Château Fonplégade, l’ami américain

Ce grand cru classé de Saint-Émilion est, depuis 2004, entre les mains d’un couple de Californiens, Denise et Stephen Adams. En un peu moins de vingt ans, ils ont converti le vignoble au bio, à la biodynamie, et l’ont hissé parmi les valeurs sûres de l’appellation.

Bordeaux a toujours été une terre d’accueil pour les investisseurs venus d’ailleurs et nombreuses sont les belles histoires familiales qui se sont écrites sur plusieurs générations dans le vignoble girondin en ayant leur point de départ sous d’autres latitudes. Saint-Émilion n’est pas en reste. Par sa capacité à faire rêver, par son seul nom, les amateurs du monde entier, l’appellation de la rive droite a toujours attiré de nouveaux propriétaires qui n’étaient pas « du cru » – et non, on ne parle pas seulement des Corréziens – mais se sont adaptés aux lieux pour en devenir, quelquefois, les plus fervents ambassadeurs.

Le château Fonplégade en est un brillant exemple. Cette propriété de 18 hectares à l’histoire ancienne et passionnante (son nom vient ainsi de la fontaine du XIIIème siècle qui coule encore au cœur du vignoble, « Fonplégade » signifiant « fontaine d’abondance ») est acquise en 2004 par Denise et Stephen Adams, un couple de Californiens passionnés de culture et d’art de vivre à la française – Stephen est diplômé en littérature et civilisation américaines à l’université de Yale, ainsi que d’un MBA de l’école supérieure de commerce de Stanford ; Denise est titulaire d’un diplôme de premier cycle universitaire en histoire de l’art et éducation artistique de l’université de Kent State, et d’une maîtrise en arts de l’université du Connecticut. Venus à Saint-Émilion pour leur voyage de noces, ils tombent sous le charme du village, du vignoble, et lorsqu’au cours de l’un de leurs séjours ils apprennent que Fonplégade est à vendre, ils décident de franchir le pas et de devenir vignerons.

Le choix du bio et de la biodynamie

Un changement de vie qui, depuis près de vingt ans (et hors période de pandémie de Covid-19), les amène à partager leur vie entre la Californie – où ils ont fait, en 2008, l’acquisition d’un vignoble baptisé Adamus, sur les coteaux de Howell Mountain dans la Napa Valley – et la Gironde, où ils viennent plusieurs fois par an, privilégiant de longs séjours. Pour les Adams, Fonplégade n’est pas un investissement, c’est l’histoire d’une vie : entretenant des rapports quasi familiaux avec les membres de leur équipe, investis dans chaque décision qui concerne le vignoble, ils ont, dès l’acquisition de la propriété, investi lourdement pour moderniser tout l’outil technique, développer l’hospitalité (l’offre œnotouristique est un parfait mariage entre le sens de l’accueil « à l’américaine » et « à la bordelaise »), et rénover le château du XIXème siècle dominant le coteau, allant même jusqu’à rebâtir à l’identique, en s’inspirant des anciennes étiquettes, l’une des tours détruite par un incendie il y a plus d’un siècle.

Surtout, Denise et Stephen Adams ont décidé de convertir, dès 2010, le vignoble à l’agriculture biologique. Après une certification obtenue en 2013, ils ont décidé d’aller plus loin en s’orientant vers le biodynamie à partir de 2017 – pour une certification Biodyvin obtenue en 2020. Cet engagement environnemental, qui vaut aussi pour leur propriété californienne, se veut total, puisqu’ils ont transformé l’un des bâtiments adjacents au domaine en « mini-ferme » abritant les plantes pour les préparations biodynamiques, une basse-cour, mais aussi six moutons qui assurent la tonte naturelle – et l’amendement – du vignoble au cours de l’année. Fonplégade, c’est un petit écosystème à part entière, où l’on cultive un certain sens du partage et de la fraternité, comme en témoignent Hakima Dib, qui co-dirige le château avec Mme Adams depuis 2019 après l’avoir rejoint dès 2013, et le directeur technique Romain Gonzalez.

Un futur Premier grand cru classé ?

