Saint-Émilion : Château Villemaurine change de mains

Nouvelle transaction d’importance dans le vignoble de Saint-Émilion. Le château Villemaurine, grand cru classé très bien situé sur le plateau calcaire, passe sous la bannière du château Sansonnet. Ce dernier appartient depuis 2009 à la famille Lefévère.

Ça bouge du côté de Saint-Émilion. Alors qu’est attendu pour demain l’épilogue de la vente du château Beauséjour Duffau-Lagarrosse, c’est un autre grand cru classé qui change officiellement de propriétaire : le château Villemaurine, qui appartenait depuis une quinzaine d’années à la famille Onclin, passe sous la bannière du château Sansonnet, un autre grand cru classé situé à quelques encablures. Les deux vignobles ont une superficie de 7 hectares.

Marie Lefévère, qui dirige Sansonnet, va prendre la direction de Villemaurine. « Nous sommes très heureux de pouvoir continuer notre progression à Saint-Émilion », nous explique-t-elle. « Villemaurine est un véritable petit bijou, avec un magnifique terroir, proche mais différent de Sansonnet. Sansonnet est plus argileux, délivrant des vins plus structurés et concentrés, Villemaurine est vraiment situé sur les carrières du plateau, il donne naissance à des vins davantage sur l’élégance et la finesse. Cela va être passionnant de pouvoir travailler de concert sur ces deux propriétés ».

Héritant à Villemarurine d’un vignoble en très bon état et d’un outil technique récemment rénové, Marie Lefévère entend notamment développer l’activité œnotouristique. Si les visites à Villemaurine sont déjà prisées – notamment pour les visites des galeries souterraines – la rénovation du bâtiment adjacent aux chais devrait permettre de peaufiner la partie réceptive, éventuellement avec des chambres d’hôtes.

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Le premier chai urbain de Lyon vient de produire ses premières cuvées

Faire du vin en ville : la mouvance prend de l’ampleur. Initiée il y a quelques années à Paris, puis à Marseille ou encore Bordeaux, le concept a gagné d’autres villes, comme Lyon avec le chai Saint-Olive. Rencontre avec deux frères passionnés de vin qui en fait leur métier à plein temps.

Grégoire et Franck Saint-Olive sont lyonnais, et ont grandi à deux pas du chai qu’ils exploitent aujourd’hui, dans le 6è arrondissement de Lyon. Grégoire a déjà officié dans le monde du vin, puisqu’il travaillait chez Wine Sitting à Paris, spécialisé dans le stockage et la logistique de vin. Franck a quant à lui toujours aimé le vin, et ainsi commencèrent leurs premières expériences en 2014.
Faire du négoce et lancer leur marque devint leur objectif, après une première tentative réussie lors de laquelle leur marque avait pris de l’ampleur et a même été commercialisée par Le Petit Ballon, leur assurant une certaine renommée.

De la danseuse à la consécration

L’idée avait donc germé de se consacrer entièrement à cette activité. Motivés par la passion, mais aussi par l’envie de réinventer les codes du vin, tout en mettant en avant une approche d’approvisionnement local dans l’air du temps, ils se décidèrent pour se retrouver à Lyon et ouvrir le premier chai urbain de la ville.
« Nous avions la volonté de faire évoluer les codes du vin, de participer à la modernisation de ce monde », explique Grégoire. « Et on s’inscrit dans la consommation locale, l’idée étant de se rapprocher au maximum du consommateur. Que ce soit sur le produit fini, pour lequel les raisins proviennent de vignes situées au plus loin à 60km, ou sur la possibilité de visiter près de chez eux un lieu de production vinicole », souligne Franck.

Délocalisation du lieu de production

Le chai Saint-Olive a prévu de nombreuses manières de rapprocher le consommateur de la production.
Si le lieu sera évidemment un lieu de vente, et pas seulement des cuvées produites sur place mais aussi de plusieurs (belles) références déjà présentes dans leur catalogue, couvrant de nombreuses régions françaises, ce sera aussi un lieu d’immersion.
L’objectif est de délocaliser les traditionnels caveaux des domaines : dès septembre 2021, des ateliers immersifs permettront aux visiteurs d’assister à la mise en bouteille, à la filtration, aux assemblages, « toutes les opérations de vinification qui sont finalement rarement vues dans les domaines ».

