Château de Poncié : premier bilan neuf mois après le rachat

Le Château de Poncié, anciennement propriété de la famille Henriot, a été racheté en juillet 2020 par l’entrepreneur lyonnais Jean-Loup Rogé. Retour sur ces premiers mois et le cap pris par la nouvelle équipe avec Marion Fessy, directrice du domaine.

Qu’est-ce qui a amené Jean-Loup Rogé à acquérir le château, et vous à en prendre la direction ?
Lorsque Jean-Loup a eu la certitude d’investir et de s’engager dans le Beaujolais, il m’a contactée, nous sommes amis depuis plusieurs années. De son côté, il voulait retrouver la terre pour contrebalancer avec son activité de services (dirigeant de l’entreprise de services comptables, juridiques et financiers de la société Implid). Il est toujours venu dans le Beaujolais, il a toujours eu un lien avec cette région et l’a toujours aimée. Sa cave a toujours comporté des cuvées beaujolaises. Et notre amitié depuis plusieurs années a fait le reste.

Le Château était déjà engagé dans une démarche de conversion à l’agriculture biologique, où en êtes-vous ?
Nous tiendrons la conversion totale du domaine l’année prochaine, en 2022.
Nous avons déjà nos blancs, situés sur l’appellation Fleurie mais classés Beaujolais Blanc, qui sont en bio depuis 2019, et 85% de nos rouges l’étaient sur ce millésime 2020.
Cela n’était pas une condition d’achat, car nous l’aurions fait de toutes façons, mais ça a influé sur le choix de domaine. Nous étions axés sur le Beaujolais dans tous les cas et la qualité de la culture engagée ici nous a fait basculer, car cela a été entrepris avec un fort engagement de la part des propriétaires précédents, et de manière qualitative, ce qui était d’autant plus important et remarquable au vu de la géographie de Fleurie (beaucoup de coteaux) et de la perte de rendement induite.
En revanche, l’enjeu des prochaines années ce sera la sécheresse : nous sommes sur des sols extrêmement drainants, l’eau ne fait que passer, ce qui est certes un avantage en cas de saison pluvieuse mais qu’il faut surveiller de près à moyen et long terme.

Quels sont vos autres projets ?
Nous venons tout juste d’acquérir une nouvelle parcelle de 38 hectares en appellation Côte de Brouilly, sur un magnifique terroir situé au lieu-dit Le Pavé. Nous sommes déjà en train de restructurer cette parcelle en bio pour en faire un parcellaire qualitatif, et ouvrir la production du domaine à une autre appellation que Fleurie, pour la première fois de son histoire.
Nous avons également planté quelques cépages résistants comme le voltis (ressemblant au chardonnay) et l’artagnan (proche du gamay), développés par la Sicarex, pour voir comment ils se comportent et s’ils peuvent apporter quelques réponses aux prochains défis climatiques.
Et nous faisons notre compost, avec une production annuelle de 1200 tonnes !

Que pensez-vous du retour des investisseurs lyonnais en Beaujolais ? Ont-ils tissé des liens particuliers entre eux ?
Je ne sais pas si Jean-Loup appelle la famille Gruy (Château de la Chaize) et la famille Lavorel (Château des Ravatys) régulièrement (rires), mais en tout cas ce que ça m’inspire c’est que les Lyonnais reviennent enfin dans le Beaujolais. C’est un nouveau cycle et en même temps un juste retour des choses : autrefois, les soyeux lyonnais étaient de grands investisseurs dans la région.
Et puis cela peut redonner confiance au vignoble et en la qualité du travail qu’il a accompli sur toutes ces dernières années.

Malgré un contexte sanitaire particulier, vous vous investissez également beaucoup dans l’œnotourisme, quelles seront les nouveautés pour les visiteurs de 2021 ?