Le goût du collectif et le sens du travail en équipe, c’est toute une culture que les Adams s’attachent à entretenir à chacun de leurs séjours dans le Bordelais. C’est aussi une ambition, celle qui les a amenés à déposer deux dossiers pour le prochain classement de Saint-Émilion : un pour conforter leur position de grand cru classé, l’autre pour postuler à une reconnaissance en Premier grand cru classé. Un scénario pas si invraisemblable : compte tenu des investissements consentis depuis 18 ans, de la qualité du terroir (on se situe sur le plateau de Saint-Émilion, au côté de Quintus et Bélair-Monange, à un jet de pierre de Canon) et de la superbe régularité des vins, comme en atteste une mini-verticale sur les millésimes 2019, 2020 et 2021 en primeurs, Fonplégade a de sérieux arguments pour se hisser parmi l’élite du classement. En attendant le verdict, en septembre prochain, toute l’équipe a déjà la tête aux futurs projets, notamment une nouvelle rénovation du cuvier, afin d’aller encore plus précisément dans le parcellaire au moment des vinifications et de continuer à varier les contenants – barriques, œufs béton, amphores – au moment des élevages. Se reposer sur ses lauriers pour regarder les trains passer, se n’est pas non plus dans l’ADN américain.

« Terre de Vins » aime :
Château Fonplégade 2019 (90% merlot 10% cabernet franc) : nez aérien et floral, de la délicatesse sous laquelle se perçoit la juste maturité. Une palette aromatique convoquant surtout le fruit rouge frais, avec une subtile touche d’épice. La bouche est droite et soyeuse, dessinant des tannins tout en finesse, à la sucrosité maîtrisée et à la texture ciselée. L’ensemble est souligné par une jolie salinité et de fins amers en finale.
Château Fonplégade 2020 (90% merlot 10% cabernet franc) : de l’intensité, de la profondeur, de la densité. On devine une puissance retenue dans ce nez complexe et camphré, aux notes atramentaires et légèrement maritimes. La bouche est tonique, pleine, juteuse, irriguée par une belle minéralité qui tient le vin et propulse sa chair onctueuse. Encore une belle définition de tannins, une grande finesse sous l’opulence.

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[Pessac-Léognan] Le château Mirebeau ouvre son capital à Remy Cointreau

C’est en 1996 que Cyril et Françoise Dubrey ont eu le coup de foudre pour ce domaine situé au cœur de l’appellation Pessac-Léognan. 26 ans plus tard, ils ouvrent le capital à la famille Hériard-Dubreuil qui présida à la création des Cognac Remy Martin.

Cyril Dubrey, ingénieur en agriculture et œnologue, s’est passionné pour ce château Mirebeau, propriété de cinq hectares donc quatre de vignes, dominant le village de Martillac, composée d’une « jolie bâtisse du 17ème,  avec ses arbres bicentenaires et sa vue imprenable sur la vallée de la Garonne ».

Le château Mirebeau, est un territoire que Cyril et Françoise ont protégé de l’urbanisation galopante. Le terroir de quatre hectares, d’un seul tenant, est composé de vieilles graves sur sous-sol argilo-sablonneux avec des affleurements calcaires et des fossiles marins : un terroir qualitatif de premier ordre. L’encépagement en rouge se compose de 70 % de Merlot Noir, 20 % de Cabernet Sauvignon, 5 % de Petit Verdot et, un peu atypique, 5 % de Carménère.

D’importants travaux de rénovation et de lourds investissements dans du matériel performant ont vite été réalisés après l’acquisition et, dès 2005, Cyril a conduit son vignoble « selon les principes de la Biodynamique »  sans pour autant demander la certification. Mais depuis peu, un processus de certification a été engagé et le 1er vin certifié bio sortira en 2024.

Les motivations de l’ouverture au capital.

La famille Hériard-Dubreuil, entrante au capital, est fondatrice et propriétaire de la maison de Cognac Remy Martin, qui a, en 1991, fusionné avec Cointreau pour fonder le groupe Rémy-Cointreau. La famille Hériard-Dubreuil est majoritaire dans le groupe et possède un portefeuille de spiritueux dont la renommée est internationale. Outre le cognac Rémy Martin et la liqueur Cointreau, on peut citer, entre autres, le cognac Louis XIII,  le spiritueux grec Metaxa, le rhum Mount Gay, le brandy St-Rémy, auxquels il faut ajouter des marques de gin et de whiskies. Si le groupe a un savoir faire indéniable sur les vignobles de Cognac, il ne possède pas de vignoble traditionnel. Cet « investissement patrimonial » est un pas dans ce secteur.

