[Entretien] Preston Mohr, nouveau directeur général de Wine Scholar Guild 

Taxés d’arrogants à l’étranger mais très critiques sur eux-mêmes, les Français n’ont pas de meilleurs ambassadeurs que les étrangers convertis à leur cause. Preston Mohr, natif du Minnesota, nouveau directeur général de Wine Scholar Guild en est persuadé : le vin ne se résume pas à la dégustation, il s’accompagne d’un art de vivre et d’une histoire qu’il faut enseigner. Entretien. 

Qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous a mené en France ? Comment le vin est devenu une passion ? 
Je suis arrivé pour la première fois en France en 2003 dans le cadre d’un échange universitaire. L’art de vivre m’a marqué. Déterminé à revenir, j’ai obtenu un nouveau visa en 2005 en tant qu’enseignant en langue vivante. Très vite, en parallèle, j’ai travaillé pour une entreprise de locations saisonnières. Outre le quotidien qui consistait à gérer les arrivées et les départs, j’ai rencontré des milliers d’étrangers, américains, canadiens, australiens qui cherchaient à en savoir plus sur la gastronomie et le vin français. Cette expérience m’a inspiré la création de Paris by the Glass en 2009. Il s’agissait d’organiser des tours de vignobles et des visites de boulangeries, de fromageries etc. afin de faire découvrir la cuisine et le vin français aux touristes étrangers. C’est ce qui m’a amené à m’intéresser davantage au vin. J’ai d’abord passé le WSET jusqu’au niveau quatre en 2011 puis, j’ai fait un master aux Etats-Unis spécialisé en hôtellerie et tourisme. Je n’y suis resté que deux ans. Entre-temps, j’avais acquis la nationalité française et comme la France me manquait, je suis revenu en 2019. En 2021, Julien Camus m’a proposé le poste de directeur marketing de WSG. Très intéressé par la mission d’enseignement, j’ai accepté. Depuis janvier 2024, je suis devenu directeur général.  

Qu’est-ce qui distingue la formation dispensée par Wine Scholar Guild ? 
L’entreprise existe depuis 2005, créée dans un contexte de sentiment anti-français aux Etats-Unis (la France avait refusé de soutenir les Etats-Unis en Irak), elle s’appelait à l’origine French Wine Society avant de s’ouvrir à d’autres vignobles européens et de devenir la Wine Scholar Guild. 

Nos programmes, en particulier les « essentials », contrairement à d’autres formations, ne s’intéressent pas qu’au vin. Derrière chaque vin, il y a des vignerons, une histoire et une culture. C’est en familiarisant nos étudiants avec cet environnement qu’ils savent ensuite décrypter les étiquettes. Cette culture européenne nous la véhiculons également en mettant l’accent sur les accords met-vin.  

Ensuite, nos diplômés peuvent s’appuyer sur notre réseau grâce à un support digital. Les discussions sont animées par nos responsables de programmes qui peuvent, le cas échéant, apporter des mises à jour et surtout promouvoir les échanges entre les étudiants. 

©Wine Scholar Guild

Quels sont vos projets pour WSG ? 
Nous préparons actuellement deux nouveaux projets pour 2025. Nous élargirons notre offre avec le cursus German Wine Scholar qui s’ajoutera donc aux formations sur les vins français, espagnols et italiens. Et nous avons un projet de diplôme de dégustation afin de reprendre les bases de la dégustation géo-sensorielle.

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Cépages endémiques de Fronton et de Gaillac : assemblage ou pas ?

Aujourd’hui on peut affirmer que la plupart des AOP ou IGP du Sud-Ouest assoient leur singularité sur un patrimoine ampélographique largement réapproprié et fer de lance de leur communication. Fronton et Gaillac, toutes les deux détentrices de cépages endémiques, questionnent les voies à emprunter pour dessiner un vin identitaire et repérable, entre assemblage ou production valorisant le mono-cépage.

Fronton, hors négrette point de salut ?
Le retour en grâce de la négrette, s’il ne date pas d’aujourd’hui, montre indéniablement un intérêt croissant auprès de la quarantaine de domaines indépendants du frontonnais pour ce cépage distinctif et puissamment différenciateur. D’autant qu’il semble acquis que ce cépage autochtone pourpre et particulièrement aromatique coche aujourd’hui un certain nombre de cases pour cavistes, bistrotiers et restaurateurs en mal de vins gourmands de lieu ou comme le dit Jérôme Gagnez, de canons de comptoir très bien fait et tout à fait originaux. La prise en compte de l’importance de ce patrimoine ampélographique a d’ailleurs occasionné chez certaines vigneronnes et certains vignerons de Fronton l’impérieuse nécessité de créer, à l’initiative de Frédéric Ribes, le Collectif Négrette en 2019 (2). Il regroupe une dizaine de vignerons qui se sont réunis pour mettre en avant le cépage identitaire de l’AOP après avoir identifié avec l’IFV les terroirs les plus intéressants. On imagine qu’il encourage les bonnes pratiques pour révéler la grandeur et la singularité de ce cépage qu’il soit élevé en barrique, en cuve ou en amphore. La dégustation réunissait des vins issus de négrette et des vins d’assemblage issus de négrette et, selon, de cabernet franc, cabernet sauvignon, gamay ou syrah. Si, une certaine impatience, habitait les dégustateurs, réunis dans la grande salle en sous-sol de la Maison des Vins de Fronton, à l’idée de retrouver la négrette, on a pu souligner la qualité globale des 52 vins dégustés (1), dont quelques Vins de France et une poignée d’intéressants blancs de Bouysselet, aspirant sérieux à la qualification d’AOP Fronton blanc. Il en est ressorti que l’association du grand cépage local avec la syrah ou encore le cabernet sauvignon s’avéra souvent judicieuse et très équilibrante. Loin de tirer un enseignement définitif, force est de constater que le caractère (bien) trempé de la négrette convenait aux dits cépages et que les traits distinctifs du local de l’étape était même souvent réhaussés par les cépages complémentaires. On pourra cependant parier sur le fait qu’un apport plus mesuré du bois permettra l’émergence de grandes cuvées issu de la belle et seule négrette. 

