Max & Friends, la Champagne autrement

Sa sincérité est désarmante, Maxime Renault, ancien ouvrier viticole, rêve depuis son enfance de produire ses propres cuvées. Ses quelques ares ne suffisent guère, alors il a trouvé trois amis pour se lancer dans une aventure plus collective autour de la marque Max & Friends, consacrée exclusivement à l’élaboration de coteaux champenois !

Maxime Renault est le fils d’un ouvrier viticole de Champillon. Dans la famille, on possède quelques ares de vignes, à Hautvillers notamment, mais pas suffisamment pour en vivre. Vinifier a toujours été un rêve de gosse. A 14 ans, il a déjà sa carte de récoltant et à 19, il réalise sa première cuvée. « J’ai fait cela dans un bidon de 10 litres. Cela a marché ! Je m’en faisais une montagne. En réalité, c’est facile. Un enfant peut élaborer du vin ! »

Pour mener ses premières expériences, il bricole le weekend dans la cave de ses grands-parents, régulièrement inondée, puis dans celle de coopératives qui le laissent vinifier à part. Le reste du temps, il est obligé d’exercer une activité salariée. « Au début, j’étais jaloux de mes amis qui avaient plus de vignes que moi. En fait, c’était une chance. Si j’étais né dans une famille avec des hectares, j’aurais été conditionné à certaines choses, je n’aurais pas pu m’exprimer librement comme aujourd’hui ». Maxime voyage. Il rencontre des vignerons qui l’inspirent comme Pierre Overnoy « Quelle pureté ! S’il y en a un qui sait ce que c’est que la vinification naturelle, c’est lui ! ». Il passe par la viticulture bio, puis biodynamique, pour finalement abandonner ces deux approches. « La biodynamie enferme, ce sont des pratiques vieilles d’un siècle qui n’ont pas bougé. Tout change, la vie change ! Cela m’empêchait d’être moi-même. On dit que l’humain est important, pourtant on laisse presque passer la nature avant l’humain. C’est ce que j’ai fait, mais c’était lié à mon manque d’amour et d’estime personnelle ».

Maxime dénonce aussi la course aux logos, et cette hiérarchie ridicule, avec tout en bas les conventionnels, ensuite les HVE, les bios et enfin les biodynamistes, convaincus d’être au-dessus de tout le monde. Il a soif d’ouverture : « J’ai envie de ramener plein de gens dans mes vignes, des personnes qui travaillent sur la musicothérapie, des mathématiciens, des philosophes… » Il se passionne aussi pour la permaculture « Entre les rangs, il y a des fraises, c’est un vrai petit jardin où j’essaie de recréer un écosystème, qu’il y ait une harmonie, des oiseaux, des fleurs, de la vie ! Si je n’avais pas été vigneron, j’aurais été paysagiste. Le vin ne se fait pas à la cave, mais à la vigne. Avant d’être un grand vinificateur, il faut être un grand vigneron, et avant d’être un grand vigneron, il faut avoir un grand cœur ! »

S’il essaie d’abord de lancer ses propres vins seul, il lui apparaît rapidement que l’aventure pour être un succès ne peut être que collective. D’où la création de Max & friends il y a deux ans, qui compte aujourd’hui quatre associés : Maxime, Cyrille Taczynski, vidéaste, Virgile Lacroix et Julie Marano, co-gérants de l’Agence Cideo. Grâce à cette structure commune, il réunit un domaine viticole plus important (1ha80) et le matériel de vinification installé dans une ferme à Romery.

L’originalité de cette nouvelle marque ? Elle ne produit que des coteaux champenois. « Ce sont des vins que l’on ne peut pas maquiller. Avec le champagne, la prise de mousse transforme le vin, sans parler de la liqueur. Je voulais élaborer des vins qui soient les plus purs possibles, les plus proches du jus de raisin ». De fait, l’approche est très peu interventionniste : levures indigènes, zéro sulfite… « Le seul produit que vous trouverez dans notre cave, c’est du savon bio pour la nettoyer ». Le rouge 2020, de très belle facture, ne présente aucune déviance. C’est un vin vif, avec des arômes de cassis, de cerise cuite et de tabac. Il devrait sortir sur le marché dans les prochains mois…

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Trois jeunes cavistes récompensés à l’Elysée

Ces étoiles montantes de la profession ont été distingués mercredi 12 janvier à Paris, à l’occasion de la 9e édition des Trophées des Rabelais des Jeunes Talents de la gastronomie 2021, organisés par la Confédération Générale de l’Alimentation en Détail (CGAD)

Ils s’appellent Marc Pottier (Cave Henri IV à Argentan), Eva Huguenotte (Conroy Vins et Spiritueux à Annemasse), Léa Perret (Nicolas à Lyon). Ces trois cavistes figuraient fièrement aux côtés de 32 autres talents primés lors des « Rabelais des Jeunes Talents de la gastronomie », compétition visant à « promouvoir l’apprentissage et les métiers de l’artisanat et du commerce alimentaire de proximité ». Agés de 17 à 26 ans, les lauréats, représentant treize métiers de la gastronomie française (boucher, boulanger, brasseur, caviste, charcutier-traiteur, chocolatier, épicier, crémier-fromager, glacier, pâtissier, poissonnier, primeur et cuisinier-serveur), ont reçu leur trophée des mains d’Emmanuel Macron, président de la république, en présence des ministres Elisabeth Borne et Jean-Baptiste Lemoyne, et de la Secrétaire d’Etat Nathalie Elimas. « Ce sont des métiers d’engagement, de passion, de transmission qui font le socle de notre nation et dont il faut être fier » a salué le chef de l’Etat.