Approvisionnement local

Les raisins choisis par Franck et Grégoire sont soigneusement encadrés. Les deux frères assurent le suivi sanitaire chez les vignerons, et ont établi avec eux des cahiers des charges très précis. Les vendanges et la presse se font chez les vignerons, puis le raisin est acheminé le lendemain au chai, tôt le matin pour ne pas embarrasser le voisinage et préserver la qualité des raisins.
Quatre vignerons accompagnent le projet des deux frères, qu’ils connaissaient depuis longtemps et qui ont été séduits par cette initiative.
Jeanne Gaillard, à Malleval (42) produit syrah et viognier ; Christophe Subrin (69) cultive le chardonnay ; Hubert Cinquin (69) cultive chardonnay et gamay en terre beaujolaise, tout comme Viviane et Jean-Michel Tournissoux situés sur les beaux terroirs de Lantignié (Beaujolais), produisant du gamay.

Le chai comprend 24 cuves et 26 barriques, et tout va se jouer sur l’assemblage. Marie, la maîtresse de chai, est déjà habituée au chai urbain puisqu’elle a vinifié pendant quatre ans dans le premier du genre à Paris, « Les vignerons parisiens ».
A la recherche de cuvées sur le fruit, la souplesse, le pari est réussi avec la naissance des toutes premières produites à Lyon, avec un coup de cœur sur le gamay, tout en fruit, vivacité, souplesse et fraîcheur, et le viognier qui révèle ses charmes avec naturel.
Les cuvées étant produites en Vin de France, Marie, Franck et Grégoire n’excluent pas la possibilité d’un jour expérimenter des assemblages entre cépages.
A bientôt pour la naissance d’un syrah-gamay ?

Chai Saint-Olive
34 rue Malesherbes – 69006 Lyon
contact@chaisaintolive.com
https://chaisaintolive.com/
04 78 13 34 27
Ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h

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Maison Villevert, une success story qui fête ses 20 ans

L’entreprise de création et de distribution de spiritueux haut de gamme made in France affiche une progression insolente, en particulier sur le marché français, et s’offre pour ses 20 ans un magnifique bouquet de projets.

Maison Villevert a 20 ans, avec le dynamisme fringant et insolent qui va avec l’âge. Au début du siècle, la jeune société de spiritueux a fait montre de créativité et d’excellence à la française a l’époque où le cognac connaissait la crise ; elle le démontre encore ces derniers temps avec des croissances à deux chiffres en France pour ces marques phares comme G’Vine a +30%, Cîroc à plus 50% et un chiffre d’affaires passé de 6 à 8,5 M€ en 2020 dans l’Hexagone sur un total groupe de 55 M€. « L’innovation vient souvent de la contrainte, estime le fondateur et président Jean-Sébastien Robicquet. Nous nous sommes lancés en pensant qu’il fallait de l’inventivité et que nous devions apporter quelque chose de différents au monde des spis en misant sur le développement de produits made in France ». Et l’aventure démarre fort avec la création pour Diageo de la vodka de raisin Cîroc devenue la seconde vodka premium (un segment à plus de 35$) derrière Grey Goose, au troisième rang dans l’Hexagone, suivie du lancement de G’Vine Floraison, un gin haut de gamme devenu leader en Espagne et dans le Top 10 mondial. Jean-Sebastien Robicquet n’est d’ailleurs pas peu fier d’avoir réveillé une belle endormie pour laquelle sa contribution vient d’être reconnue par une intronisation au Gin Hall of Fame en Grande-Bretagne.

Des déclinaisons en plein essor

« Nous avons poursuivi la création d’une véritable filière d’innovations autour du raisin dans les spis à base uniquement de matières premières de l’Hexagone ». Après le gin et la vodka, Villevert s’est attaqué au vermouth avec le Quintynie à base de pineau des Charentes, a décliné G’Vine en gins aromatisés June (pèche de vigne et fruits d’été, poire et cardamome), et un gin vieilli en fût de cognac (Nouaison) et créé une collection de cognacs ex-clusifs, La Guilde du Cognac, origines charentaises et ancrage obligent. « Notre force est d’imaginer des produits toujours différents pour nous ou pour des tiers en tant qu’incubateur et/ou distributeur » comme récemment la création de la vodka Le Philtre pour les frères Beigbeder, la distribution de la téquila Casamigos pour Diageo, du ginger ale épicé Pimento, de la liqueur de bergamote Italicus (avant son rachat l’an dernier par Pernod Ricard)…