Coups de cœur Terre de vins

Château Bouissel – Le Bouissel Fronton 2019

Château Boujac – Kelina Fronton 2022

Lionel Osmin – Bouysselet 2020

(*) La moyenne des prix des bouteilles s’établissait autour de 13 euros TTC, avec des prix compris entre 6 et 23,5€.

Gaillac à la quête des vins de lieux
La dégustation sise dans la belle bâtisse rose et bruissante d’un Tarn tout proche aura révélé la voie royale que constitue pour les dynamiques AOP Gaillac et IGP Côtes du Tarn la réappropriation du patrimoine ampélographique du gaillacois. Une palette aussi large que passionnante tant cette « bibliothèque » offre de lectures possibles des différents terroirs pour les 300 exploitations ou domaines. Vous retrouverez chez de nombreux vignerons, souvent également présents dans l’association Terres de Gaillac (2), un engagement jubilatoire pour promouvoir en blanc le loin de l’œil, l’ondenc, le mauzac ou encore en rouge le braucol (ou fer servadou), le duras ou le prunelart. Les « universels » gamay ou merlot semblent désormais connaitre un certain désamour. Une mosaïque de singularités qui fait aujourd’hui tout l’intérêt de des AOP Gaillac ou Gaillac Premières Côtes et de l’IGP Côtes du Tarn présentent sur ce territoire de terrasses, de coteaux, de plateaux et de plaines d’une superficie de 6 800 hectares. La force d’une AOP réside bien entendu dans sa compréhension des terroirs pour leurs associer les bons cépages. A la suite de l’emblématique Robert Plageoles et aujourd’hui dans le sillage de Terres de Gaillac, les gaillacoises et les gaillacois travaillent à cette adéquation pour livrer des vins parfaitement identitaires. La vérité de la dégustation des 94 cuvées, dont 30% provenait de mono-cépage locaux, démontra l’étendue des possibles en blanc sec, en moelleux comme en rouge (*). Parmi les cuvées qui retenaient notre attention une large majorité provenait de mono-cépage avec un large plébiscite du braucol, souvent associé à la syrah et en blanc du loin de l’œil parfois associé au mauzac. Des vinifications, des extractions et des élevages adaptés ont largement rebattu les cartes de l’AOP permettant l’émergence de vins de lieu distinct, aux marqueurs ampélographiques parfaitement identifiables. On ne peut que ce réjouir de cette Histoire – plusieurs fois millénaires, dit-on – en train de se réécrire ! 

Coups de cœur Terre de vins

Domaine Labarthe – blanc sec AOP Gaillac Premières Côtes 2022

Domaine Rotier – Renaissance AOP Gaillac Moelleux 2019

Domaine Barreau – L’ancestral – AOP Gaillac rouge 2018

(*) Les prix des vins dégustés allaient de 6,50 à 23,50 (nous ne tiendrons pas compte du vin de voile à plus 50€) pour une moyenne située aux alentours de 13 euros.

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[Millésime BIO] Une master-class « Hybrides, résistants : les cépages de demain » animée par Alexis Zaouk

Ce mardi 30  janvier, le meilleur jeune caviste de France 2020 et caviste d’argent 2022 au Concours du meilleur caviste de France (La Cave d’Alex, Nanterre) animera de 11h30 à 12h30 (salle 2) cette master class thématique (traduite en anglais), entre apprentissage théorique et dégustation.

Comment as-tu eu l’idée d’animer cette master-class ? 
La Fédération des Cavistes Indépendants (FCI) dont je suis membre est partenaire depuis deux ans de Millésime BIO. Dans le cadre de ce partenariat, le salon nous propose à chaque édition des thèmes de conférences et master-class à animer. Je ne connaissais pas du tout cette thématique, c’est pour ça que je l’ai choisie !

Comment as-tu abordé la préparation de cette master-class ?
J’ai tout découvert. J’ai commencé mes recherches sur ces cépages nés de la fécondation de deux cépages, un très résistant aux maladies et aléas, l’autre plus fragile mais choisi pour ses aptitudes organoleptiques. Je suis allé rencontrer des vignerons qui cultivent ces cépages et j’ai dégusté leurs vins.  

Comment se déroulera cette master-class ? 
Elle débutera avec un peu de théorie, pour expliquer ce que sont ces cépages, pourquoi et où on les retrouve en France. Ensuite, place à la dégustation de cinq vins : un rivairenc blanc du domaine Ampelhus, un floréal blanc du domaine Sequentis, un rosé issu d’artaban et de muscaris du domaine de La Clausade, et enfin deux rouges, un du domaine du Fief noir issu de cépage grolleau et un issu de piquepoul noir du domaine Ampélhus. A travers cette heure, mon but n’est pas de  convaincre les gens, mais de faire découvrir cette thématique en transmettant ce que j’ai appris, et peut-être de donner envie aux gens d’ensuite approfondir ce sujet.