Concernant l’achat de parts du château Mirebeau, il s’agit « d’un investissement patrimonial » insiste-t-on. On peut avancer que la qualité du terroir de ce château de Pessac-Léognan n’a pas échappé à cet investisseur majoritaire. Quant au futur, on évoque « un projet de long terme pour développer et travailler cet écrin aux cotés de Cyril pour savoir comment il travaille. Il en aura les rênes au quotidien ». Cyril et Florence Dubrey, deviennent « des partenaires  qui continueront à travailler au château Mirebeau et à y habiter ». 

Besoin de voir se moderniser l’outil de travail d’un côté, investissement patrimonial de l’autre, voilà les raisons d’un partenariat gagnant/gagnant.

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Gel cognaçais : « L’ugni blanc nous a sauvés »

Si le cépage pour le cognac n’a pas trop été impacté par l’épisode de gel, les cépages plantés pour la production du pineau et des vins charentais ont énormément souffert.

Comme partout, le mercure est descendu très bas sur les Charentes durant les nuits du week-end du 4 avril. Mais contrairement à l’année dernière, on use dans les campagnes de l’expression « plus de peur que de mal ». En ce mardi 5 avril, ce sont davantage les cerisiers qui noircissent que les bourgeons d’ugni blanc qui étaient à peine sortis, sachant que l’ugni blanc couvre 99% de l’appellation. Ce sont des généralités et l’épanouissement de la vigne dans les prochains jours donnera une lecture plus précise. « A priori, l’ugni blanc nous a sauvés du pire, son caractère tardif est une chance, il ne fallait pas que ce froid intervienne quinze ou vingt jours plus tard comme l’an passé, sans quoi ça aurait été une catastrophe », souligne Patrice Piveteau, le directeur général de la maison Frapin, sise à Segonzac. Toutefois, on reste prudent car la plante peut réagir négativement à ce gel dans les jours à venir. « Quelques bourgeons avaient débourré mais la plupart étaient encore dans leur protection, mais il suffit que les écailles soient légèrement ouvertes pour engager des pertes que l’on ne voit que plus tard », ajoute Patrice Piveteau. Aux quatre coins de l’AOC, on a enregistré jusqu’ – 4°C. De fait, concernant les cépages comme le chardonnay, le merlot ou le colombard, utilisés pour l’élaboration du pineau et des vins charentais, ce n’est pas la même musique. Pascal Favre, le vigneron de l’Île d’Oléron, craint le pire : « J’attends encore quelques jours pour en savoir plus mais je suis déjà très pessimiste, les chardonnays sont morts, les sauvignons sont largement impactés, les colombards, les merlots et les cabernets francs sont touchés, je pense perdre davantage que l’an passé alors que j’avais perdu autour de 50%… ». Contrairement à l’an passé, les vignerons gardent de l’espoir quant au développement des contre-bourgeons qui peuvent encore apparaître. A suivre.

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[Présidentielle] Quel projet pour le vin avec Yannick Jadot – Europe Écologie-Les Verts (EELV)

À J-5 du premier tour de l’élection présidentielle, le débat politique se focalise sur les traditionnels sujets économiques et sociaux, parmi lesquels, l’emploi, l’environnement et la santé. Au confluent de ces trois enjeux, la viticulture peine à émerger dans les débats, alors même qu’en 2019, les vins et spiritueux français étaient les deuxièmes contributeurs à la balance commerciale de la France, derrière l’aéronautique. C’est pourquoi « Terre de vins » a souhaité interroger les principaux candidats à la présidentielle *, en leur soumettant les deux mêmes questions.

Si vous ne deviez retenir qu’une seule mesure forte pour accompagner les filières vins et spiritueux françaises face aux enjeux économiques, sociaux ou environnementaux, quelle serait-elle ?