Le futur de la gastronomie française

Orchestrée depuis 2012 par la Confédération Générale de l’Alimentation en Détail (CGAD) (organisation qui rassemble l’ensemble des métiers de l’artisanat, du commerce alimentaire de proximité et de l’hôtellerie restauration, soit plus de 415 000 entreprises alimentaires de proximité), cette cérémonie a auréolé depuis sa création 253 talents. Ces jeunes professionnels se sont distingués dans leurs métiers respectifs, à travers différents examens et concours organisés au sein de leur interprofession. C’est notamment le cas des trois titrés dans la catégorie « Caviste 2021 ». Ils ont été sélectionnés par les membres du conseil d’administration du Syndicat des cavistes professionnels (groupement qui réunit à la fois des cavistes indépendants et de chaînes, créateur du Concours du Meilleur caviste de France), pour s’être démarqués en 2020 par leur charisme et leur prestance lors de cette compétition.

La remise de prix a été ponctuée par une visite de la cave de l’Elysée, en présence de la sommelière des lieux, Virginie Routis.

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Médoc: La Tour Carnet va dépasser les 200 hectares

Bernard Magrez, le propriétaire du Grand Cru Classé 1855 La Tour Carnet, vient de faire une nouvelle acquisition de 45 hectares en Haut-Médoc pouvant – potentiellement – faire monter la taille du vignoble à au moins 225 hectares. Loin devant tous les autres…

Ce fut le signé le 10 janvier dernier. La famille Nony vient de vendre les Châteaux Caronne-Sainte-Gemme et Labat en Haut-Médoc à Bernard Magrez via son Château La Tour Carnet. Ce Grand Cru Classé 1855 étant en appellation Haut-Médoc (avec Belgrave, Cantemerle, La Lagune et Camensac), les 45 hectares pourraient être intégrés à La Tour Carnet. Il faut rappeler que le classement 1855 n’est pas un classement de vignoble mais de marque. Ainsi, moyennant des acquisitions dans la même appellation que le Grand Cru Classé, il est tout à fait possible de s’agrandir. En cela, être en appellation Haut-Médoc est une aubaine, eu égard au prix du foncier et à la disponibilité dans les appellations communales de Pauillac, Margaux, Saint-Julien ou encore Saint-Estèphe. À cette stratégie-là, Bernard Magrez est le plus fort. Avant cette acquisition, le vignoble de La Tour Carnet avoisinait les 180 hectares, le voici potentiellement à 225. Parmi les autres Grands Crus Classés 1855 viennent loin derrière les Châteaux Lascombes, Lafite-Rothschild et Lagrange qui tutoient les 120 hectares. Par ailleurs, énormément de marques classées approchent ou dépassent les 100 hectares, (Latour, Lynch Bages, Cos d’Estournel, la Lagune, Montrose, Talbot…). La moyenne des 60 Grands Crus Classés 1855 médocains étant de 70 hectares !

Il reste à connaître le devenir des 45 hectares de la famille Nony. Le Château Caronne Sainte-Gemme en comptait 38 et Labat 7. Les marques sont-elles amenées à disparaître ? La proximité des vignobles avec La Tour Carnet va-t-elle simplement opérer une répartition qualitative ? Aucune des deux parties ne souhaitent pour l’instant s’exprimer sur cette opération.

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Anthony Barton, un exemple au quotidien

Au lendemain du départ d’Anthony Barton, les témoignages pleuvent sur Saint-Julien. C’est une figure médocaine qui s’en va, plus encore une leçon de savoir-vivre.