Prolongeras-tu ensuite cette thématique auprès de tes clients à la Cave d’Alex ?
Oui, je me suis ouvert à ce nouveau monde et j’ai référencé certains de ces vins, comme ceux du domaine Sequentis. Dans la continuité, j’organise une soirée dégustation à thème sur ce sujet le jeudi 8 février de 19h à 21h pour le faire découvrir à ma clientèle, autour de la dégustation de cinq vins et d’un cocktail dînatoire avec des tapas (sur inscription sur www.lacavedalex.fr, 45€).

Inscriptions à la master class en suivant ce lien

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Un voyage au cœur de Pomerol, terre de grands vins

Le lundi 12 février 2024, de 18h à 21h, une trentaine de propriétés de l’appellation bordelaise Pomerol vous donnent rendez-vous à l’InterContinental Paris – Le Grand (Paris 9ème), pour la septième édition de cet événement devenu incontournable. Pourquoi vous ne pouvez pas le manquer ? Explications. N’attendez plus pour réserver votre place ici ! 

Pour aller à la rencontre d’une prestigieuse pépite 
Voisine de Saint-Emilion, sur la rive droite bordelaise, Pomerol est l’une des plus petites appellations bordelaises, avec ses quelque 800 hectares. Plantées sur un plateau descendant en terrasses successives vers la vallée de l’Isle, au confluent de la Dordogne, les vignes jouissent de conditions idéales. Au cœur de la centaine de vignobles,  le plus souvent familiaux et de petite taille, elles sont cultivées par des vignerons passionnés à la façon d’un jardin, dans une philosophie d’artisanat haut-de-gamme. À la clé : des nectars rouges haute-couture, avec à chaque millésime seulement quelques milliers de caisses de vin à la vente. 

Pour découvrir des vins pour toutes les envies
Certes rares et précieux car produits en quantités très limitées, les vins de Pomerol n’oublient pas pour autant d’afficher un profil  gustatif accessible à tous, novices comme amateurs. Dominant les assemblages, l’emblématique cépage merlot (qui représente 80 % de l’encépagement de l’appellation, aux côtés des cabernets franc et sauvignon) est à l’origine de vins souples et fruités, veloutés à souhait. Jouant la carte de la gourmandise, ces nectars sont abordables dès leur prime jeunesse, tout en se doublant d’une remarquable finesse et d’une complexité portée par une belle structure, permettant d’encaver ces vins de nombreuses années. 

Savourer une soirée sous le signe de la convivialité
Sans les hommes derrière les bouteilles, la dégustation n’aurait pas la même dimension ! Désireux de faire découvrir leur terroir, leur savoir-faire et leurs vins, les propriétaires ou les représentants des propriétés seront présents en personne pour échanger avec les participants. Avec l’envie de démystifier une appellation encore parfois perçue comme inaccessible, et de répondre, dans une œuvre pédagogique, à toutes les interrogations qui surgiraient à l’esprit des amateurs présents. 

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La nouvelle ère de Château Dassault

Nouvelles installations techniques, surface foncière élargie, vignoble restructuré, vins plus précis : le grand cru classé saint-émilionnais de la famille Dassault se donne les moyens d’entrer résolument dans la cour des grands.

En 1955, le grand industriel Marcel Dassault se prend de passion pour une propriété de Saint-Émilion, le château Couperie. Il en fait l’acquisition et la rebaptise de son patronyme. Pour Marcel Dassault et sa famille, ce vignoble est d’emblée bien plus qu’un investissement ou une diversification : c’est un point d’ancrage, matérialisé par sa demeure Second Empire et son parc classé de 5 hectares. Au fil des générations (la troisième est actuellement aux commandes, incarnée notamment par Laurent Dassault pour ce qui relève des activités viticoles du groupe sous la bannière Dassault Wine Estates), cet attachement et cette implication ne se sont jamais démentis. Ils ont d’abord été salués par une entrée au classement des crus de Saint-Émilion, dès 1969. Puis plus récemment, par une série de décisions fortes qui témoignent de la volonté familiale de positionner ce domaine encore plus sur le devant de la scène.

Un vignoble patiemment agrandi, une palette de terroirs enrichie
Le premier signal fort est l’agrandissement de l’assiette foncière de la famille Dassault à Saint-Émilion. Celle-ci, longtemps restée concentrée sur les 24 hectares initiaux de Château Dassault, s’est étendue en 2002 au château La Fleur (6,5 hectares en Saint-Émilion Grand Cru), puis en 2013 à un autre cru classé voisin, le château Faurie de Souchard (12,5 hectares) et enfin en 2016 au château Trimoulet (15 hectares qui viennent s’intégrer dans La Fleur). « Au cours des dix dernières années seulement, la superficie de la famille a doublé », souligne le directeur général Romain Depons, qui forme avec la directrice commerciale Valérie Befve le tandem opérationnel de Dassault Wine Estates. « Cela nous donne un ensemble très cohérent avec d’un côté, les 22 hectares de Château La Fleur en Saint-Émilion Grand Cru, et de l’autre, les désormais 39 hectares de Château Dassault en Grand Cru Classé ». En effet, à la faveur du dossier de classement 2022, les vignes de Faurie de Souchard ont été intégrées dans le parcellaire de Dassault, ce qui a permis de gagner à la fois en volume de production et en diversité de terroirs.

Cet agrandissement, qui était envisagé dès l’acquisition de Faurie de Souchard, constitue l’un des axes de la stratégie développement de Dassault Wine Estates. La restructuration d’une partie du vignoble, entamée en 2015 et destinée notamment à augmenter les proportions de cabernet franc et cabernet sauvignon (respectivement à hauteur de 30% et 10% d’ici 4 ou 5 ans, le solde bien sûr en merlot), est un autre axe majeur, en concordance avec les effets du changement climatique mais aussi une exploration plus fine des sols de Dassault – répartis entre la matrice sablo-argileuse « historique » du domaine et les facettes argilo-limoneuses, voire calcaires de Faurie de Souchard.