Je propose un accompagnement pour la conversion massive vers le bio et un programme d’adaptation au changement climatique. La filière viticole a tout à y gagner, car le vin bio est meilleur pour la santé, y compris celle des agriculteurs, meilleur pour la terre, il crée 50 % d’emplois de plus et son image est excellente. Cela se traduira par des aides à la conversion et aux emplois créés, des formations à l’agro-écologie, du soutien à la recherche pour adapter les cépages aux aléas climatiques et trouver une alternative aux traitements à base de cuivre.

À titre personnel, quel est votre rapport au vin et aux spiritueux ? Avez-vous un souvenir particulier lié à une dégustation ? Une cuvée ou une appellation qui vous est chère ?

J’adore le vin nature et je rends souvent visite aux vignerons ! En Bourgogne, il y a des productions intéressantes, par exemple du côté de Saint-Aubin, au sud de Beaune. Ce que j’aime dans ces vins, c’est le fruit charmeur du pinot, mais aussi la présence très forte du territoire. On y cultive une vigne qui descend profondément dans la terre – une terre vivante et expressive…


Éric Zemmour et Marine Le Pen n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Nous avons choisi d’inclure Emmanuel Macron, candidat non déclaré mais largement pressenti à l’heure où Terre de Vins à réalisé ce dossier. Il est à retrouver en totalité dans le n°77 disponible actuellement en kiosque ou sur notre kiosque digital.

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Gel dans le Médoc: «Entre 10 et 20%…»

La presqu’île médocaine a subi une vague froid impressionnante ce week-end du 3 avril avec des températures enregistrées jusqu’à moins 5 ou 6 °C. Au premier abord moins dévastatrice que l’épisode de gel de 2021, elle a pour autant touché des zones habituellement non gélives.

Règne une quasi-résignation dans les discours des vignerons médocains, bien conscients que les épisodes de gel printaniers vont être de plus en plus récurrents. Le double phénomène du réchauffement climatique – favorisant la précocité de la plante – et du dérèglement climatique – accentuant des vagues de froids tardives – est une réalité scientifique à laquelle il faut s’habituer. La première nuit de froid a connu son pic vers les 2 ou 3 heures du matin alors que la nuit suivante les températures les plus froides sont intervenues à l’aurore. « On est surtout surpris par son impact qui ne s’est pas localisé sur des zones habituellement sensibles, même les plateaux ont été touchés, c’est irrégulier », explique Henri Lurton, le propriétaire du Château Brane-Cantenac à Margaux. Bien sûr, le cépage le plus précoce, le merlot, a davantage souffert. Les moyens pour lutter ont été mis en œuvre, des turbines antigel aux bougies ou autres modes de chauffage. Quant aux pulvérisations de glycérine, le vent a annihilé son effet. D’habitude, le sud du Médoc est plus touché que les parcelles du côté de Saint-Estèphe ou Margaux mais cette année l’ensemble de la presqu’île est touchée de la même façon. Le directeur des Châteaux Pédesclaux et Lilian-Ladouys, Vincent Bache-Gabrielsen reste prudent sur l’état des dégâts : « D’habitude seules les parcelles à proximité des bois sont sensibles, mais là les plateaux ont aussi été touchés, il faut dire que le mercure est descendu très bas, jusqu’à moins 5 donc les merlots ont été touchés, il reste à savoir si ce sera une perte du 10 ou 20% en gros ». La visibilité n’est pas parfaite car le gel a touché ici ou là plutôt que de griller des parcelles entières et même les vignobles à proximité de l’estuaire ont été sujets. Cela reste hétérogène du côté des bourgeons encore dans leur coton. Il y a aura des bourgeons nécrosés et d’autres qui seront à faire tomber. Ce qui est sûr, c’est qu’opérer des tailles plus tardives – qui repoussent la sortie des bourgeons – est de plus en plus dans les esprits. Également, la plantation de cabernet sauvignon au détriment du précoce merlot figure parmi les solutions. Quant au bilan, le discours n’est pas alarmiste, ce ne fut pas la gelée blanche de la fin du mois d’avril 2021.

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[Etoilé Michelin] Jérôme Schilling, l’exigence récompensée

Après une première étoile en 2019, le restaurant Lalique, table du Château Lafaurie-Peyraguey, a obtenu un second macaron décerné par le Guide Michelin. L’occasion de revenir sur le parcours et la vision de Jérôme Schilling, chef de l’établissement depuis 2018.

Vous avez eu une vocation précoce pour la cuisine, pourriez-vous nous en décrire les origines ?