Oui, quand je vois les paysages que j’ai sous les yeux tous les jours, c’est impensable de ne pas faire d’œnotourisme ! Sur les 100ha du domaine, 50 sont des bois. Nous maintenons donc notre offre classique de dégustation et visite du domaine, en l’élargissant avec la création de parcours de balade dans notre nature. Nous avons commandé des vélos électriques qui vont arriver très prochainement, ainsi que des gyropodes. Certaines balades seront accompagnées par un guide, permettant d’expliquer la biodiversité qui habite le domaine.
Et cela nous permet d’ouvrir les portes du Château à tous les publics : les amateurs de vin certes, mais aussi les amateurs de beaux paysages et de biodiversité ! Nous avons vraiment à cœur de ne pas faire du Château un domaine élitiste, enfermé par son qualificatif de Château.
Nous projetons également de tourner le domaine vers l’art avec la tenue d’exposition, et la Biojolaise, l’une des associations organisatrices de Bien Boire en Beaujolais, nous a choisi pour l’accueillir pour l’édition 2021, ce dont nous sommes fiers et reconnaissants.
Et enfin, pour compléter notre offre œnotouristique, nous avons le projet d’installer des cabanes sur pilotis sur les beaux plus points de vue du domaine, ainsi que de rénover et réhabiliter tout le patrimoine immobilier du château, pour disposer de gîtes et d’un lieu de séminaire, qui pourraient être ouverts dès l’automne 2021.

Quelle est la vision qui guide votre action ?
C’est peut-être un peu cliché, mais nous sommes tous de passage sur cette terre, et je voudrais que ce domaine soit repris de façon réfléchie, et durable. Nous voulons allier un esprit de partage et de qualité à une transmission réussie d’un patrimoine qui appartient finalement à tous. Quand on sera vieux, on pourra se regarder dans la glace (rires).

Quel est votre vœu pour 2021 ?
Retrouver la liberté ! Nous avons réussi jusqu’à ce moment de l’interview à ne pas évoquer le contexte, mais il pèse lourdement sur cet esprit de partage et nous entrave. Je voudrais que l’on retrouve la joie simple d’être au restaurant avec ses amis ou ses clients, et puis que le Beaujolais aille bien, qu’il soit de plus en plus reconnu et qu’il resplendisse !

Château de Poncié
69820 Fleurie
Tél : +33 (0)4 37 55 34 75
contact@chateaudeponcie.fr
www.chateaudeponcie.fr

De 13 à 26€ départ cave
Réouverture aux visites et dégustations tous les samedis à partir du 1er avril.

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Un œil neuf à Château Giscours

Le château Giscours, 3éme cru classé à Margaux, a récemment accueilli un nouveau régisseur en la personne de Jérôme Poisson. Il succède à Lorenzo Pasquini, devenu directeur d’exploitation du château d’Yquem.

Niçois d’origine, Jérôme Poisson a un parcours riche d’expériences variées que n’ont pas manqué de repérer ses recruteurs : la famille Albada-Jelgersma, propriétaire de Giscours mais aussi de Caiarossa en Toscane, et Alexander Van Beek, Directeur Général.
Ingénieur agronome et œnologue, Jérôme Poisson choisit pleinement de se consacrer au monde du vin à l’occasion d’un stage à Bordeaux, chez Baron Philippe de Rothschild. Puis en 2006, ce sera la Californie, pour faire les vendanges chez Saintsbury, dans la région de Napa-Carneros. Le dernier stage se fera, à Cognac, chez Hennessy, dans le laboratoire auprès du directeur de recherche de la maison. Il y découvre « le monde des spiritueux et l’univers de LVMH », mais aussi la maison Marnier-Lapostolle qui possède des vignobles au Chili. Il y décrochera un poste, au clos Apalta, vignoble de 370 hectares. Assistant du directeur technique il sera en charge tous les projets de recherche et de développement mais aura aussi une fonction d’ambassadeur de la marque dans le monde entier, cela pendant quatre années, de 2008 à 2012.

