Ce lieu qui leur semblait familier

Ce n’est pas un cri de guerre ni le personnage d’un dessin animé. Acaibo est l’œuvre vinique et californienne de Claire Villars et de Gonzague Lurton, notamment propriétaires des Châteaux Durfort-Vivens, Ferrière et Haut-Bages Libéral. Cinq millésimes à l’épreuve de la verticale nous donnent l’occasion de rappeler la genèse familiale de ce vin cousu… ailleurs.   

Ils voulaient un vignoble à eux deux. Claire Villars, les cheveux en bataille, athlétique et l’œil étincelant, a hérité d’une histoire familiale pour piloter en solo les châteaux Ferrière, Haut-Bages Libéral et La Gurgue. Gonzague Lurton, bonhomme au sourire espiègle, avait quant à lui récupéré le château Durfort-Vivens. Du margaux et du pauillac coulent dans leurs aortes mais l’union de ce couple pour le moins médocain devait passer par une création commune, extramuros de surcroît. « Nous voulions quelque chose à l’étranger, de préférence hors de l’Europe et l’attirance la plus profonde se dessinait en Afrique-du-Sud, du côté d’Hermanus », confie Claire. Ce sera la Californie. « Nous avons cherché durant les années 90 et 2000, mon père Lucien nous conseillait de regarder vers les Etats-Unis qu’il avait traversées jeune homme, et nous y avons finalement trouvé l’endroit de nos rêves, un lieu, sans y être déjà allés, qui nous semblait familier », explique Gonzague. Les biodynamistes voulaient avant tout un terroir frais, ce sera une dizaine d’hectares dans le nord de la vallée de Sonoma, à Chalk-Hilk, à la croisée des Russian River, Knight’s Valley et Alexander Valley, sur un sol escarpé limono-argileux truffé de cendre volcanique compactée. L’acte est signé en 2012, un 10 juillet, et le couple part avec les enfants s’installer outre-Atlantique. Durant 3 ans ! « Ce fut une période compliquée nourrie d’allers-retours pour s’occuper de nos propriétés en France mais nous voulions être sur place pour restructurer ce vignoble, le penser, l’élever, finalement ce fut une incroyable expérience », souligne Claire. Ce vignoble pentu et naturellement humide devient alors une terre intégralement plantée de cépages rouges, comme par hasard du cabernet sauvignon, du cabernet franc et du merlot. L’autre idée est d’échapper autant que possible à l’irrigation afin de préserver l’effet millésime et les vins ne titrent jamais plus de 14%. Le nom du vin ? Acaibo ce qui signifie en dialecte amérindien « Trois poissons », autant d’enfants et de grands crus classés du couple Villars-Lurton. Le reste de l’histoire s’écrit sur les cinq premiers millésimes à ce jour en bouteilles, une verticale de ces cinq millésimes est à retrouver en bas de l’article. 

Acaibo Trinite Estate 2014 : Le nez est très expressif sur des notes de cèdre et de boîte à cigare. L’attaque est très fine, la sensation de minéralité traduit une belle acidité des sols. La structure tannique est délicate, dans l’esprit margalais avec une dominante sur le bâton de réglisse mêlé à des notes herbacées. Un joli coup d’essai composé de 85% de cabernet-sauvignon, de 9% de merlot et 6% de cabernet franc. 

Acaibo Trinite Estate 2015 : Ce fut un millésime frais pour la Californie et les propriétaires se sont largement accommodés de ces conditions climatiques. Le nez délivre davantage de tension, de minéralité avec des notes de cassis et de menthe. L’attaque est riche, dense, la grosse cerise noire danse en bouche. La maturité est parfaite : les 20% de cabernet franc ont tendu ce 2015 avec un touché sur le velours. Les 80% de bois neuf sont parfaitement intégrés. 

Acaibo Trinite Estate 2016 : De nouveau confronté à un millésime solaire, le couple a cherché la fraîcheur, aussi bien au vignoble avec une quête de la juste maturité qu’au chai avec l’extraction la plus douce possible. Le nez floral met du temps à s’ouvrir, des notes torréfiées s’invitent au débat. Les fruits confits et l’eucalyptus tapissent le palais pour une très heureuse finale sur le chocolat noir. Ce millésime est constitué de 72% de cabernet sauvignon, de 18% de cabernet-franc et de 10% de merlot.   

Acaibo Trinite Estate 2017 : D’emblée, le nez est très racé, sur l’eucalyptus et la menthe. Les fortes chaleurs se sont surtout imposées au mois de septembre mais l’été ne fut pas caniculaire. Il en ressort un 2017 très frais, le cassis qui craque sous la dent, pour un vin très digeste malgré des tannins encore serrés sur la finale. L’assemblage retient 75% de cabernet-sauvignon, 13% de cabernet-franc et 12% de merlot, des assemblages réalisés en France avec l’appui d’Éric Boissenot.  

Acaibo Trinite Estate 2018 : Un millésime solaire pour un nez très pauillacais sur la noblesse sinon l’orgueil du cabernet sauvignon. Ce cépage fait la loi à 85%. Il y a du monde dès le nez, de la matière pour ce vin entiché d’un très bel équilibre entre l’acidité et la sucrosité. C’est un vin debout, vivant où s’amusent le cassis, la fraise des bois et la cerise à l’eau-de-vie. La finale délaisse une très belle sensation de moka. Ce dernier millésime a la vente est encore un bébé, augurant d’une très belle garde.  
NB : Acaibo est commercialisé pour les 2/3 par la Place de Bordeaux et pour le reste sur le marché domestique américain. Le prix de la bouteille, quel que soit le millésime, avoisine les 70 euros.

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