Effectivement, je me suis intéressé très tôt à ce qui se tramait dans les casseroles de ma grand-mère, puis dans celles de ma mère. Pour être honnête, je passais mon temps en cuisine, je n’avais pas terminé de déjeuner que je voulais déjà savoir ce que nous allions dîner. Quand j’ai eu 14 ans il a fallu faire un choix d’orientation et grâce notamment à cet environnement familial, je me suis dirigé vers la cuisine.

Comment transforme-t-on une attirance pour la cuisine en une volonté d’intégrer les rangs de la grande gastronomie ?

J’ai grandi dans une famille qui cultivait une exigence du quotidien, je pense que cela a largement influencé mon parcours. Je pars toujours du principe que si le travail mérite d’être fait, il mérite d’être bien fait, cela vaut pour tout type de cuisine. Il y a également une question de chance, d’opportunité qui m’a permis de prendre cette orientation culinaire.

Comment s’est matérialisé cet élément dans votre parcours ?

J’ai commencé dans un petit restaurant à côté de chez moi, j’y ai appris toutes les bases de la cuisine. Nous avions un vivier à truites derrière l’établissement, les autres poissons arrivaient vivants du Rhin, un boucher à la retraite venait faire les charcuteries et le gibier nous était amené tous les dimanches par les chasseurs. Suite à cette première expérience très formatrice, j’ai eu la chance de rejoindre Hubert Maetz, qui était une institution en Alsace. Il m’a véritablement initié à la cuisine gastronomique et a suscité en moi l’envie de partir pour découvrir autre chose. Je suis allé ensuite chez Roger Vergé à Monaco, chez Joël Robuchon et j’ai pu faire évoluer ma vision de la cuisine.

Vous êtes né en Alsace, avez travaillé à Cordeillan-Bages, aujourd’hui à Lafaurie-Peyraguey, le vin est un élément prépondérant dans votre cuisine, comment y avez-vous été initié ?

Hubert Maetz était aussi vigneron et c’est lors de mon passage au Rosenmeer que j’ai pu découvrir cet univers passionnant. Son père, Jacques Maetz, nous emmenait dans le chai à barriques et nous goûtions les vins. Il y avait aussi une cave chez mes parents, je garde notamment un grand souvenir d’une bouteille de Château Guiraud-1972. Sauternes, déjà… (rires). Par la suite, j’ai rencontré mon épouse qui est sommelière, avec qui nous avons toujours cultivé la volonté de découvrir de nouveaux vins, de nouveaux accords.

Vous inscrivez vos créations culinaires dans un cadre particulier, celui du Château Lafaurie-Peyraguey, disposant d’une importante renommée. Comment avez-vous appréhendé ce facteur-là, comment est-ce-que vous avez introduit le lieu et son vin à votre processus de création?

J’ai eu huit mois pour m’imprégner de ce lieu magique. Il a fallu superviser les travaux, le recrutement, les fournisseurs, réfléchir en profondeur au message que nous voulions transmettre. Il fallait respecter l’Histoire évidemment, ce qui était au cœur du projet du propriétaire Silvio Denz. Un historien a passé six mois sur la propriété pour retracer l’histoire de ce lieu. Pour ma part, j’ai également tissé d’importants liens d’amitié avec Yannick Laporte, chef de culture de la propriété – comme son père avant lui – et véritable mémoire des lieux. J’ai participé aux vendanges, aux dégustations d’assemblage. Au fil du temps, j’ai pu cerner la complexité des vins de Sauternes. Aujourd’hui je l’intègre dans ma cuisine à travers différents menus qui reprennent plusieurs thématiques de la vigne et du vin : les terroirs, le Ciron, les sarments, les pépins, les lies, les robes et arômes du vin, variant selon les millésimes.

On parle fréquemment des difficultés du Sauternais, avec cette seconde étoile Lalique dispose d’un rayonnement encore amplifié. Comment envisagez-vous le rôle que l’établissement peut jouer pour le territoire ?