Une distribution intégrée et assumée

L’autre force de la maison charentaise a été de faire le pari d’intégrer sa distribution en 2015 en créant Renaissance Spirits rebaptisée en 2021 Maison Villevert France Distribution pour clarifier et officialiser son lien de parenté. « En France, il y a finalement peu de sociétés à taille humaine à côté des grands groupes ou d’opérateurs aux nombreuses marques comme la Maison du Whisky », explique Jean-Sebastien Robicquet. « Avec une équipe salariée d’une douzaine de personnes, nous avons construit sereinement le business pour faire émerger de belles marques à fort potentiel, ce qui nous a permis d’être plus solide pour affronter la crise, malgré l’arrêt de l’activité en CHR et duty free » précise Yannick Perrezan, directeur commercial et marketing France. La société, partenaire dès le départ du grossiste Métro, a surinvesti dans le circuit cavistes (aujourd’hui 20% des ventes), en collaborant plus étroitement avec Repaire de Bacchus et récemment Le Comptoir Irlandais et en multipliant au printemps dernier les promotions et les mises en avant. Elle a également développé le e-commerce en partenariat avec Amazon et sa présence en GD avec une sélection ciblée de marques emblématiques (G’Vine, Ciroc, Bumbu, June…), « ce qui correspond à la tendance de premiumisation du circuit et qui a aidé à mieux naviguer pendant la crise ». La société a progressé de 37% dans l’Hexagone en 2020 grâce notamment à l’envolée des vodkas aromatisées et du rhum d’assemblage spiced Bumbu.

Des perspectives ambitieuses

Pour son anniversaire, Maison Villevert ne manque pas d’ambitions : elle vise tout simplement à entrer dans le Top 5 des distributeurs de spiritueux en France en doublant ses effectifs et et son chiffre d’affaires d’ici cinq ans pour atteindre 100 M€ en 2024, tout en devenant l’ETI de références en spiritueux premium dans le monde. La filiale de distribution va internaliser création, développement et conditionnement en recrutant commerciaux et marketing pour les whiskies et les rhums ; elle prévoit de lancer prochainement une vodka de service Renaissance à base de grains et eco-responsable pour le circuit cavistes. Elle devrait signer prochainement l’acquisition d’une entreprise anglaise de distribution pour créer de nouvelles opportunités outre Manche et commence à prospecter activement aux Etats-Unis et en Chine. Des investissements sont également prévus à la Celtic Whiskies Distillerie de Lannion (marques Glann Ar Mor, Kor Nog) en Bretagne que Villevert a racheté au printemps dernier. Une enveloppe de 3 M€ est prévue pour doubler la capacité de stockage, agrandir le magasin, optimiser la production, relooker la gamme et lancer de nouveaux whiskies comme Gwalarn (vent de l’ouest en breton) prévu en mai.


(Photo F. Hermine)

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Sur le divin… avec Michel Reybier (Cos d’Estournel)

Michel Reybier incarne malgré lui l’image d’un homme intrinsèquement discret, rare et peu intégré dans le vignoble français. Pour « Terre de vins », le businessman – qui a fait fortune dans l’agroalimentaire avant de se diversifier et de constituer un très beau patrimoine dans le vin (Bordeaux, Provence) et le champagne (Jeeper) – se confie sur les ambitions qu’il porte pour Cos d’Estournel et dévoile le visage d’un homme affable, attaché à ses troupes et habité par le rôle sociétal du chef d’entreprise qu’il est depuis plus de cinquante ans.

Cet entretien a été publié dans Terre de vins n°70, disponible en kiosque et sur notre kiosque digital.

Tu as acheté Cos d’Estournel en 2000. C’était il y a vingt ans. Que représente pour toi ce 20e anniversaire ?
Cos représente un véritable coup de cœur. Quand nous avons acheté Cos, nous avons eu d’autres propositions. Je n’ai même pas regardé ! J’ai dit : « Cela sera Cos ou rien. » Ce domaine me passionne. Tous les éléments de ce métier incarnent la vie. Et la nature a toujours eu de l’importance dans les métiers que j’ai exercés. J’ai vraiment de la chance d’être à la tête d’un vignoble comme celui-là. Je veux apporter ma pierre à l’édifice et faire en sorte que Cos grandisse. À Cos, c’est le seul endroit où je me sens de passage. Dans les autres affaires que nous menons, nous ne ressentons pas ce même sentiment de transmission. Nous avons une chance incroyable. Alors, ne soyons pas des enfants gâtés ! Essayons de profiter de ce que nous ont laissé ceux qui étaient là avant nous.

Que doit-on retenir de ces vingt années ?
Quand je suis arrivé ici, j’ai dit : « La première chose qui compte, c’est le raisin. » Ça a l’air bête, mais ce n’était pas aussi évident que ça. Nous avons étudié les sols au mètre près. Nous avons étudié tous les pieds de vigne. Et, au final, je pense très sincèrement qu’on a apporté quelque chose. La preuve, c’est qu’aujourd’hui nous sommes très copiés et j’en suis ravi.