Un nouveau cuvier, fruit de quatre ans de réflexion et de travaux
« Pour accompagner cet effort consenti au vignoble, nous devions nous doter d’un outil technique plus performant pour la vinification et l’élevage de nos vins », avance Romain Depons. Ainsi, en 2018, a été lancé un appel d’offres pour l’édification d’un nouveau cuvier, à l’issue duquel a été choisi le cabinet bordelais A3A (Guy Troprès et Caroline Marly). « La famille Dassault souhaitait un bâtiment d’abord tourné vers l’efficacité et l’amélioration de la qualité des vins, offrant un grand confort de travail à nos équipes et incluant une dimension environnementale, économe en énergie et en impact carbone, mais sobre sur le plan architectural », précise Romain Depons. Le projet, quelque peu retardé par la pandémie de Covid-19, connaissait son premier coup de pioche en janvier 2021, pour une livraison à la veille des vendanges 2022.

Se déployant sur trois niveaux et 3500 m2, ce nouveau chai, lumineux, spacieux, affiche toutes les caractéristiques techniques attendues aujourd’hui dans un Grand Cru Classé. Plus de 40 cuves inox gravitaires et thermorégulées, d’une contenance allant de 61 à 71 hl, sont dédiées à la vinification, dans un écrin de béton et d’acier qui confine à l’épure (mais où se nichent quelques détails élégants, comme le grand pilier cylindrique abritant l’ascenseur et les poutres métalliques dont profilage pourrait presque être un clin d’œil à l’aviation). Sous nos pieds, à 7 mètres de profondeur, éclairé d’un puits de lumière, le chai d’élevage présente une capacité au sol de 700 barriques – on y trouve aussi 4 amphores, 3 foudres de 20 hl, des barriques de 500 litres, témoignant de l’évolution des choix de contenants pour « composer » l’élevage des vins, auxquels s’ajoutent deux grandes cuves béton figurant au rez-de-chaussée. Enfin, au niveau supérieur, une vaste salle de dégustation offrant un panorama circulaire sur le vignoble et sur une sculpture originale de Bernar Venet, pouvant faire office de salle de réception avec double terrasse, complète ces installations de haut vol.

Les astres semblent donc alignés pour accompagner la progression de Château Dassault, qui a déjà le classement 2032 en ligne de mire – pour y maintenir son rang et aussi pour y emmener avec lui le château La Fleur, qui va bénéficier de son agrandissement mais aussi des anciennes installations de Dassault. L’équipe dirigeante a, pour continuer sur cette belle dynamique, changé aussi d’œnologue-consultant depuis le millésime 2023, sollicitant Thomas Duclos du laboratoire ŒnoTeam. Avec une telle accélération, on devrait rapidement franchir le mur du son.

La dégustation – double verticale 2018-2021
Intéressante évolution de Château La Fleur sur ces quatre millésimes : si le 2018 présente un profil assez concentré, où le merlot ultra majoritaire (92%) décline des arômes de prune et de pruneau ainsi qu’un boisé encore marqué, le 2019 séduit par son parfum plus floral, son équilibre entre finesse et jutosité. Une jolie bouteille qui se présente très bien actuellement. Le 2020 à ce stade semble plus fermé mais prometteur, arborant une concentration maîtrisée, une belle ossature qui devrait lui garantir un bon potentiel de garde. Le 2021, en retrait par rapport au trio précédent, se signale par son fruit à noyau croquant, son jus digeste et souple. Il sera rapidement prêt à boire. Notre recommandation d’achat : Château La Fleur 2019, Saint-Émilion Grand Cru, env. 30-35 €.

Château Dassault affiche un « effet millésime » assez similaire à La Fleur, tout en plaçant les curseus un peu plus haut. Le 2018 présente un fruit noir dense, confiture de mûre, figue séchée, touche d’herbes médicinales et de chocolat noir. La bouche est droite, articulée sur des tannins fermes, conclue par des notes de torréfaction. Le 2019 arbore un nez pulpeux, gourmand, un joli crémeux teinté de notes racinaires. La bouche est sapide, juteuse, escortée d’un joli grain de tannins et portée par une jolie acidité. On franchir un palier avec le 2020, à la palette aromatique riche (fruit noir dense aux accents orientaux, encens, datte, liqueur de café…) La bouche est en équilibre entre une chair musculeuse, des tannins vifs et une belle énergie qui étire le vin et lui confère une bonne persistance. Sans surprise,le 2021, à la forte proportion de cabernet(s), se révèle plus élancé, campé sur d’agréables notes de baies sauvages et des tannins mordants. Notre recommandation d’achat : Château Dassault 2020, Saint-Émilion Grand Cru Classé, env. 45-50 €.

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[Cuisine et vin] Filet de chevreuil rôti, déclinaison de chou rouge

Trophée 2022 du Tour des Cartes Occitanie en catégorie restaurant gastronomique, prix 2020 du Tour des Cartes national pour son offre de spiritueux, le restaurant SKAB repose sur un parfait équilibre : le chef propriétaire Damien Sanchez, son épouse Séverine en salle, et le sommelier Stéphane StoetzePour « Terre de vins », ils proposent trois recettes avec accords mets-vins à retrouver dans le numéro 92 actuellement en kiosques.

[Pour 6 personnes] 

6 noix de chevreuil (100 g environ), 30 g de beurre, ail, thym, sel, poivre.

2 choux rouges, 10 g de maïzena, 50 g de miel, 50 g d’huile d’olive, huile de sésame, sésame torréfié, vinaigre de Xérès, sauce grand veneur (réalisée avec un bouillon de chevreuil).

