À la Maison Cordon Rouge, à Reims, le champagne Mumm a ouvert un restaurant où se succèdent tous les trois mois un grand chef différent qui vient en résidence pour allier sa cuisine aux cuvées de la marque. Avec Kelly Rangama et son mari Jérôme Devreese, c’est un véritable voyage qui nous est proposé, mariant la gastronomie française la plus classique aux influences ultra marines… Un rayon de soleil dans la grisaille de l’hiver champenois !
Comment la vocation vous est-elle venue ?
Je suis d’origine réunionnaise. Je suis partie à 17 ans en métropole pour faire mes études. Je n’étais pas très douée à l’école, j’ai obtenu un bac littéraire, mais sans savoir trop comment. Je me suis lancée dans un BTS Communication des entreprises, parce que cela sonnait bien. Au bout de six mois, j’ai arrêté. Je suis rentrée à la Réunion et j’ai dit à ma mère que je ne savais pas très bien ce que j’allais faire de ma vie. En regardant la télévision, je suis tombée sur l’émission « Oui Chef ». C’est là que le déclic s’est produit. Je suis repartie en métropole à l’école Ferrandi. Pour autant, la cuisine n’est pas venue comme ça à moi, mon père m’a transmis beaucoup de choses. C’était un très bon cuisinier, pas de métier, mais passionné. Il faut savoir que le dimanche à la Réunion, on mange toujours en famille, c’est très convivial, on se lève tôt pour préparer la cuisine, les plats en sauce, et on passe vraiment du temps à table, un peu trop même selon mon mari, mais nous on adore ça ! Mon père nous a initiées à toutes les cultures, pas seulement créole. Il pouvait aussi bien cuisiner chinois, maghrébin… La Réunion est une île très cosmopolite. Dans le cadre de ma formation, j’ai réalisé plusieurs stages. Le premier a été chez Michel Portos lorsqu’il était au Saint-James à Bouliac, où j’ai rencontré Jérôme qui était en pâtisserie. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés et il est devenu à la fois mon mari et mon associé ! Nous sommes revenus à Paris pour travailler pour Thomas Boullault à l’Arôme. J’ai commencé stagiaire, je suis ressortie sous-chef. Ensuite, j’ai fait l’ouverture du Boutary, un restaurant spécialisé dans le caviar. Un vrai challenge, parce qu’accorder le caviar aussi bien sur des entrées, des plats que des desserts, n’a rien d’évident. Les débuts ont donc été compliqués d’autant que le quartier Saint-Germain n’était pas facile.
C’est à ce moment-là qu’une casteuse de Top Chef vous a contactée…
Oui, c’était un moment où je me posais beaucoup de questions, où je ne savais plus trop où j’en étais, et je me suis dit pourquoi pas ? J’ai intégré la saison 8 en 2017. Je ne regrette pas cette expérience qui a été un tremplin et qui m’a permis de me resituer un peu. Par contre, j’ai eu du mal à digérer la sortie un peu expéditive. Cela m’a conduite à une grosse remise en question. J’ai pensé que dans le fond, la gastronomie n’était peut-être pas la bonne voie et que je devais davantage aller vers la bistronomie. J’ai essayé, et pendant trois mois j’en ai souffert, j’en ai même pleuré. La restauration est une grande famille et il faut de tout, mais ce n’était pas pour moi. Et me revoici plongée dans des remises en question.
Cette fois, c’est France Ô, une chaîne qui touche les territoires et les départements ultra marins, qui vous appelle …
Oui, ils me proposent de devenir l’animatrice d’une nouvelle émission dans laquelle je vais sillonner les DOM TOM et partir à la découverte de leurs différentes cuisines. Pendant deux ans, je réalise un petit tour du monde où j’explore des méthodes, des techniques, des plats, avec des cuisiniers mais aussi avec des grands-mères, des mamas, des passionnés qui acceptent de m’ouvrir leurs portes. C’est une claque pour moi ! Je me rends compte qu’il existe encore des façons de cuisiner en 2023 très traditionnelles. Qui peut imaginer qu’aujourd’hui encore certains vont dans leur jardin creuser un trou pour cuire un poisson vapeur ? Et puis il y a tous ces produits qui ont des goûts vraiment différents : le fruit à pain, le manioc, le taro… Nous n’avons pas les mêmes terroirs, le même soleil… Je suis donc revenue avec un nouvel univers culinaire, une nouvelle approche. Jérôme m’a accompagnée dans ces voyages, il voulait que nous ouvrions notre propre restaurant. Ce sera chose faite en 2019 avec Le Faham. Le but n’était pas d’obtenir tout de suite une étoile, mais déjà de se faire un peu les dents, et ensuite d’aller en chercher au moins une pour consolider notre parcours. Sept mois à peine après notre ouverture, elle nous est tombée dessus. J’avoue que nous étions sous le choc, nous n’étions pas prêts. L’accalmie du covid nous a permis de mieux gérer cette transition.
Comment fonctionne votre collaboration avec Jérôme ?
Notre restaurant est vraiment une synthèse de nos deux métiers. Il tient son nom d’une orchidée que l’on trouve à la fois à la Réunion et aux Antilles où Jérôme a vécu. On l’utilise aussi bien en cuisine que pour infuser le rhum, les sorbets et les brioches. Bref, elle symbolise notre rencontre. Il n’est pas toujours évident de garder un fil conducteur entre la cuisine et la pâtisserie. Souvent, dans les restaurants, lorsque vient le dessert, il y a un bémol, c’est trop sucré, trop lourd. Jérôme a un atout. Je dis toujours qu’il ne pâtisse pas, mais qu’il cuisine de la pâtisserie. Il fait partie de cette génération de pâtissiers qui désucrent tout. Notre cuisine suit les codes de la cuisine française traditionnelle, parce que notre parcours nous a fait côtoyer les bases de celle-ci. Mais nous la remettons au goût du jour en venant ajouter à chaque fois un petit quelque chose, une épice, un aromate, un vinaigre, un feuillage, un produit qui vient soit des Antilles, soit de la Réunion.
Qu’est-ce qui vous attiré dans ce partenariat avec la Maison Mumm ?
La maison correspond bien à l’esprit du Faham. Elle est familiale, elle a toute une histoire, et s’inscrit sans cesse dans l’innovation, l’exploration. Notre cuisine est assez singulière, on ne mange pas du piment végétarien dans tous les restaurants parisiens. Les accords ont d’ailleurs représenté un vrai défi pour Raimond Tomsons. Mais cela fonctionne très bien, notamment grâce aux échos que produisent les agrumes dans le champagne. Je pense notamment à l’assiette de Saint-Jacques rafraîchie avec une râpée de combava qui a été associée à la cuvée RSRV Blanc de blancs 2015.
Prix 55 € à midi (menu 3 séquences), 75 € le soir (menu 4 séquences), 115 € (6 séquences). Du Jeudi au Samedi, déjeuner et dîner. Le Lundi uniquement le dîner. Réservation en ligne : https://www.mumm.com/fr-fr/la-table-des-chefs-mumm/
Cet article [Entretien] Kelly Rangama prend le relai à la Table des chefs de G.H. Mumm est apparu en premier sur Terre de Vins.