Quelles sont aujourd’hui tes priorités pour Cos d’Estournel ?
Nous laissons beaucoup plus s’exprimer le terroir. Nous produisons aujourd’hui des vins qui sont un peu moins concentrés qu’on ne pouvait le faire auparavant. Les vins sont beaucoup plus équilibrés. C’est ce qui correspond à l’attente consommateur, même si nos vins restent extrêmement sophistiqués et élégants. Nous avons pris ce virage. Je veux donc que l’on continue et je veux que Cos soit présent dans le monde entier. Je veux en faire la plus grande marque du monde.

La rumeur te dit régulièrement acheteur du cru classé voisin, château Cos Labory. Info ou intox ? S’étendre fait-il partie de tes projets ?
Si on me propose 2 hectares d’une grande qualité à côté de Cos, volontiers, mais nous avons déjà assez de quantités significatives et de grande qualité. La volonté d’achat de Cos Labory, c’est de l’intox ! Le propriétaire de Cos Labory travaille bien. Et ils sont heureux. Ils évoluent en famille, sont très impliqués dans cette appellation Saint-Estèphe et incarnent parfaitement les racines médocaines. Ce sont des gens d’ici, des gens qui défendent leur terroir. C’est vraiment des gens que j’aime bien.

Un mot sur les démarches environnementales ?
Il faut arriver au zéro défaut dans le vin et travailler en respectant l’environnement. À Tokay, nous travaillons en bio. En Champagne, nous avons beaucoup de parcelles bio. À La Mascaronne, en Provence, on est également bio… On basculera donc sûrement en bio à Cos, même si la biodynamie semble d’ailleurs plus légitime. Depuis dix ans, nous travaillons des parcelles à titre de test. C’est indispensable et je n’ai aucun souci avec ce sujet en tant qu’actionnaire. L’important, pour moi, est qu’il n’y ait pas de résidus, que les employés n’encourent aucun risque et que le produit soit bon.

Le rapport qualité-prix est un sujet qui semble te préoccuper…
Je suis très attaché au rapport qualité-prix : le consommateur nous suivra, mais ne nous suivra plus à un moment, tout Bordelais qu’on est. Aujourd’hui, je pense qu’on n’est pas chers. Tous les vins sérieux du monde sont plus chers que nous, que ce soit en Napa, aux États-Unis, ou en Bourgogne… Ce rapport qualité-prix qui est le nôtre, le marché ne le reçoit pas. Comment peut-on donc avoir la réputation d’être chers alors qu’on ne l’est pas ? Si le restaurateur ne multipliait pas par sept mais par deux le prix d’achat du vin, on verrait qu’on propose des vins abordables. Je milite pour que les restaurateurs aient des marges plus raisonnables et qu’ainsi nous vendions plus de vin…

La devise du château est « Semper fidelis », toujours fidèle. À qui as-tu juré fidélité ?
La fidélité, je la jure aux équipes. Je suis très attaché aux hommes, et je n’ai jamais connu dans mes affaires de gros problèmes sociaux. Je suis très attaché aux équipes, mais aussi aux valeurs. C’est ce qui se fait lever le matin. Je suis également attaché à la pérennité. Je suis passé dans pas mal d’affaires, et elles existent encore toutes.

Un mot sur la Champagne ? Quel est le projet ?
Je voulais apporter quelque chose sur le plan de la qualité. Tout le monde travaille bien. On est dans une petite barcasse très agile. On va construire ce qu’on est capables de faire avec 1 million de bouteilles, en étant le plus bio possible. C’est une entrée par la petite porte dans un produit que j’adore, qui nous amènera dans une antichambre. Je n’ai aucune autre ambition que de faire le mieux possible.

Ta plus grande émotion avec un vin ?
Comme nous sommes originaires de l’Ain, on était plus bourgognes que bordeaux. Dans la famille, on a toujours aimé les bons vins et les bonnes choses. À titre personnel, j’ai un souvenir d’un Margaux 1982 que j’ai eu la chance de goûter assez jeune. J’ai compris la différence avec les produits de nos régions et le Bordelais…

La cave de Michel Reybier aujourd’hui, comment est-elle constituée ?
Je suis très bordeaux par goût. Je suis d’ailleurs un peu monomaniaque. Je ne constitue pas une cave pour spéculer. Je ne suis pas un collectionneur dans l’âme. Je suis un consommateur. Nous avons la chance à Bordeaux d’avoir les meilleurs produits du monde. Quand je dis que je suis bordelais, c’est mon estomac qui l’est : il y a une digestibilité et un raffinement qu’on ne trouve pas ailleurs.

