La protection du terme « Rhône » entérinée par la Cour d’appel de Paris

Il a fallu plusieurs années de procédure, pour que l’appellation Côtes du Rhône remporte son combat pour la protection de sa dénomination contre les usurpations. Dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, le terme Rhône, élément distinctif de l’appellation Côtes du Rhône, dispose d’une protection juridique indiscutable. Cette décision de justice vient rappeler que l’utilisation du terme « Rhône » est réglementée.

Le 26 mai dernier, la Cour d’appel de Paris a condamné la société de ventes de vins Newrhône Millésimes, pour le dépôt auprès de l’INPI de plusieurs marques incluant le terme «Rhône », terme distinctif de l’appellation Côtes du Rhône, ainsi que leur usage pour des vins bénéficiant de cette appellation.

Il faut rappeler que l’appellation Côtes du Rhône a été reconnue par décret le 19 novembre 1937. Seuls les vins rouges, rosés et blancs produits sur l’aire d’appellation et qui répondent aux critères du Cahier des charges de l’appellation peuvent en bénéficier.

L’affaire
En tant qu’Organisme de Défense et de Gestion de l’appellation, le syndicat des Vignerons des Côtes du Rhône a mis en place un programme de lutte, sur le terrain juridique, contre les opérateurs économiques dont le comportement est susceptible de détourner ou d’exploiter la notoriété de l’AOP Côtes du Rhône. Suite à la détection de dépôts de marques reproduisant le terme « Rhône », terme distinctif de l’appellation, le service juridique du Syndicat des Vignerons des Côtes du Rhône et l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) se sont emparés de l’affaire.

Après l’échec des négociations amiables engagées, les deux organismes ont été contraints de porter en justice leurs demandes et ont assigné la société titulaire des marques devant le Tribunal judiciaire de Paris. Les juges de premières instances n’ayant pas appréhendé pleinement la spécificité de la réglementation en matière d’Indication Géographique, l’INAO et le Syndicat ont fait appel de la décision le 12 mai 2021.

Par décision du 26 mai 2023, la Cour d’Appel de Paris a fait droit aux arguments de l’INAO et du Syndicat des Vignerons des Côtes du Rhône.

Une condamnation décisive
La Cour suit entièrement l’argumentaire développé par l’INAO et le Syndicat en relevant que « Rhône » constitue l’élément dominant des AOP Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages, identifié comme se rapportant aux vins de l’appellation protégée.

La Cour rappelle que « l’usage de l’appellation d’origine protégée, sous une forme imitante ou évocatrice, est interdit, y compris pour un vin bénéficiant de ladite appellation ».

Surtout, elle juge que la dénomination enregistrée dans le Cahier des charges ne peut être utilisée qu’à l’identique, sans imitation ou évocation possible. Ainsi, il n’est pas possible d’échapper aux poursuites en ne reprenant qu’une partie de la dénomination de l’appellation : « un vin conforme à un Cahier des charges et bénéficiant d’une appellation d’origine ne peut faire usage de celle-ci que sous sa forme enregistrée, tout autre usage n’étant pas autorisé, qu’il s’agisse d’une imitation ou d’une évocation et que cette imitation ou évocation porte sur l’un ou l’ensemble des composants d’une appellation ».

La Cour d’appel rappelle également que l’argument de défense consistant à faire valoir l’utilisation par des tiers de la dénomination « Rhône » n’est pas pertinent :il est inopérant de se prévaloir de dépôts ou usages de tiers illégaux pour justifier sa propre illégalité.

Le Syndicat et l’INAO se réjouissent de cette décision historique qui consacre plusieurs années de travail pour protéger l’appellation. Elle vient récompenser les efforts des vignerons des Côtes du Rhône dans la valorisation de leur terroir auquel ils sont si attachés et de l’INAO dans sa mission de protection des Indications Géographiques.

Par ailleurs, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné l’exploitant à payer au Syndicat et à l’INAO des dommages et intérêts substantiels*, ainsi qu’au remboursement partiel des frais d’avocats exposés par le Syndicat et l’INAO. Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Cette décision tempérera sûrement les ardeurs des opérateurs économiques à s’approprier le mot Rhône et remettra vraisemblablement en question des dénominations existantes …

*Condamne la société Newrhône Millésimes à payer à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et au Syndicat général des vignerons Réunis des Côtes du Rhône celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne la société Newrhône Millésimes à payer à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) et au Syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône la somme globale de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

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