Déclinaison de chou rouge :

Palet : purée de chou rouge avec maïzena, congelée en palet, enrobé de gelée de jus de chou rouge. 

Pressé : tailler une tranche épaisse (3 cm) en plein cœur d’un chou rouge. Assaisonner avec miel, huile d’olive, sel et poivre, rôtir au four 30 minutes à 180°C. Refroidir et tailler en cubes de 2 cm. 

Salade : feuilles de chou en julienne, blanchir, refroidir et assaisonner avec huile, graines de sésame, miel et vinaigre.

Saler et poivrer le chevreuil. Saisir dans un sautoir. Une fois coloré, ajouter l’ail, thym et beurre. Arroser sur toutes les faces environ 3 minutes pour cuisson « rosé » (48°C à cœur) et laisser reposer quelques minutes.

Dresser chaque assiette avec une noix de chevreuil, une raviole de chevreuil-chou rouge, un palet, un cube de pressé, la salade sur une pâte à barbajuan frite et de la sauce grand veneur.

Accords de terroir
Le chevreuil à la chair délicate, sa noisette simplement rosée, nappée de sauce iconique du gibier s’accompagne d’un chou dans tous ses états : le plat appelle des rouges régionaux. En AOP Costières de Nîmes, Sainte Cécile 2020 du château l’Ermite d’Auzan. Ce domaine gardois familial, en biodynamie, livre ce rouge élégant, s’ouvrant sur les fruits rouges compotés, déployant ses tanins fondus en souplesse. Dans l’Hérault, en AOP Languedoc-Pézenas, La Réserve 2020 du domaine La Grange, un vin d’hiver, concentré, tout en fruits mûrs, épices, réglisse, est taillé pour la viande rouge ; grenache et mourvèdre, 14,5°, un Sudiste assumé ! Deux vins à sortir pour le repas le dimanche.

SKAB
30000 Nîmes 
04 66 21 94 30
restaurant-skab.fr

©Aurélio Rodriguez pour « Terre de vins »

©Aurélio Rodriguez pour « Terre de vins »


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Dans les coulisses des dîners de gala de la Saint-Vincent 2024

L’événement est historique : rassembler les villages voisins et amis de Chambolle-Musigny et Morey-Saint-Denis pour cette fête viticole emblématique et tellement fédératrice n’a rien d’anodin. Rappelons-nous que la toute première Saint-Vincent en 1938 a eu lieu à Chambolle-Musigny et que cela faisait 51 ans que Morey-Saint-Denis n’avait pas accueilli ce rendez-vous.

Le feu vert pour organiser conjointement l’événement a été donné par les deux ODG (Organismes de gestion des appellations) dès 2017. Le comité d’organisation de la Saint-Vincent a alors mis en place diverses commissions dont celle consacrée au sponsoring et aux soirées de gala dirigée par Franck Noirot, entrepreneur féru d’événementiel qui a mis son savoir-faire au service de la Saint-Vincent Tournante millésime 2024. Celui-ci raconte : « L’enjeu fut alors de trouver le lieu idoine pour les prestigieuses soirées qui contribuent au panache du week-end. Jacques Devauges, régisseur du Clos des Lambrays a alors aimablement accepté de nous ouvrir les portes de sa somptueuse cuverie rénovée au cœur de Morey. Un peu étroite pour le nombre d’invités prévu, ce sont deux soirées qui sont donc envisagées et orchestrées par un chef de chaque village : Didier Petitcolas du Castel de Très Girard (Morey) et Matthieu Mazoyer du Millésime  (Chambolle). »
Pour accompagner les plats des deux chefs, un bouquet de grands crus (l’intégralité des appellations Grands Crus des deux villages) à l’image des milliers de fleurs qui ornent les villages. L’art de l’assemblage est alors à l’œuvre pour rassembler vignerons, invités prestigieux et autres partenaires. La décoration des lieux est facilitée par le talent d’Estelle Meunier, artiste végétaliste de Gevrey-Chambertin et par les fûts prêtés par la tonnellerie Rousseau. Le mariage des arts et du vin sera consommé lors de ces diners de gala où la musique imprégnera les lieux au gré du jazz et des fanfares. Notons la présence d’Eric Carrière (ancien footballer caviste), de Michaël Llodra (champion de tennis également caviste), d’Enrico Bernardot (meilleur sommelier du monde 2024) qui animera la vente aux enchères (au profit des Restos du cœur) ou de Cédric Klapisch. Paul Day, sculpteur de renommée internationale et installé en Côte d’Or (dont certaines œuvres seront offertes à l’admiration des visiteurs) sera aussi de la fête. La cour du Clos des Lambrays est honorée de la présence de La femme assise. « Rien n’aurait été possible sans nos différents partenaires » explique Franck Noirot ; rien n’aurait été possible non plus sans l’efficacité de sa démarche commerciale. Parmi eux, citons quelques domaines : Jean-Marc Brocard (Chablis), Virginie Taupenot, Boillot, Bouvier, Dujac, Charlopin, Tremblay, Mugnier.et Comte Georges de Vogüé. Ce dernier possède 75% de l’emblématique Musigny grand cru qui est « la quintessence des grands vins de Bourgogne, un patriarche bâti pour la garde qui allie structure tannique profonde et grande délicatesse », nous confie Jean Lupatelli, vinificateur du domaine qui a offert nombre de bouteilles pour ces deux soirées. Gageons que le magnifique menu que nous vous livrons ici, agrémenté de vins si fins saura combler les participants de ces fastueux repas. La générosité du groupe LVMH, propriétaire des lieux, sera appréciée des amateurs qui dégusteront un champagne exceptionnel : la Cuvée Impériale Création No. 1 de Moët & Chandon.