Tu as trois enfants et huit petits-enfants. Comment t’accompagnent-ils dans tes affaires et comment s’organisera la succession de Cos ?
La transmission en tant qu’actionnaire, c’est fait. La solidarité que je leur demande par rapport à l’avenir de Cos, c’est fait également. Juridiquement, tout est écrit dans le marbre. Reste le passage que feront après moi mes enfants dans Cos. Là, cela dépendra de ce qu’ils seront capables de faire. Je le verrai de là-haut et je dirai : « Bien joué » ou « Pas bien joué ».

En 1994, tu fus l’unique survivant d’un accident d’avion. En quoi cette catastrophe a-t-elle modifié ton destin ?
C’était un Falcon 10. Un copain me l’avait prêté. Trois personnes sur quatre ont péri… Avant cet accident, j’avais les mêmes valeurs, mais l’entrepreneur pressé prenait le pas sur l’entrepreneur qui veut être utile. Je veux être utile. L’accident de Formule 1 que tout le monde a vu à la télé, avec Romain Grosjean, c’est ce que j’ai connu. Depuis, je ne suis pas léger. Et j’ai le souci de l’intérêt général.

Quel manager es-tu devenu ?
Je veux justement que l’intérêt général soit au centre de nos actions. On travaille pour quelque chose et je veux que cela soit partagé. Je souhaite aussi que l’on soit transparent. Nous avons le droit à l’erreur, mais cela doit être fluide. J’ai horreur de la hiérarchie pour la hiérarchie. J’ai horreur des petits chefs qui bloquent le système. Il faut aussi trouver du plaisir, il faut donner envie aux gens de se lever le matin. C’est ce qui nous manque en France actuellement. On ne peut pas se faire taper sur la tête toute la vie. Et, si on veut envahir le monde avec nos vins, c’est la même chose : il faut avoir envie de le faire.

« Challenges » t’a classé, en 2020, 53e fortune française, avec un patrimoine de 1,9 milliard d’euros. Que fais-tu pour les autres ?
Je n’ai pas de salaire, je n’ai pas non plus de frais généraux sur mes boîtes et je ne me verse pas de dividendes. Tant que je serai aux commandes de mes affaires, ce n’est pas le profit qui guidera ma stratégie. Une affaire doit être rentable et doit pouvoir investir. Pour ma part, à titre personnel, je ne vis pas sur mes boîtes. Je suis à leur service. J’ai eu la chance de vendre ma boîte, c’est ainsi que j’ai toujours vécu sur mon capital. Je pense qu’un entrepreneur a un vrai rôle social. C’est là où je suis très sévère avec nos gouvernants actuellement, car ils nous obligent à être contre-nature. On doit faire grandir nos équipes, nos emplois permettent de nourrir des familles ! En dehors des actions caritatives, j’ai le sentiment avec mes entreprises de faire quelque chose pour la collectivité. On ne travaille pas que pour l’argent. La création d’emplois, c’est mon job et c’est utile pour la société.

Comment réconcilier ceux qui gagnent beaucoup d’argent et ceux qui sont à la peine ? Deux mondes s’ignorent chaque année davantage…
Tout vient d’en haut. Les Français sont comme on les fera. L’unité, ça se cultive. Donner l’envie, ça se cultive. Et fédérer les énergies, ça se cultive.

Qu’est-ce qui le matin te fait bondir et te donne envie de taper du poing sur la table ?
La destruction d’envie et de valeurs me rend malade. Cela me rend fou. Comment peut-on depuis des mois empêcher les jeunes de vivre ? Comment peut-on faire en sorte que ces petits entrepreneurs soient tous à la veille de la faillite ? Vous enlevez à tous ces gens l’envie de se lever le matin ! Et arrêtons de laisser penser que tous ces entrepreneurs qui ont trente ans de boulot derrière eux s’en mettent plein les poches… C’est dramatique.

Politiquement, qui a emporté ton adhésion à la dernière élection présidentielle ?
Emmanuel Macron a bien commencé, mais je pense qu’on juge les gens dans la difficulté. Il faut être conséquent dans la vie. Sans commentaire.

Que boira-t-on le jour de tes obsèques ?
J’ai imaginé une barrique spécialement pour cette occasion. Tu auras l’occasion de découvrir la surprise le jour de mes obsèques, car ce sera une fête quand même. Je veux laisser la surprise à mes invités…

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