Mailly Grand Cru sort une toute nouvelle cuvée qui marque le tournant pris par la coopérative dans son approche de la vinification sous bois, utilisé non pas pour enrichir le vin, mais pour souligner et mieux mettre en valeur les traits caractéristiques du pinot noir de ce grand cru de la face Nord de la Montagne. Nous sommes allés rencontrer Sébastien Moncuit, le chef de caves, pour en savoir davantage.
Vous êtes issu d’une famille de vignerons de la Côte des blanc, et vous travaillez dans une maison spécialisée dans les pinots noirs…
La transition a été facilitée par l’élégance des pinots noirs de Mailly, moins solaires par exemple que ceux de Bouzy, compte tenu de l’exposition générale au Nord. Les anciens disent que nos chardonnays pinotent et que nos pinots noirs chardonnisent. Notre cuvée l’Intemporelle qui allie les deux cépages reflète très bien cela. Les pinots noirs y sont majoritaires, mais se marient bien parce qu’ils sont printaniers, floraux, un peu exotiques… La force de Mailly, c’est d’être capable de produire des pinots noirs qui n’ont pas une expression de fruits rouges mais plutôt de fruits jaunes, de mirabelle.
Vous sortez aujourd’hui une nouvelle cuvée « Poétique de la terre », quelle est au juste son originalité ?
Cela faisait quatorze ans que nous n’avions pas sorti une nouvelle cuvée. L’idée est de continuer à approfondir l’exploration de l’ADN du pinot noir de Mailly à travers le travail du bois. Jusqu’ici, celui-ci n’intervenait que comme épice dans nos assemblages, alors qu’il représente dans cette cuvée la majorité soit 63 %, dont 50 % de vins vinifiés en fût et 13 % de vins élevés en foudres. Nous avons choisi la base 2016, dont le velouté et le côté généreux se prêtaient bien à l’expérience. Nous disposions déjà de fûts lorsque je suis arrivé en 2013 mais nous utilisions des barriques âgées. Le problème, c’est que si elles participent à la complexité des vins, elles ont aussi tendance à les fatiguer, en donnant un côté vineux qui ne correspond plus au style contemporain recherché par la clientèle. Cela confère un caractère très oxydatif, un peu bodybuildé, qui sature vite le consommateur. Quelques grandes maisons travaillent avec de vieux fûts, mais elles réduisent le passage du vin à un temps très court. Alors que dans les barriques plus jeunes, la micro-oxygénation est équilibrée par les propriétés anti-oxydantes des tanins encore présents dans le bois. Enfin, on peut facilement nettoyer une cuve. Un fût c’est plus compliqué, et lorsqu’il est ancien, il y a davantage de risques microbiologiques qui peuvent ensuite conduire à des déviations.
Vous dites chercher par le bois à souligner les traits naturels du pinot noir de Mailly pour mieux les mettre en évidence, expliquez-nous…
Le pinot noir de Mailly se distingue par sa capacité à combiner une fraîcheur naturelle, liée à l’acidité du terroir, et une forme de retenue dans les maturités qui lui donne toujours une petite tanicité structurante en fin de bouche. Elle ressemble à l’amertume tonique du schweppes. Tout l’intérêt de fûts jeunes, c’est qu’ils permettent justement de souligner cette petite amertume rafraîchissante grâce aux tanins du bois qui n’ont pas été lessivés par de trop nombreuses vinifications. Aussi, plutôt que de chercher le côté vanillé et sucrant, nous sélectionnons des bois plus structurants, rigides, longilignes, et une chauffe qui débouche sur des notes grillées.
Le bois accentue par ailleurs le caractère épicé, typique également de Mailly. Le terroir, à la suite de l’effondrement du cirque, a été chahuté dans tous les sens et nous avons quelques cuvettes froides. La maturation y est plus lente ce qui donne des notes végétales nobles, comme le fenouil, la chlorophylle. En vieillissant, elles se transforment en arômes épicés tels que le gingembre, le poivre, la cannelle. Les épices viennent en effet davantage de l’univers du végétal que de l’univers du fruit. Cette expression nécessitant une longue maturation, elle nous a donné l’idée de « variations » avec un deuxième dégorgement et une deuxième sortie dans les années à venir.
Enfin, dernière dimension, je travaille le bois dans un esprit champenois d’assemblage. Pour élargir la palette des notes disponibles, je multiplie les schémas. Certains vins sont simplement vinifiés sous-bois, d’autres qui ont été vinifiés en inox vont être élevés dans des foudres. Avec le réchauffement climatique et la dimension plus aléatoire des vendanges, on est de plus en plus vigilant à travailler les vins de réserve. Or, la conservation en cuve en inox génère le risque d’une réduction qui referme complètement les vins, là où le bois les amène à occuper un espace supplémentaire. A l’inverse, je trouve aussi très intéressant de faire des élevages en inox après des vinifications sous bois. Cela assouplit le côté marquant du bois neuf. De cette manière, alors que l’on avait quelque chose de saturant, d’omniprésent, on arrive à un profil pointu, précis, un univers toasté et délicat. Là-encore, on vient souligner une caractéristique de Mailly qui, en vieillissant, a naturellement tendance à prendre des notes briochées, de boulangerie, de pain au lait…
Prix: 95 €
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