Notre objectif est de mettre en valeur le Sud-Gironde et je suis persuadé que cette nouvelle étoile va pouvoir y contribuer. Inévitablement nous allons bénéficier d’un rayonnement plus important, qui va pouvoir profiter à d’autres, notamment dans le secteur de la gastronomie. Ces dernières années, on été vraiment bénéfiques :  les propriétés se sont ouvertes ce qui était moins le cas par le passé. Mon rêve est que nous puissions accueillir autant de visiteurs que Saint-Émilion peut en avoir en plein été. Cela représente encore quelques années de travail… (rires) Mais je suis confiant! Il y a une véritable dynamique positive au sein de l’appellation !

Cette nouvelle étoile est une réussite de plus à votre palmarès, comment envisagez- vous la suite? Avez vous fixé une prochaine étape ?

Lorsque Silvio Denz m’a proposé de travailler à Lafaurie-Peyraguey en me donnant carte blanche, c’était une grande preuve de confiance. Au bout de trois ans et demi, ce sont les fruits de cette conviction qui se réalisent. L’objectif est donc également de rester digne de cette confiance.

Même si nous avons bien fêté cette étoile, je reste un éternel insatisfait. A titre personnel, mon prochain objectif est le concours des Meilleurs Ouvriers de France, le mois prochain. De manière plus générale, la prochaine étape, n’en est pas vraiment une puisqu’il s’agit de continuer à faire ce que l’on sait faire, à évoluer, à se faire plaisir et à faire plaisir à nos clients. Nous allons continuer notre marche, et nous verrons bien où notre chemin nous mène.

Pour finir, est-ce-que l’on peut savoir quelles sont les bouteilles que l’on ouvre lorsque l’on obtient une seconde étoile ?

Du Sauternes (rires).

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«Transmission douce» au domaine de la Romanée-Conti

Aubert de Villaine transmet la cogérance de ce domaine emblématique de la Côte de Nuits à son neveu Bertrand.

La nouvelle génération est désormais aux manettes de la Romanée-Conti. Aubert de Villaine, 83 ans, a transmis en décembre la cogérance de la propriété à son neveu Bertrand de Villaine, qui était jusqu’ici directeur administratif. Ce dernier travaille, et se forme, depuis 14 ans au domaine. Il rejoint Perrine Fenal, cogérante pour l’autre famille propriétaire. Elle occupe cette fonction depuis 2018, et le décès d’Henri-Frédéric Roch.

« Il y a toujours eu un échange entre générations »

Ce passage de témoin «n’est qu’une formalité, une transmission douce», insiste Aubert de Villaine, qui reste pour sa part au conseil de surveillance du domaine, surnommé conseil des sages. « Cette transmission n’implique aucun changement concret : ni dans les équipes, ni dans les pratiques, ni dans la philosophie. J’ai une expérience commune du domaine déjà très longue avec ces deux cogérants. Il y a toujours eu un échange entre les générations. Cet échange va se poursuivre à travers ma fonction de membre du conseil des sages. » Et de rappeler que « c’est une succession de fonction uniquement, on ne parle pas ici de transmission de parts de la société. » De ce côté-là, le domaine a anticipé, comme cela est recommandé à tous les vignerons propriétaires de parcelles prestigieuses. «Nous avons déjà eu la possibilité d’organiser la transmission matérielle à cette génération.»

Quant aux équipes, la partie viticole est toujours menée par Nicolas Jacob et Didier Dubois, tandis qu’Alexandre Bernier reste responsable de la cave.

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[Escapade Beaumes-de-Venise] La Tourade, fan des années 1970

Au pied des Dentelles de Montmirail, Beaumes-de-Venise offre deux versions. Un vin doux naturel historique et un rouge qui ne cesse de grimper. Les deux s’épanouissent dans un cadre de toute beauté grâce à des producteurs passionnés qui nous ont ouvert leurs portes.

Une Escapade à retrouver en intégralité dans Terre de vins N°75 ou sur notre kiosque digital.

