C’est un double anniversaire pour Gérard Perse, les 30 ans de son rachat de Château Monbousquet et les 25 ans du rachat de Château Pavie, devenu depuis Premier Grand Cru Classé ‘A’. L’anniversaire a été célébré par une verticale au Pavillon Ledoyen suivie d’un repas composé spécialement par Yannick Alléno et Sébastien Faramond. L’occasion de vérifier cette observation de Rabelais : « le temps mûrit toutes choses : par temps toutes choses viennent en évidence ; le temps est père de vérité ».
De cette verticale deux évidences ressortent. Tout d’abord l’incroyable tenue des vins à travers le temps, indéniable signe distinctif des grands vins de Bordeaux. En faisant cette dégustation, on en vient même à penser qu’il est criminel de les déguster avant dix ou vingt ans. Il est vrai aussi que ces vins sont l’œuvre d’un ancien jockey qui sait mieux que personne que l’art de la course n’est pas seulement de savoir partir le premier, mais aussi de tenir la longueur. Le deuxième élément réside dans l’évolution stylistique, avec des premiers millésimes où l’élevage est encore très présent, alors que sur les derniers opus, il s’efface davantage pour laisser place à des vins qui n’en sont que plus élégants. L’influence de Robert Parker appartient désormais au passé, et c’est tant mieux, l’expression du terroir y gagne.
Dans le détail ? Le Château Monbousquet 2000 a un côté tannique renforcé par le caractère boisé, cela donne un vin avec une assise solide, une belle charpente. En même temps, les notes de vanille et de groseille apportent une certaine rondeur. Le nez du 2005 est davantage sur la fraise, mais on retrouve encore ces notes vanillées. En bouche, les tanins sont soyeux, tandis que s’ajoutent des notes de violette et de cuir neuf. 2010 a le charme des bibliothèques anglaises avec en bouche ces notes de tabac blond et de vieux livres. Elles sont ravivées par une touche de framboise et de mûre. 2015, encore en pleine jeunesse, est plus pimpant. Le nez fleure bon le cassis, la bouche est puissante, intense, mais non dénuée de fraîcheur, elle est même un peu mentholée. 2020 est extraordinaire. La période estivale a beau avoir été solaire, on a réussi à conserver beaucoup d’élégance. Les tanins ne marquent pas trop. C’est un vrai dandy, avec du tempérament, mais sans excès. Quel bonheur que ces notes de cassis, de myrtille et de thym !
Avec Château Pavie, on débute par le millésime 1998. Celui-ci explose encore de fruits. La bouche est tendue, droite. Elle s’exprime sur des notes de cerise noire, légèrement confiturées, rehaussées d’une pointe de cannelle. L’âge a beaucoup assagi les tannins, comme le montre d’ailleurs la robe assez claire. Le vin a gagné de ce fait en fluidité. 2005 est plus boisé avec en bouche des notes de raisin corinthé. Il y a du soleil dans cette cuvée ! Le 2009 est très puissant et gourmand, on est sur les fruits noirs, les herbes de Provence. Le vin a une vraie densité. 2016 offre des notes éclatantes de fraise écrasée et de mûre mais les tanins sont encore marqués et nécessiteront une longue garde pour les polir à souhait. 2020 a de beaux arômes de fruits rouges, mais sans trop de concentration. Comme dans le cas de Monbousquet, on s’émerveille de sa fraîcheur alors que l’été avait été plutôt chaud. On appréciera ses notes de poivron et de piment ainsi que sa texture très caressante.
D’autres millésimes nous ont ensuite été dévoilés sur le repas dont le fameux Château Pavie 2000 sacré par Robert Parker meilleur vin au monde. Pour en montrer tout le potentiel, on ne pouvait rêver meilleur cuisinier que Yannick Alléno. Ce chef réputé pour ses sauces a l’art de réaliser de magnifiques extractions et réductions qui font merveille lorsqu’il s’agit de tenir tête à la puissance des grands vins rouges. En 2020, il a pris la tête de l’ancienne Hostellerie de Plaisance devenue La Table de Pavie avec comme objectif l’obtention des trois étoiles. « Depuis 1947 – a-t-il expliqué – la région bordelaise n’a pas eu de trois étoiles au guide Michelin. Pour des raisons importantes d’image, il serait temps qu’on y arrive. Donc nous y travaillons ardemment avec Sébastien Faramond, ses équipes et Gérard Perse. L’objectif est simple, mettre en valeur la cuisine bordelaise qui est finalement restée dans la bourgeoisie, sans que quelqu’un ait un jour pris son bâton de maréchal pour la faire rentrer dans la très grande cuisine moderne. C’est ce que nous nous attelons à réaliser, avec des techniques exceptionnelles (on va jusqu’à la fossilisation !), mais aussi des produits et des fournisseurs que Sébastien source au quotidien »
A noter parmi les pépites servies pendant le repas, un Monbousquet 2019 Bordeaux blanc. Le sauvignon blanc dans le Bordelais est parfois très aromatique. En l’assemblant ici avec le sauvignon gris, la muscadelle et le sémillon, Gérard Perse a obtenu un bel équilibre. Légèrement fumée, avec des notes de buis, d’agrumes et de fleurs blanches, le vin est sublime.
Un déjeuner en bonne compagnie…
Pour ce moment d’exception, la famille Perse avait également convié trois acteurs : Elsa Zylberstein, que l’on a vu récemment au cinéma dans le film Champagne où elle incarnait justement une vigneronne, Stéphane De Groodt et Stéphane Freiss. Ce dernier a rendu un vibrant hommage : « A chaque cuvée, je me suis dit tiens j’aimerais bien que le sommelier repasse par ici, alors que le millésime suivant réservait encore une expérience, une découverte. Il y a de la rareté dans les grands vins, quelque chose qui fait que le moment devient exceptionnel. J’ai eu la chance d’avoir comme témoin de mariage Philippe Faure-Brac. Il m’a fait découvrir le vin et grâce à lui j’ai pu acheter des bouteilles qui ont toujours été des millésimes liés à mon histoire, à ma vie, ma famille. »
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… le nouveau flacon lancé pour le millésime 2022 à l’occasion du renouvellement du classement de Château Pavie comme Premier Grand Cru classé A
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