Après sept années à la tête de la Mission Unesco, Pierre-Emmanuel Taittinger cède la présidence à Séverine Couvreur, vigneronne à Rilly-la-Montagne et déjà engagée depuis 2015 au sein de l’Association. Nous avons pu l’interroger sur son parcours et ses projets.
Séverine Couvreur, comment êtes-vous tombée amoureuse de la Champagne ?
Je suis Parisienne. Mais justement, une Parisienne, cela n’a pas vraiment d’attaches, ce qui a rendu pour moi cette adoption d’autant plus facile, même si du côté de mon père j’ai des cousins vignerons dans les Graves. J’ai découvert la Champagne par mon mari qui à l’époque ne souhaitait pas reprendre l’exploitation. Nous allions le weekend chez mes beaux-parents et je suis d’abord tombée amoureuse de Reims. Certaines villes, après avoir été détruites, ont choisi d’être rebâties à l’identique. Reims a su au contraire se réinventer avec cette incroyable architecture Art Déco. Ensuite, en allant voir leur domaine viticole à Rilly-la-Montagne, j’ai été éblouie par les coteaux. Ils ont aussi des vignes en Bourgogne et ma belle-mère n’a d’yeux que pour cette région, considérant que la Champagne a été très abîmée et n’a pas pu conserver autant son patrimoine historique et ses vieilles pierres. Mais, si vous allez là-bas, vous n’aurez pas cette incroyable mer de vignes, nous avons des endroits où elle s’étend à perte de vue, où elle vous encercle littéralement. J’adore cette sensation, de même que lorsque l’on se balade sur la Montagne, ces moments où l’on débouche de la forêt pour découvrir d’un coup ces panoramas viticoles grandioses, comme à Fleury-la-Rivière, avec la Marne qui sillonne en contre-bas. Autant la Bourgogne est une région facile à aimer, autant la Champagne est plus austère et nécessite un apprentissage. Elle se mérite, il faut en connaître l’histoire pour mieux savoir apprécier l’héroïsme de ces hommes qui ont continué à vouloir y vivre. Il en va de même des Champenois, qui peuvent être un peu abrupts au premier abord, mais qui sont en réalité très accueillants et avec lesquels les relations qui se tissent n’ont rien de superficiel. Cette envie des Champenois de partager, je l’ai notamment découverte lorsqu’avec mon mari nous nous sommes reconvertis comme vignerons et que nous avons suivi pendant un an la formation d’Avize. J’y ai fait des rencontres extraordinaires.
Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre rapidement des engagements collectifs en Champagne ?
J’ai découvert que le métier de vigneron est solitaire. C’était très différent de ce que j’avais connu avant, en école de commerce puis en travaillant dans le conseil, où tout ce que l’on fait est toujours précédé d’une réflexion collective. J’éprouvais le besoin d’échanger. C’est ce qui m’a amené à intégrer le groupe des jeunes vignerons puis le conseil d’administration du Syndicat général des vignerons. Cela m’a permis de parcourir l’ensemble de l’Appellation, de dépasser les frontières de la Marne et d’aller également dans l’Aube et l’Aisne. En 2015, j’ai enfin rejoint le Conseil scientifique de la Mission Unesco. Mon grand regret est de ne pas avoir pu rencontrer Pierre Cheval, qui est décédé la veille de ma présentation.
Où en est aujourd’hui le travail de la Mission Unesco ?
Il y a une vraie montée en puissance de la Mission. Elle était encore très locale il y a deux ou trois ans. Aujourd’hui, il y a une reconnaissance à l’échelon national et international de la rigueur avec laquelle elle gère son inscription. Le travail qu’elle a effectué sur les énergies renouvelables par exemple, en collaboration avec les collectivités et les élus, fait école. Les ministères se sont emparés des différents documents de concertation locale que nous avons produits comme les chartes sur l’éolien, les chartes sur la méthanisation, les chartes sur le photovoltaïque… Nous devons cela aussi à la qualité de notre Conseil scientifique qui réunit énormément de compétences et est particulièrement impliqué. Nous venons d’ailleurs de regagner des galons avec l’entrée d’Amandine Crépin, notre directrice, au Comité des biens français, chargé d’accompagner les dossiers d’inscription.
Pouvez-vous nous livrer un projet qui vous tient à cœur pour votre prochain mandat ?
Je rêve que l’on puisse à terme accueillir, comme la Bourgogne l’a fait en son temps, la chaire UNESCO. Pour cela, il nous faut travailler avec l’université de Reims. Il s’agirait de monter un beau projet de recherche transversal en collaboration avec d’autres sites inscrits. L’une des thématiques pourrait être l’impact du réchauffement climatique sur les paysages culturels et les dangers qu’ils font peser pour leur préservation.
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