Que la fête commence !

Franck Noirot ©F. Bouyé

©F. Bouyé

©F. Bouyé

Bénévole mobilisé pour décorer le Domaine Comte de Vogüé ©F. Bouyé

Domaine Comte de Vogüé ©F. Bouyé

©F. Bouyé


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Léoville Barton et Langoa Barton : une évolution sans renier les racines

Les Châteaux Léoville Barton et Langoa Barton se parent de nouveaux cuviers et chais. En cela, un nouveau chapitre s’écrit en ce lieu de Saint-Julien pour ces deux Grands Crus Classés 1855. Lilian Barton nous en dit davantage.  

C’est une nouvelle page pour les domaines de la famille Barton, comment est né ce projet ?
C’est un projet qui a longuement mûri en famille, avec mes enfants Mélanie et Damien, car nous ne voulions pas faire des travaux parce que c’était la « mode ». Nous avions à cœur de faire des changements pour faire évoluer la propriété dans son temps, tant au niveau technique que confort de travail, car cela fait maintenant 203 ans que mes aïeuls irlandais se sont installé ici. Nous avons beaucoup échangé pendant plusieurs mois, puis nous avons lancé un concours d’architecte auprès de trois professionnels : un qui avait réalisé des travaux dans un château du Médoc dont le résultat nous plaisait beaucoup, un Irlandais bien sûr, et un architecte basé à Bordeaux qui avait déjà rénové l’intérieur du Château Mauvesin Barton acheté en 2011 à Moulis. Lors de la journée de présentation des trois projets, celui de Touton Architectes à Bordeaux, a été comme une évidence, ils avaient compris notre volonté d’évolutions sans renier nos racines et l’héritage architectural laissé par les anciennes générations. Le résultat de plus de trois ans de travaux est très réussi selon nous car quand les visiteurs arrivent dans la cour, ils nous disent tous « mais rien n’a changé depuis les travaux ! » et quand ils entrent dans le nouveau cuvier gravitaire et les nouveaux chais, ils sont sous le charme de l’authenticité que nous avons réussi à conserver.

J’aimerais préciser une chose, nous avons réalisé des travaux techniques et de nouveaux bureaux mais l’important reste le terroir qui lui, reste immuable, et produit de grands raisins qui font ensuite les grands vins. Nous avons aussi une seconde phase de travaux, qui débutera dans deux ou trois ans, plus axée sur l’accueil des visiteurs, l’œnotourisme et d’autres sujets pour lesquels nous avons encore plein d’idées !

Quelles furent les contraintes, les budgets et la livraison a-t-elle tenu ses promesses ? 
Il y a eu plusieurs niveaux de contraintes pour arriver à la bonne réalisation de ce projet. Technique tout d’abord, en raison du cuvier qui devait être entièrement détruit et reconstruit de l’autre côté de la cour. Donc dès que les vendanges 2020 ont été terminées, nous avons écoulé le vin en barriques et il a été hébergé de l’autre côté de la route dans des bâtiments qui étaient disponibles. Puis la course contre la montre a débuté pour construire le nouveau cuvier afin qu’il soit partiellement prêt pour la récolte suivante et le pari a été gagné car le millésime 2021 a été vinifié dans le nouveau cuvier avec le nouveau nombre de cuves (44 allant de 120 à 200hl). C’est avec le millésime 2022 que le nouveau cuvier était dans sa configuration définitive avec le gravitaire qui a pu être mis en place à ce moment-là. L’autre contrainte a été celle de l’eau. Le Médoc est une zone humide et les nappes phréatiques sont peu profondes. Pour respecter notre environnement, nous avons pris le parti de creuser le cuvier que d’un demi-niveau et pas un niveau entier pour ne pas perturber le chemin naturel des nappes. Nous sommes ravis du résultat car de l’avis général il est fidèle à nos valeurs de tradition, de sobriété et de matériaux nobles utilisés tels que le bois, l’acier et la pierre.

Qu’en sera-t-il de l’approche du raisin, du style des vins, de la nouvelle ère Barton, en somme, à Léoville ? 
Nous sommes très fiers du style des vins de la famille et nous ne voulons surtout pas en changer. La constance fait partie de nos atouts, de nos valeurs et nos consommateurs apprécient aussi nos vins pour cela. La grande nouveauté est celle du transfert de la vendange qui est désormais réalisé par gravité. Le nouveau cuvier voit une augmentation significative du nombre de cuves, dont les contenances sont plus variées, de manière à affiner la sélection parcellaire. Nous avons également de nouveaux pressoirs verticaux qui nous permettent d’obtenir un vin de presse plus précis, car nous divisons dorénavant le chapeau de marc en trois parties, le haut, le cœur et le fond. Historiquement, nous avons beaucoup de cabernets, plantés sur les croupes de graves, ils sont tendus, sérieux, avec une précision infinie et un tanin délicat et long. C’est de la dentelle complétée par quelques merlots, plantés plus bas sur les plateaux, qui apportent une texture charnue. Le labour est traditionnel, sans désherbage ni herbicide. Le sous-sol argilo- graveleux permet de réguler à merveille les aléas climatiques de l’année. Quand le terroir est grand et la maturité juste, il n’y a – presque – rien à faire, la majorité du travail est fait dans les vignes.

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Manifestation agricole : les viticulteurs du Gard et de l’Hérault en première ligne

Face à la précarisation de leur métier, la flambée des charges et le poids des normes environnementales communautaires, les agriculteurs ont engagé un bras de fer avec l’Etat depuis plusieurs jours. Un mouvement d’ampleur auxquels les viticulteurs du Gard et de l’Hérault participent massivement. 

