie » qui ne demande qu’à être réveillée.
Des investissements très importants
De premiers investissements sont engagés, plutôt dans la discrétion, pour restaurer le château et restructurer le vignoble. Sur une superficie de 77 hectares (l’ensemble de la propriété en couvre 200), une douzaine vont être arrachés et une bonne partie d’entre eux replantés en adaptant au mieux le matériel végétal à la configuration des sols, le tout s’accompagnant d’une étude approfondie des terroirs afin de mieux « comprendre » ce lieu-mosaïque où de beaux calcaires (comme en atteste la présence de galeries souterraines qui n’ont rien à envier à celles de Saint-Émilion, de l’autre côté de la Dordogne) voisinent avec des zones plus argileuses, d’autres plus sableuses. Reste à établir une gamme de vins cohérente, et à le faire savoir. Tout cela prend du temps, et les démêlées de Jack Ma avec le régime chinois semblent placer quelque temps la propriété dans un état de latence.
Aujourd’hui, le château de Sours se réveille. Jack Ma, qui semble avoir laissé derrière lui sa période de purgatoire politique, n’a rien remisé de ses ambitions pour sa propriété bordelaise. L’année 2022 a donc été celle du passage à la vitesse supérieure avec l’inauguration de nouvelles installations techniques extrêmement pointues – cuvier « state of the art » aussi bien adapté à la production de rouge, de rosé et de blanc que d’effervescents, ces derniers occupant une place importante dans la stratégie du château ; chai d’élevage offrant une large palette de contenants, entre barriques, foudres et amphores ; réception vendange optimale avec chambre froide. On est face à des équipements que l’on trouve plutôt d’ordinaire chez les grands crus classés. Il en va de même des efforts colossaux qui ont été investis dans la restauration des infrastructures existantes et du parc, qui était le cœur de l’ancienne seigneurie de Montfaucon : tout ceci contribue à une offre d’hospitalité haut de gamme se doublant d’une grande attention apportée à la biodiversité, avec la présence de vaches écossaises, de chèvres, de poules, de canards, de ruches, et des centaines d’arbres plantés sur la propriété… Enfin, une certification bio devrait être entamée à partir de cette année.
Une nouvelle gamme de vins qui se met en place
Pour piloter tout cela, Jack Ma a fait appel, également depuis 2022, à un nouveau directeur général en la personne de Sébastien Jacquey. Ce Sancerrois d’origine, diplômé en œnologie à Dijon, a baroudé de la Loire à la Bourgogne et de la Corse au Canada, en passant par le Languedoc, avant de rejoindre cet ambitieux projet de Jack Ma. Sébastien, qui annonce que « le travail prioritaire désormais est de remettre le vin au premier plan », s’appuie sur l’expertise de la directrice technique Clarisse Naulet (en poste depuis 2012, à l’époque des anciens propriétaires), du consultant en stratégie Franck Breau et de l’équipe d’œnologues d’ŒnoTeam pour repenser la gamme des vins de la propriété. Celle-ci se structure autour de trois sous-ensembles distincts : une partie « entrée de gamme » avec des vins plutôt monocépages (un blanc, un rosé, deux rouges, un effervescent rosé) ; une partie « milieu de gamme » baptisée « Quarry » (« carrière » en anglais), qui se veut l’expression du plateau calcaire de la propriété, à travers un rouge, un blanc et une bulle ; enfin, une gamme parcellaire issue d’une sélection drastique des meilleurs lots, et qui est appelée à s’étoffer avec le temps.
Pour l’instant, cette gamme est en train de se mettre en place mais les premiers vins goûtés sont cohérents et prometteurs. Mention spéciale à la gamme « Quarry », fort bien positionnée en style comme en prix (13,95 € TTC) avec un blanc 2021 100% sauvignon dont un gros tiers a été vinifié en barrique, montrant un bon équilibre entre vivacité, aromatique de fleur blanche et de pêche jaune, léger beurré et bonne salinité ; et un rouge 2020 assemblage 90% merlot 10% petit verdot, sur une cerise explosive teintée d’épices et d’une touche d’encre, concentré sans excès, soutenu par une bonne trame tannique finement crayeuse. À suivre !
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