Épisode 1 : Domaine de la Tourade

Fan des années 1970
Une visite-dégustation en combi Volkswagen, ça vous tente ? Garez-vous au domaine de la Tourade, entrez dans le caveau décoré dans le plus pur esprit de la marque allemande et demandez à Frédéric Haut de vous conduire vers les Dentelles. À bord de ses deux vans mythiques, le vigneron, fan des années 1970, propose de vous faire découvrir son vignoble durant deux heures, dégustation comprise. D’avril à mai, la journée et le matin ou en fin d’après-midi en été, pour 6 personnes (25 €/personne), le plaisir est garanti. Plus romantique, la version « Red Sunset » (60 €/personne) vous offre en supplément le pique-nique et la musique des seventies au coucher du soleil. À la carte postale des deux formules et à l’immersion dans ces terroirs à la géologie complexe s’ajoute le plaisir de découvrir toute la gamme de Frédéric Haut (les VW sont aussi sur les étiquettes !). L’ancien programmateur de machines-outils, qui a épousé le métier et Virginie, la fille du vigneron, est aussi musicien. Chaque été à la mi-juillet, il organise un grand rassemblement de combis, avec food-truck. Une soirée où il reprend les grands standards avec son groupe, The Frogges in Throat. Amoureux des coccinelles, il les a mises dans son vignoble, désormais certifié bio. Son VDN muscat, cuvée Mathis millésime 2019 (15 €), vous transporte dans la complexité aromatique. Des fruits jaunes, teintés de notes miellées, une touche de violette annoncent sa texture. Celle-ci associe un joli gras, parsemé d’essences exotiques, soutenue par la tension et se concluant par des effluves de réglisse. En entrée avec un melon et jambon sec ou simplement avec du roquefort. Peace and love !

84190 Gigondas
04 90 70 91 09 – Site internet

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Loire : le vignoble est mieux protégé contre le gel

Depuis le dernier jour de mars, le froid s’est abattu sur la Vallée de la Loire. Les températures négatives ont fait des dégâts, mais de façon irrégulière car les vignobles sont mieux préparés. Pour mesurer les pertes, il faudra attendre quelques jours.  

A Vouvray, Benoit Gautier, quelques heures après la nuit froide de dimanche à lundi, se veut optimiste : «Ce n’est pas une semaine entière de froid mais trois jours d’alerte, la température doit remonter dès cet après-midi ». Pour l’instant, on ne peut rien dire, il faut attendre pour constater les dégâts éventuels. Il s’inquiète toutefois du soleil qui brille car « le soleil après le froid risque de faire griller les bourgeons ». A Vouvray, il y a peu de moyens de lutte contre le gel, seules 5 éoliennes sont installées sur un seul secteur. Fixes, elles fonctionnent au gaz ou au fioul, ce qui est dans les deux cas cher. Il n’y a pas de système d’aspersion impossible sur les coteaux, car l’eau n’est pas disponible. Quant aux bougies, elles sont peu utilisées, car il en faut trois à quatre cents à l’hectare, à 11 euros pièce.

Pas une répétition de 2021 à Vouvray

« Ce n’est pas du tout une répétition de 2021, ce ne sont pas les mêmes zones. Surtout, il n’y a pas eu de pic de chaleur comme l’an dernier où on est monté à plus de 24 degrés dès février ». Certes il y a eu de la douceur, mais les sommes de températures nécessaires au débourrement ne sont pas arrivées aussi vite. Il précise que « ce qui nous a sauvé aussi, je pense, c’est qu’il n’y a pas eu de vent et surtout pas de pluie ou de neige après vendredi ». L’humidité ajoutée au froid est le pire danger.

Touraine en attente

Chez J. de Villebois, en appellation Touraine, on est inquiet car le sauvignon concerne les trois quarts du domaine. « On était prévenu, on a eu la neige prévue le vendredi, qui n’a pas tenu et dès le samedi il a gelé entre moins 1 et moins 2, mais on est arrivés à moins 3,5 » explique Patrice Merceron, œnologue et directeur d’exploitation. Le stade des vignes est très hétérogène à cette période selon les emplacements et les cépages. Les sauvignons étaient dans le coton, avec des débuts de pointes vertes, donc pas trop sensibles. Mais les cépages précoces, chardonnay, orbois et chenin débourrent tôt et sur certaines zones, ils étaient au stade bourgeon éclaté : « On commençait à voir les feuilles, dont on a arrêté de plier les baguettes, pour que les bourgeons soient plus en hauteur et donc moins sensibles au gel éventuel » précise-t-il. Sur le domaine il y a une éolienne alimentée en gaz qui n’a pas été mise en service, car la végétation ne semblait pas assez avancée pour être en danger. On garde des munitions car « jusqu’aux saints de glace en mai, le risque persiste ». Patrice Merceron se rappelle que l’an dernier, c’était le mardi après Pâques, plusieurs jours de suite.

