Avec l’acquisition de champagne Henriot, le groupe Terroirs & Vignobles de Champagne (TEVC) se hisse sur le podium des opérateurs champenois et affiche ses ambitions.
« Le plan de développement était déjà écrit il y a dix ans, avoue d’emblée Véronique Blin, la présidente depuis 2012 de l’union coopérative CV-CNF qui à l’époque ne comprenait que Nicolas Feuillatte avec un chiffre d’affaires de 200 M€ pour environ 9 millions de bouteilles. Mais nous étions conscients qu’un plafond de verre pouvait contribuer à enrayer notre progression. Il fallait donc changer de dimension et se donner les moyens d’un nouvel essor avec de nombreux investissements – une nouvelle cuverie de réserve, l’espace Nicolas Feuillatte, un siège social, pour accompagner la marche irrésistible du champagne et recruter de nouveaux talents. L’audace finit toujours par payer et nou avons réussi, en moins de 50 ans, à implanter un nouvel opérateur au milieu des belles maisons ». En 2019, l’union coopérative se dote d’une nouvelle facette, plus élitiste et artisanale, avec Abelé 1757. « Nous étions précurseur de construction de caves hors sols et enracinés hors des villes; nous sommes alors devenus citadins, négociants et propriétaire de kilomètres de caves de craies ». L’étape suivante et non des moindres réside dans l’union des deux coopératives les plus importantes de la Champagne avec le CRVC (marque Castelnau) il y a deux ans. Ainsi nait Terroirs & Vignerons de Champagne (TEVC).
Des vignes et une belle image
Le nouvel opus avec l’acquisition de champagne Henriot s’inscrit dans une stratégie de conquête de marchés haut de gamme. Le groupe sparnassien s’offre une belle signature (la Maison a été créée en 1808), des vignes en propre de 3 hectares auxquels s’ajoutent 34 ha de baux ruraux et 107 en appros, soit un total de 144 ha en production provenant de 29 crus, principalement en Montagne de Reims et Côte des Blancs, et une vision internationale (64 % des ventes à l’export en progression constante, notamment au Japon, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Italie). Aux 10-12 millions de bouteilles de Nicolas Feuillatte, 1,5-2 millions de Castelnau et 300-500 000 pour Abelé vient donc s’ajouter les 960 000 cols d’Henriot (pour 32,6 M€ de CA et 4,6 M€ de résultat net, une création de valeur deux fois plus importante que l’union coopérative). Sans compter le siège social de Reims, la demeure du 17e siècle à Pierry et ses 1200 m2 entièrement rénovés dédiés au réceptif pour accueillir les prescripteurs, et un stock de 6,2 millions équivalent bouteilles d’une valeur de près de 60 M€.
Une réorganisation avec filiale autonome
La vente par le groupe Artémis de la famille Pinault a pu être réalisée grâce au soutien des banques qui ont même maintenu les crédits en cours aux mêmes taux d’intérêt (le montant de la vente n’a pas été dévoilé). La décision d’achat a été prise à l’unanimité des quelques 6000 adhérents « car les coopérateurs ont compris qu’on ne pouvait grandir qu’en créant de la valeur ajoutée et réussir qu’en ayant accès au marché et ne pas juste rester des apporteurs de matières premières, souligne Véronique Blin. Il faut que le vignoble conserve des parts de marché, surtout au regard des ventes directes qui semblent s’éroder et avec l’arrivée d’une nouvelle génération de vignerons qui ne veut plus sacrifier tous ces week-ends pour recevoir les clients ou faire des salons ».
La feuille de route du nouvel ensemble est déjà tracée. Il s’agit en priorité de premiumiser dans un monde du luxe qui poursuit son expansion et où le vin affiche une croissance insolente de 26% sur le marché mondial entre 2019 et 2022 (source Bain & Company). « Nous voulons donner une autre image de la coopération et un nouveau souffle en dépassant les traditionnels clivages négoce-vignoble, précise Christophe Juarez, directeur général depuis 2017. Notre ambition est de rester dans le trio de tête avec des marques fortes et complémentaires ». Avec l’acquisition d’Henriot, TEVC est passé de 284 M€ de CA à 329 se plaçant désormais derrière le groupe LVMH (2,85 Mds€ pour la branche champagne) en ayant doublé Laurent Perrier et Louis Roederer.
« Nous allons également nous attacher à continuer d’apporter une rémunération équitable à nos adhérents en jouant un rôle d’amortisseur de crise et en développant les services aussi bien techniques que marketing, commerciaux… ». Réussir la transition environnementale fera aussi partie des challenges : l’objectif est d’arriver rapidement à 300 000 bouteilles bios, soit 60 à 90 hectares (à ce jour, 40 à 45 hectares sont certifiés). « L’organisation jusqu’à présent matricielle – tout le monde sous le même toit, va évoluer puisque Henriot va rester une filiale autonome sans fusion des équipes ». En revanche, TEVC s’est doté d’un comité exécutif qui va assurer la liaison entre les deux pôles. Il est piloté par Christophe Juarez avec, à ses côtés, des talents qui montent en puissance : la cheffe de caves Alice Tétienne nommée directrice générale adjointe, et le directeur administratif et financier Ludovic Machet qui prend le poste de secrétaire général.
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