Vendredi 26 janvier 2024. Au milieu des arbres, des ceps de vigne et des fruits incendiés, un troupeau de moutons a pris place dans le cortège de la grande manifestation des agriculteurs. Nous sommes sur l’autoroute A9, dans l’Hérault, complètement fermée à la circulation. C’est désormais tous les métiers de l’agriculture qui ont décidé de rejoindre le mouvement. Qu’ils soient bergers, ostréiculteurs, maraichers, éleveurs, pêcheurs ou viticulteurs, le constat est partagé et sans appel. « C’est un vrai ras-le-bol général, constate Julie Carda, coopératrice sur la cave de Florès à Florensac. Nous sommes ici en solidarité avec le monde agricole bien sûr mais aussi et surtout parce que notre secteur de la viticulture est en pleine déliquescence et plus nous serons nombreux à le crier haut et fort et plus cela aura de l’impact ! » Au cœur des préoccupations et des revendications, le point numéro un et convergent est le poids grandissant de l’administratif qui vampirise beaucoup trop de temps et d’énergie. « Si l’agriculture est aujourd’hui en déclin complet, c’est surtout parce qu’elle est bouffée par la paperasse et le numérique, ajoute Christophe Puech vigneron du domaine éponyme à Saint-Clément-de-Rivière. Notre seul patron c’est Dame Nature et notre activité, c’est de produire de la qualité, pas de passer notre temps dans les bureaux à remplir des dossiers. Sinon, croyez-moi, je n’aurai pas fait ce métier ! »

Lourdeur administrative et concurrence déloyale
L’homme de 50 ans avoue ne plus solliciter d’aides parfois tant la lourdeur administrative est handicapante. « Je me demande si ce n’est pas fait exprès pour nous freiner, s’emporte Julien Calvet, vice-président de la cave coopérative et du Cru Saint-Chinian. Et pourtant, croyez-moi, j’ai un Bac+3 et une licence internationale vins et spiritueux mais même avec ce bagage, j’ai parfois du mal à monter les dossiers. » Il prend l’exemple d’un jeune vigneron qui a omis de déclarer une petite parcelle en bio et qui a perdu l’ensemble de l’aide octroyée malgré un dossier béton. « On nous demande de faire sans cesse des efforts mais on ne nous aide pas à nous en sortir », ajoute-t-il. Il est relayé par Julie Carda : « Il nous faut absolument des solutions d’urgence, à commencer par un allègement massif des charges et une équité des normes demandées sur le plan européen car on ne peut pas concurrencer au niveau des prix, c’est déloyal ! » Dans le viseur, le vin espagnol, moins vertueux et beaucoup moins cher (il est vendu à environ la moitié du prix du vin français sur le marché hexagonal), que l’on retrouve souvent dans les BIB sous l’égide “Vins de l’UE”. « Là aussi, il faut une meilleure traçabilité, plus apparente pour que le consommateur sache ce qu’il consomme », argumente Julien Calvet. 

Le poids des normes environnementales 
Le poids des normes environnementales est également un point de convergence dans la lutte agricole : « Les structures, les exploitations ont répondu avec cœur à ce qui leur a été demandé, la grande majorité sont sous certification environnementale (Agriculture Biologique, HVE, …), elles se soumettent aux différents contrôles qui attestent de leurs investissements humain et financier. En conséquence, les charges n’ont jamais été aussi importantes avec une augmentation démesurée ces dernières années. Les niveaux de stocks sont au plus haut, surtout en vin rouge, malgré de faibles récoltes régulières. Les trésoreries ont fondu et il est fréquent désormais de voir des saisies sur acompte aux exploitants. Les réservations sont à peine à 50% de la récolte 2023 et à quel prix de vente ? C’est une situation inacceptable », explique le Comité territorial gardois des vignerons coopérateurs dans un communiqué. Et en plus, les banques ne suivent plus. « Avec les crises à répétition et les aléas climatiques, c’est le moment où on a le plus besoin d’elles qu’elles sont le plus frileuses pour nous prêter de l’argent, prolonge Julien Calvet. Autant vous dire que pour une jeune qui veut s’installer, c’est devenu impossible, la passion ne suffit pas ! » Christophe Puech conclut : « L’avantage de terroir est en train de disparaitre au profit des grandes structures comme chez les céréaliers. La question de la pérennisation des petites exploitations dans la filière viticole est l’enjeu des mois qui arrivent… » 

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À Bordeaux, « on arrache 8000 hectares alors qu’on devrait en arracher 30 000 »

L’arrachage des vignes à Bordeaux devient une réalité concrète en ce début d’année 2024. Le programme subventionné par l’État, l’interprofession et la région Nouvelle Aquitaine, qui englobe une surface de 8000 hectares, est jugée insuffisant par les membres du collectif Viti 33, et ne compense pas l’extrême détresse des vignerons girondins.

Plus de 1200 dossiers de demande d’aide à l’arrachage de vignes ont été déposés en Gironde, pour bénéficier du dispositif mis en place conjointement par l’État, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) et la région Nouvelle Aquitaine, portant sur une superficie de 8000 hectares et devant intervenir en ce début d’année 2024. « Nous sommes loin des 10% de la surface totale du vignoble bordelais initialement annoncés, et encore plus loin de ce que l’on devrait réellement arracher, compte tenu de la baisse de la consommation, des stocks de vin qui ne se vendent pas et de la situation critique de beaucoup de vignerons : ce sont en réalité plus de 30 000 hectares qu’il faudrait arracher dans le Bordelais », fulmine Didier Cousiney, qui représente l’association Viti 33 et porte depuis des mois sur la place publique ce dossier épineux de l’arrachage (voir aussi l’émission « Vino Veritas » de janvier 2023 sur ce sujet).

