Acteur majeur de la vente de vin en ligne, le négoce bordelais Millésima se déploie depuis l’été dernier sur le secteur des spiritueux. Une offre « complémentaire » pour son portefeuille de clients, mais qui a vocation à s’étoffer, selon son Président-directeur général Fabrice Bernard.
On connaît Millésima pour son expertise de longue date sur les grands crus bordelais, mais aussi sur les grands vins d’autres régions françaises et, de plus en plus, du monde entier. Cette maison de négoce quasi-centenaire (elle a été fondée en 1928), fleuron de la famille Bernard, a eu le flair de se développer dans la vente directe sur le web, dont elle est aujourd’hui un acteur majeur. Avec ses quelque 13 000 références et 2,7 millions de bouteilles en stock, dans ses installations récemment rénovées sur le quai de Paludate à Bordeaux, Millésima est une maison sûre de ses forces, mais qui observe avec attention les courants rapidement changeants des modes de consommation. Et s’adapte en conséquence : d’où le déploiement, en juillet dernier, d’une offre spiritueux très pointue, qui a connu d’emblée un succès encourageant et devrait rapidement s’étoffer. Entretien avec Fabrice Bernard, Président-directeur général de Millésima.
Pourquoi avez-vous décidé d’étendre l’activité de Millésima sur le secteur des spiritueux ?
Nous nous sommes d’abord posé une question essentielle : est-ce que, ce faisant, nous allions toucher à l’ADN de la maison ? Nous ne voulons créer de nouveaux développements que s’ils ont du sens et s’ils sont en adéquation avec l’identité de Millésima. Or, entre les spiritueux et les vins, nous sommes sur deux univers parents, avec certes des produits différents mais qui ont en commun des moments de partage, une éducation, une connaissance des amateurs. Après la pandémie de Covid-19, il est apparu que les consommateurs, nos clients en particulier, voulaient davantage explorer, découvrir, faire bouger les lignes et leurs habitudes ; cela passe par un intérêt de plus en plus prononcé pour les spiritueux de belle qualité, mais aussi pour les cocktails. Nous devions répondre à cette attente. Cette nouvelle offre nous permet par ailleurs de nous adresser à une clientèle plus jeune, complémentaire, et de peut-être créer des passerelles entre la consommation de spiritueux et la consommation de vin.
Comment se structure votre offre à ce jour ?
Nous l’avons lancée en juillet dernier, donc elle se limite pour l’instant à 175 références, mais nous ne voulions pas partir sur du volume à tout prix. Le challenge pour nos acheteurs était de construire une gamme qui fait rêver, en ciblant les connaisseurs ou les amateurs curieux en quête de produits plutôt haut de gamme. Nous ne voulions pas transiger sur la sélection : elle se veut donc riche et éclectique, partant de whiskys d’Écosse, du Japon, des États-Unis, d’Irlande, d’Australie et de France avec les maisons Ardbeg, Glenfiddich, Redbreast, Woodford Reserve, The Macallan, Michel Couvreur, ou encore Yoichi, mais aussi du gin, du rhum, du cognac et de l’armagnac qui complètent la gamme, et bien sûr un certain nombre de flacons d’exception pour collectionneurs. Nous n’en sommes qu’au démarrage et pourtant nous avons déjà réalisé 150 000 € de chiffre d’affaires sur ce segment, avec un panier moyen autour de 100 € la bouteille… Le whisky est en tête des ventes, suivi de la téquila, du cognac et du rhum. Cela nous permet d’acquérir de nouveaux clients. On envisage de développer rapidement la gamme, en se renforçant sur le rhum, les liqueurs notamment. Nos équipes sont formées à la dégustation pour consolider leur expertise sur ce créneau.
Dans un contexte où la consommation de vin connaît de profondes mutations, cette ouverture vers les spiritueux représente une diversification incontournable pour l’avenir ?
On ressent une déconsommation du vin en France, qui navigue entre -4% et -5%. En moyenne, dans le panier d’achat, on a 2 bouteilles en moins par client, ce qui fait passer le panier de 1000 € à 900 €. Mais on acquiert aussi de nouveaux clients, et si ces derniers consomment moins, ils consomment aussi « mieux ». De profondes mutations sont à l’œuvre, c’est palpable, mais ce n’est pas un handicap : les consommateurs sont de plus en plus curieux, ils veulent découvrir des vins étrangers, des spiritueux… À nous d’adapter notre offre en conséquence, et de les fidéliser en apprenant à toujours mieux les connaître : nous avons lancé un programme de fidélisation sur mesure en fonction de l’historique des commandes de chaque client, avec un conseiller attitré, en s’appuyant sur notre savoir-faire sur le digital qui est très pointu. Et nous préparons d’autres innovations pour 2024. Aujourd’hui, la France représente un tiers de nos ventes, nous sommes très présents sur les Etats-Unis, l’Allemagne, la Suisse… C’est pourquoi nous ne considérons pas l’enrichissement de notre offre en vins étrangers ou en spiritueux comme une dilution de notre activité historique, mais comme une force. Du reste, les vins de Bordeaux représentent toujours 50% de nos ventes, et les vins français 85%. À terme, nous projetons qu’ils se segmenteront entre 1/3 Bordeaux, 1/3 autres régions françaises et 1/3 vins étrangers. Sans compter bien sûr les spiritueux, sur lesquels nous allons continuer de nous renforcer.
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