Racheté en 2022 par deux investisseurs français, Pierre-Yves Rigaux et Denis Chazarain, après avoir passé plusieurs années « sous les radars » en battant pavillon chinois, cet ensemble de quatre propriétés recouvrant une cinquantaine d’hectares nourrit de belles ambitions, notamment sur le plan œnotouristique.
Les amateurs de curiosités se souviennent sans doute des deux propriétés bordelaises qui, reprises par des acheteurs chinois il y a quelques années, avaient été rebaptisées « Lapin Impérial » et « Antilope Tibétaine ». Passé l’amusement provoqué par l’incongruité de ce changement de nom, ces deux domaines ont progressivement disparu des radars, quelque peu délaissés par leurs propriétaires… Depuis 2022, ils réamorcent leur retour en pleine lumière grâce à l’arrivée de deux nouveaux investisseurs français, qui ont récupéré les quatre propriétés, leur rendant au passage leurs noms d’origine : les châteaux Larteau (15 hectares à Arveyres, à proximité de la Dordogne, en appellation Bordeaux Supérieur), Tour Saint-Pierre (12 hectares en Saint-Émilion Grand Cru), Clos Bel-Air (2,5 hectares en appellation Pomerol) et Sénilhac (cru bourgeois de 20 hectares en appellation Haut-Médoc) sont réunis sous la bannière des Domaines de l’Émissaire.
Une histoire à réécrire
À la manœuvre, deux associés, Pierre-Yves Rigaux et Denis Chazarain. Le premier, issu du monde de la Finance, est devenu en 2018 PDG de Galena, société spécialisée dans les solutions d’investissements dans le domaine de l’énergie, ce qui l’a amené à créer sa propre entreprise de négoce de matières premières axée sur l’Asie Centrale en 2021. Il est notamment implanté en Mongolie, d’où est originaire son épouse. Le second, basé à Malte, est passé par les bancs de Sciences-Po et de la Sorbonne, avant de s’illustrer lui aussi dans le secteur de l’énergie à différents postes de direction ; passionné de vin, il s’est déjà impliqué dans la gestion de vignobles en Bourgogne et en Vallée du Rhône septentrionale. Ce qui a réuni les deux hommes autour de ce projet commun est la certitude qu’une belle histoire reste à écrire sur ce grand ensemble se partageant entre le Médoc et le Libournais.
Tout passe d’abord par une remise en état de toute la partie viticole, qui a été confiée à David Caillaud pour la rive droite et à Eric Lagadec pour la rive gauche. Si Sénilhac, membre du classement des crus bourgeois, a été bien entretenu ces dernières années, un grand travail de restructuration a été lancé sur les trois propriétés du Libournais, en particulier à Larteau et Tour Saint-Pierre. David Caillaud, riche d’une solide expérience en Charente, dans le Blayais et dans le Médoc, s’emploie depuis plus d’un an et demi à remettre les vignes d’aplomb. Toute la partie commerciale est également repensée, que ce soit pour le marché français ou l’export, s’accompagnant d’une refonte des packagings.
L’œnotourisme comme force d’attraction
Au-delà de la volonté de remettre les vins sur le devant de la scène, en renforçant leur régularité, en affirmant la singularité du style de chaque propriété et en valorisant la gamme (on pense notamment au rosé « Aerial » lancé en 2022 et issu des vignes de Sénilhac, ou encore au nouveau « blanc de noirs » 100% merlot appelé « L’improbable »), les Domaines de l’Émissaire croient fortement, dans un contexte compliqué pour la filière bordelaise, au pouvoir de l’œnotourisme : c’est en s’inscrivant pleinement comme acteurs de leur territoire et en défendant une certaine idée de l’art de vivre « à la française » qu’ils entendent attirer des visiteurs et fidéliser les amateurs. Le château Larteau se veut l’épicentre de cette ambition. Une grande séquence de rénovation a ainsi été lancée pour redonner tout son lustre à cette belle bâtisse girondine, agrémentée d’un parc de 10 000 m2 en bord de Dordogne. Cinq suites dont une familiale, piscine, héliport, court de tennis, boulodrome, home cinéma, deux cuisines composent les prestations de ce lieu qui rouvrira ses portes au printemps (tarif annoncé de 2500 € la nuit). Une offre très complète de visites, dégustations et ateliers est également mise en place, uniquement à Larteau (5 € pour deux vins, 8 € pour trois vins, 10 € pour cinq vins), à Tour Saint-Pierre qui connaît lui aussi une rénovation (visites à 12 € ou 15 €, dégustation à l’aveugle avec « Le Nez du Vin » à 25 €, « masterclass » à 65 €) ou en mode découverte des trois vignobles du Libournais (200 € transports inclus). Possibilité d’agrémenter les dégustations de quelques grignotages (20-25 €). À Sénilhac, côté rive gauche, on réfléchit à une offre d’œnotourisme plus « slow ». Pour compléter cette offre, les Domaines de l’Émissaire veulent ouvrir leurs portes à des séminaires et événements privés, espèrent accueillir dès cette années des Portes Ouvertes à Arveyres et organiseront, en juillet 2024, un festival de théâtre (avec notamment « Le songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, joué en français et en anglais). Un projet de résidence d’artiste, d’expositions d’art dans les chais est enfin à l’étude : bref, ce lieu va ouvrir ses portes, vivre, respirer. Nous serons là pour vous en reparler.
Cet article Domaines de l’Émissaire, fidèles au poste est apparu en premier sur Terre de Vins.