Feux, tours antigel et aspersion

A Chambord, le domaine national a récupéré les sapins de Noel du château pour les faire brûler à des points stratégiques. Aidés par deux tours antigel, ces bûchers doivent faire gagner les quelques degrés nécessaires. A Saint Nicolas de Bourgueil qui a payé un lourd tribut au gel par le passé, on est devenu plus serein. « Pour tout ce qui est protégé par les tours ou l’aspersion, il semble qu’il n’y ait pas de dégâts à la suite du gel de cette nuit » déclare la directrice du syndicat Alexandra Genneteau, de retour d’une inspection avec les vignerons à la mi-journée. Sur le plateau, il y a 320 tours à vent, dont 50 tours fixes installées depuis 2000. Les dernières 36 ont été ajoutées en 2020. Elle explique que tous les vignerons se sont progressivement adaptés au climat, beaucoup ont attendu début mars pour tailler les coins les plus gélifs, afin de retarder le départ de végétation. « Dans les coins les plus protégés il peut y avoir 3 ou 4 feuilles. Cela peut prendre plusieurs jours avant qu’on sache ce qui est perdu ou pas » précise-t-elle. Avec 320 hectares protégés par les tours à vent et 120 par aspersion, on estime, en tenant compte des zones non gélives, que 70% des 1 200 hectares de Saint-Nicolas échappent au froid.

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[Présidentielle] Quel projet pour le vin avec Anne Hidalgo – Parti Socialiste (PS)

À J-6 du premier tour de l’élection présidentielle, le débat politique se focalise sur les traditionnels sujets économiques et sociaux, parmi lesquels, l’emploi, l’environnement et la santé. Au confluent de ces trois enjeux, la viticulture peine à émerger dans les débats, alors même qu’en 2019, les vins et spiritueux français étaient les deuxièmes contributeurs à la balance commerciale de la France, derrière l’aéronautique. C’est pourquoi « Terre de vins » a souhaité interroger les principaux candidats à la présidentielle *, en leur soumettant les deux mêmes questions.

Si vous ne deviez retenir qu’une seule mesure forte pour accompagner les filières vins et spiritueux françaises face aux enjeux économiques, sociaux ou environnementaux, quelle serait-elle ?

À mes yeux, le système d’autorisation de plantation, qui limite au niveau européen la croissance du vignoble à 1 % par an, est la pierre angulaire du secteur viticole. Et je relève que, grâce en particulier aux efforts d’Éric Andrieu, député européen socialiste et rapporteur principal sur ce dossier, le Parlement européen a obtenu le maintien de cette régulation jusqu’en 2045 alors même qu’elle devait prendre fin en 2030. Les autorisations de plantation sont à la base de l’ensemble de l’édifice de régulations qui permet, sur chaque territoire viticole, de maîtriser la production afin d’éviter les crises de surproduction et d’avoir un partage de la valeur équitable entre les différents acteurs. Malheureusement, les outils similaires dans d’autres filières comme les quotas laitiers ont disparu et on ne peut que constater les conséquences négatives pour notre agriculture.

À titre personnel, quel est votre rapport au vin et aux spiritueux ? Avez-vous un souvenir particulier lié à une dégustation ? Une cuvée ou une appellation qui vous est chère ?

J’ai un souvenir très particulier d’une visite des Hospices de Beaune quand j’étais en CM2 : depuis, je suis très attachée aux vins de Bourgogne. J’aime le vin rouge léger, le vin de Loire et parfois certains vins plus puissants, à l’image du Cahors. À cela, j’ajouterai le côtes-du-rhône, en souvenir de Lyon et de mon père. Enfin, lors d’un déplacement professionnel, j’ai été marqué par une dégustation dans les caves Ruinart.


Éric Zemmour, Marine Le Pen et Christiane Taubira n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Nous avons choisi d’inclure Emmanuel Macron, candidat non déclaré mais largement pressenti à l’heure où Terre de Vins à réalisé ce dossier. Il est à retrouver en totalité dans le n°77 disponible actuellement en kiosque ou sur notre kiosque digital.

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