Pour rappel, l’État abonde à hauteur de 30 millions d’euros dans ce programme d’arrachage, une enveloppe portant sur la « renaturation » des parcelles arrachées – à savoir une mise en jachère ou en reboisement pour une durée de 20 ans. Le CIVB injecte 19 millions d’euros et la région 10 millions, portant sur la « reconversion » des parcelles arrachées – élevage, plantation d’oliviers, autres cultures… « Avec une aide de 6000 euros par hectare pour chaque exploitation, on est là aussi très loin de ce qu’il aurait fallu mettre sur la table », poursuit Didier Cousiney. « J’ai fait passer le message au ministre de l’agriculture Marc Fesneau lorsqu’il est venu en juin, ce plan est tout bonnement scandaleux, c’est de l’amateurisme pur et simple. Tout a été fait dans la précipitation, au niveau budgétaire, dans l’absence de prise en considération des générations de viticulteurs qui vont se retrouver à ne rien pouvoir faire pendant 20 ans sur les terres qui avaient été plantées par leurs parents ou grands-parents, et même dans l’échéancier : nous sommes fin janvier, l’arrachage doit être effectif à la fin du mois de mai… Pour l’instant personne ne peut passer dans les vignes avec le temps qu’il fait. Certains ont même déjà commencé à arracher avant, sans savoir ce qu’ils allaient finalement toucher, c’est une hérésie. Si ça continue, il va y avoir des drames. »

6000 euros d’aide, mais 2000 euros pour faire arracher un hectare
La détresse, en tout cas, est déjà palpable chez de nombreux vignerons, qu’ils soient candidats à l’arrachage ou non. Pour Aurore Castagnet, vigneronne à la tête de 20 hectares à Saint-André-du-Bois dans l’Entre-deux-Mers. La crise des vins de Bordeaux, elle la subit de plein fouet : déjà concernée par une procédure de sauvegarde (dispositif pour une entreprise qui n’est pas en cessation des paiements et qui justifie de difficultés financières qu’elle n’est pas en mesure de surmonter) qu’elle vient de prolonger de six mois, « lâchée » par sa banque qui lui a refusé un remboursement progressif initialement accepté, elle a eu la mauvaise surprise, le matin même de notre échange, de « trouver un huissier à ma porte m’indiquant que mes créanciers veulent hypothéquer mes biens immobiliers ». Pour se renflouer partiellement, Aurore, membre du collectif Viti 33, avait d’abord envisagé d’arracher un ou deux hectares et ainsi bénéficier du dispositif d’aide… « Mais lorsque j’ai vu que le montant de cette aide, qui avait été annoncé autour de 10 000 euros l’hectare, est finalement descendu à 6000, j’ai renoncé. Lorsqu’on sait que le recours à un prestataire pour l’arrachage nous revient environ à 2000 euros l’hectare, cela ne nous laisse presque rien. Cela n’a pas de sens de faire ces démarches pour si peu d’argent ». Pour Aurore, tout ce dispositif se révèle largement insuffisant : « si l’on arrache, soit on doit tout mettre en jachère pour 20 ans, soit on doit reconvertir la parcelle vers une autre production. Mais moi, je suis viticultrice, sur des sols argilo-calcaires, que voulez-vous que je plante d’autre ? Certes, la chambre d’agriculture s’occupe de ces dossiers mais on a le sentiment que tout est fait dans la précipitation, sans réflexion poussée. Et puis il y a de telles incohérences : on va commencer à recevoir des courriers nous autorisant à arracher sans forcément savoir combien on va toucher, les vignerons comme moi en procédure de sauvegarde n’ont pas automatiquement droit aux primes… Il va y avoir d’immenses déceptions dans tout le vignoble ».

« Quand tout le monde croyait que le marché chinois allait tout absorber, on a planté de façon totalement déraisonnable« 
Ce sentiment d’amertume est palpable dans les propos d’un autre membre du collectif, Julien Luro, vigneron à Targon, également dans l’Entre-deux-Mers (indéniablement la zone du vignoble bordelais la plus en crise et la plus concernée par l’arrachage, comme le montre la carte préfectorale publiée par nos confrères de Vitisphère). Julien, à la tête de 50 hectares, est en train de tailler la vigne lorsque nous nous appelons. Chez lui aussi, le discours est clair : « si je ne suis pas candidat à l’arrachage c’est pour une seule raison : j’ai, pour vendre mes vins, un partenariat avec un acheteur qui est préservé. Si je n’avais pas ces débouchés commerciaux, je le dis sincèrement, même au prix annoncé j’aurais arraché des vignes. La situation est très différente d’un domaine à l’autre : certains vignerons en fin de carrière, qui n’ont pas de repreneur, ont tout intérêt à arracher ; si j’avais 20 ans de plus, je ne me poserais sans doute pas la question. Mais j’ai 36 ans, j’ai rejoint l’exploitation familiale il y a 18 ans, et moi je veux poursuivre ce métier, je veux encore y croire ». Au-delà de son cas personnel, Julien estime que la crise actuelle est la conséquence d’un manque de lucidité il y a une quinzaine d’années, « quand tout le monde croyait que le marché chinois allait tout absorber, et qu’on a planté de façon totalement déraisonnable. Aujourd’hui, ce ne sont pas 8000 hectares qu’il faudrait arracher à Bordeaux, c’est plus du triple ! Mais l’enveloppe débloquée est largement insuffisante. Pour moi, on n’est qu’au début de cette profonde transformation du vignoble girondin ».

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