Puis ce sera la Toscane, chez Frescolbaldi à Montalcino, ce qui lui impose d’apprendre l’italien. Il y sera « assistant du directeur technique pendant 2 ans, pour le suivi du développement de la biodynamie, la numérisation du vignoble et l’informatisation et le suivi des vinifications ». Puis, il ira à Florence, « pour une activité de développement de projets viticoles en Toscane ». Jérôme Poisson restera en Toscane de 2013 à 2016.
Après une année de consulting en 2017, c’est l’arrivée en Alsace, en 2018, à la réputée cave de Pfaffenheim pour un poste créé de directeur technique. « La cave cherchait quelqu’un avec un œil extérieur ». Il analyse ce moment : « le maître de chai était plus âgé que moi. Je pense que j’ai su m’adapter. L’erreur aurait été d’arriver avec des idées préconçues et d’appliquer des recettes ». Une manière de faire qu’il applique de nouveau à Giscours, qu’il rejoint en décembre 2020 en tant que nouveau régisseur – il reprend en même temps les rênes de Caiarossa.

Arrivée à Giscours : quelles missions ?

« Dès mon arrivée, Alexander m’a emmené tout de suite en Toscane, au domaine Caiarossa pour visiter le vignoble de 25 hectares », raconte Jérôme Poisson. « Caiarossa est un vignoble en biodynamie et je retrouve des méthodes que j’avais pratiquées au Chili à Lapostolle ». L’occasion pour lui de retrouver l’Italie qu’il aime et dont il parle couramment la langue (en plus de l’espagnol, et de l’anglais).
Mais comment imprimer sa marque sur une institution comme Giscours ? « Giscours c’est différent. Il y a une équipe bien établie » nous dit Jérôme, mais la culture de la remise en question semble inscrite dans sa philosophie. Par exemple, « le changement de l’œnologue consultant fin 2018 ». Après avoir longtemps travaillé avec Denis Dubourdieu, Château Giscours choisit Thomas Duclos qui assure depuis 2018 le suivi de la propriété. « Ici les cartes sont rebattues », on capitalise sur les valeurs de l’acquis mais on ne prend pas le risque de l’habitude : on interroge constamment les pratiques pour les renouveler sur le socle de l’expérience. Un bel exercice qui est dans l’ADN de Giscours. Jérome se satisfait : « L’équipe se remet en cause et essaie d’avancer ».

Quel rôle a donc le nouveau régisseur au sein de cette équipe expérimentée ? « Il faut que j’aie un recul sur une année entière pour m’approprier le fonctionnement ». S’il a eu par le passé le rôle de Directeur Technique, Jérôme voit clair sur son positionnement : « je ne suis pas directeur technique mais mon rôle est de veiller à ce que l’on soit innovant et qu’on aille vers davantage de qualité. J’ai déjà vinifié, mais j’arrive avec mon œil différent. Je questionne de façon ingénue. Je ne vais pas faire de révolution car ce serait ajouter de la confusion ». Jérôme décrit un peu le fonctionnement : « on a une réflexion collégiale et je suis partie intégrante du projet technique ».
Mais le champ de ses interventions est large et va au-delà de la seule production viticole. « Comme régisseur, j’ai un œil sur la technique mais je dois aussi avoir un œil sur le parc et la ferme Suzanne ». Car Giscours, c’est 92 ha de vigne mais aussi un parc dessiné par Eugène Bülher et une ferme-modèle, la Ferme Suzanne, le tout faisant 300 ha environ. « Le passé agricole de Giscours avait un peu disparu et la famille Albada-Jelgersma a souhaité le faire revivre. J’interviens par exemple dans tous les endroits où l’on pourrait mettre de la synergie entre la vigne et l’élevage de manière cohérente ». De ce fait, Jérôme travaille aussi avec la responsable communication, Camille Page, arrivée quelques mois avant lui.

Il synthétise : « le poste de régisseur concentre toutes mes expériences (communication, marketing, agricole, technique). La famille Albada- Jelgersma recherchait quelqu’un d’ouvert d’esprit qui ne se donne pas de limite, qui arrive à avoir un recul sur les manières de faire, et qui permette qu’on soit vu dans le monde entier, car ici on est sur la scène internationale. Le fait que je parle italien est un plus égaleemnt. En même temps que je découvre mon poste, je fais mon poste ». Et de conclure : « c’est ici dans le Médoc que j’ai découvert ma vocation et c’est formidable d’y revenir ».

La polyvalence de ses compétences acquises au fil de ses nombreuses expériences, son sens de l’adaptation et son tact devraient apporter au château Giscours l’œil neuf qu’il recherchait.

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