[Portrait] Alain Malard et la permaculture dans les vignes

Constamment en train de sillonner les vignobles pour rendre visite à ses clients, Alain Malard est l’un des plus grands spécialistes de l’agroécologie dans le secteur viticole. Une partie de sa méthode consiste à réimplanter une vigne adaptée dans son environnement, très utile pour les défis climatiques qui arrivent.

Un travail de passionné

Consultant auprès des vignerons depuis presque 30 ans, Alain Malard a d’abord suivi une formation complémentaire à l’Institut Agro de Montpellier. Il s’est ensuite intéressé de très près à la permaculture, pour en faire une spécialité presque unique en France : le design viticole. Après 10 ans d’étude et de compréhension de ce mode de production australien théorisé dans les années 1970*, le consultant est également passé à l’acte en créant son petit domaine à Neffiès dans l’Hérault. Parti d’une feuille blanche, il a dessiné son vignoble en creusant des keylines (des tranchées retourner dans le sol) qui ont désigné son vignoble, à l’intérieur de 4,5 hectares de terres vierges. Sur quelques parcelles, le vigneron a planté des cépages languedociens comme le Carignan blanc, le Piquepoul blanc, la Clairette et le Bourboulenc, mais de façon adaptée aux courbes de niveau et au relief : “en plantant la vigne de cette façon, les parcelles auront une meilleure répartition et une quantité plus importante d’eau”.

L’objectif est aussi que la vigne se connecte au réseau mycorhizien des plantes locales implantées autour et dans les parcelles”. S’inspirer de la nature, la permaculture lui a permis d’aller encore plus loin en créant par exemple des mares pour les animaux. “Les sangliers vont pouvoir boire de l’eau au lieu de se rafraîchir avec les futures grappes”. Quelques figuiers de barbarie autour des parcelles sont également plantés pour empêcher certains animaux de rentrer trop facilement dans les vignes.

Une nouvelle façon de voir un vignoble

Le designer accompagne également des domaines dans leur transition agroécologique. Au Clos Saint-Michel (40 hectares certifiés AB) à Châteauneuf-du-Pape, Alain Malard travaille avec les frères Mousset, les propriétaires, sur les couverts végétaux pour augmenter le taux de matière organique des sols. Il les a aussi accompagnés dans la création d’une nouvelle parcelle plantée là aussi en fonction du relief, notamment pour obtenir une meilleure répartition de l’eau. Des noues (marre d’eau) ont été creusées pour garder le surplus d’eau et des corridors de plantes locales la traversent pour apporter de la diversité. « L’objectif avec Franck et Olivier est de créer des parcelles en suivant les principes du keyline design quand il faut replanter et introduire les techniques de la permaculture dans les parcelles existantes »

Les courbes de niveau du Clos Saint-Michel

Autre client du consultant, Véronique Gourdon et Cédric Aubert du domaine des Quarres dans la vallée du Layon. Là-bas, il aidé au réaménagement total du réseau hydrique d’une grande parcelle de 13 hectares implantée en terrasse. 1800 mètres de noues seront installées à l’automne sur trois terrasses pour répartir, infiltrer et stocker l’eau et enfin évacuer les excédents. Des keylines adaptées au relief ont été réalisées sur chacune des terrasses. Une noue récupérera en bas de la parcelle les excédents d’eau pour créer un autre écosystème. Un enherbement choisi sera semé entre les rangs de vigne et des fraises des bois seront semées sous chaque rang de vigne. « L’idée est de ne plus toucher au sol et de laisser faire les vers de terre et les micro-organismes qui travaillent mieux que nous, pour atteindre avec le temps l’auto fertilité ».

Enfin, une grande parcelle de 10 hectares de vigne vient d’être entièrement conçue selon les grands principes du « keyline design » dans le Gers à Lectoure au Château Arton (40 hectares). Les propriétaires, Lili et Jean de Montal, terminent la plantation de Colombard destinée à produire un grand Armagnac, dessinée en suivant les courbes de niveau et agrémentée de noues arborées. « Cette création est une première sur une surface aussi importante, elle permettra de faire la démonstration que la permaculture n’est pas réservée à de petites parcelles marginales, d’autres réalisation de même ampleur sont en cours dans différents vignoble, dans tout l’hexagone, un projet de plusieurs hectares est même en cours de réalisation en Irlande ! ».

Des domaines célèbres comme Château Fougas, Château Guibeau ou Les Laurets dans le bordelais, Alphonse Mellot et Didier Dagueneau en vallée de Loire, Michel Juillot en Bourgogne ou encore les vignobles Paul Mas dans le Languedoc ont, dans le passé, fait appel au consultant, également auteur d’un livre sur son œuvre Vignes, vins et permaculture paru en 2021 aux éditions France Agricole.


*La permaculture est une méthode théorisée par Bill Mollison et David Holmgren sur les bases d’un modèle développé par l’australien Percival Alfred Yeomans. L’objectif de la permaculture est de s’inspirer des écosystèmes naturels pour créer un domaine agricole harmonieux, autonome et résilient.

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