Depuis ce mardi 18 janvier 2022, un silence étrange enveloppe le Médoc : Anthony Barton est mort. C’est un territoire, une profession, un univers qui est en deuil. Descendant d’une grande lignée de négociant et de propriétaire, il laisse le souvenir d’un homme sympathique et élégant. Son petit-fils, Damien Sartorius-Barton, fut un témoin privilégié : « Je retiens tellement de choses, une ouverture d’esprit assez unique, un grand orateur, beaucoup de charme de d’humour, tout l’inverse de l’égocentré, toujours porté sur les autres, un exemple pour moi au quotidien, dans notre malheur, nous avons la chance d’avoir tous été là pour son dernier souffle, chez lui. Il a eu une vie extraordinaire, il n’était pas destiné à venir vivre ici, éconduit de Cambridge, il est venu à Bordeaux pour travailler avec son oncle qui n’avait pas d’enfants, c’est drôle, quand on sait la carrière qui va suivre ». Le plus irlandais des Médocains rattrape à lui seul l’histoire des Grands Crus Classés 1855. Le propriétaire des Châteaux Léoville-Barton et Langoa-Barton en fut l’esprit avec tout le professionnalisme et la modestie que ça requiert. « C’était un véritable ami, avec qui j’ai entretenu des relations de confiance pendant près de 40 ans, nous avons beaucoup voyagé ensemble, il avait une connaissance intime de la culture du vin et j’aimais son élégance, sa finesse, son humour », confie Jean-Michel Cazes. De son côté, May-Éliane de Lencquesaing, l’ancienne propriétaire du Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, conserve aussi un précieux souvenir du défunt : « Anthony Barton nous quitte mais il restera le symbole de la présence irlandaise en Médoc par son élégance et celle de ses vins, par l’harmonie de sa rigueur professionnelle et de sa bienveillance. Il restera une grande figure du monde des vins de Bordeaux ». On retrouve cette estime dans les mots de Philippe Casteja, propriétaire et négociant, mais également président du Conseil des Grands Crus Classés 1855, qui a travaillé à ses côtés : « Il fut un temps vice-président du Conseil et je peux dire que c’était un homme formidable, un ami, un homme engagé et très droit, je suis très triste de sa disparition », souligne-t-il. Anthony Barton marchait sur sa quatre-vingt-douzième année. Ce 18 janvier, un peu de presqu’île fut emportée dans les remous de l’estuaire.

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[Saga Barton] Gentleman Farmer

En 1951, Anthony Barton, qui n’a que 21 ans, quitte son Irlande natale pour Bordeaux. Soixante ans plus tard et après des débuts sans le sou, il est à la tête de deux des onze crus classés de St-Julien – Léoville-Barton et Langoa-Barton -, perpétuant ainsi trois siècles d’histoire.

Terre de vins continue de rendre hommage à Anthony Barton, décédé mercredi à l’âge de 91 ans, en rediffusant la Saga que nous consacrions à sa famille en janvier 2012.

Ses cheveux tirés en arrière, son regard bleu et son élégance « so british » auraient pu attirer l’œil des cinéastes des années 1950. Seulement, Anthony Barton a pris une autre voie, un autre bois. À celui horizontal des scènes, il a préféré les courbes du chêne. Celui des douelles. Des chais et de leurs éclairages minimalistes. Bien lui en a pris. Alors que les places sont chères pour figurer au générique du « Ocean’s Eleven du Médoc » avec seulement onze crus classés à Saint-Julien, son portefeuille en aligne deux. Et non des moindres. Un second : Léoville-Barton. Et un troisième : Langoa. Un duo que les Barton possèdent depuis les années… 1820. Une exception, donc, qui inciterait même le plus mal élevé des fantômes à aller grincer du plancher ailleurs.
En effet, alors qu’à minuit sonné, il n’y a plus âme qui vive dans la plupart des grands crus de l’appellation, à Léoville-Barton rien de tel. Ici, les ectoplasmes sont priés de mettre une sourdine à leurs soupirs. N’en déplaise d’ailleurs aux très nombreux ancêtres des Barton dont la généalogie s’étire jusqu’au XVIIe siècle, se noyant dans les soubresauts du royaume d’Angleterre, leur patrie d’origine. Du moins jusqu’à ce que ces bossus du commerce ne se dispersent…

Mais pour l’heure, le château est habité. Jour et nuit. En dépit de cette tendance qui voit nombre de propriétaires de 1855 installer leurs pénates à Bordeaux. Avec la famille Borie, de Ducru-Beaucaillou, autre second cru classé de Saint-Julien, les Barton sont les derniers à vivre en permanence ici. Un enracinement qui ne saurait toutefois se résumer au seul cadre de cette chartreuse unique et de son superbe jardin gardé d’un bec de fer par un redoutable couple de cygnes. Derrière, affleure surtout le fruit d’un parcours parsemé d’embuches. Une trajectoire qui, en janvier 1951, a vu un jeune homme de 21 ans quitter son Irlande natale pour rejoindre Bordeaux et tenter sa chance dans le vin au côté de son oncle Ronald.

Mauvais souvenirs

Toutefois, si aujourd’hui Anthony Barton se féliciterait presque chaque jour d’avoir fait ce pari, il n’est pas prêt d’oublier ses premiers pas dans cette France de la IVe République et de son président Vincent Auriol. Car avant de profiter du confort d’une berline avec chauffeur et de voyager à bord des avions privés de la très select compagnie Net Jet, il a d’abord eu comme premier véhicule de ses ambitions une magnifique… galère. De ses débuts, il le dit volontiers : « Je n’étais pas heureux. Ce n’est pas un très bon souvenir. Je ne parlais pas français. J’ai eu du mal à m’installer. » Surtout qu’il ne rejoint pas le château Léoville-Barton, déjà propriété de son oncle, mais la maison de négoce Barton et Guestier dont Ronald possède 50 % des parts.
« J’ai dit à mon oncle qu’étant élevé à la campagne, dans une ferme, j’aurais préféré m’occuper de la propriété plutôt que de m’enfermer dans un bureau sombre à Bordeaux. » Peine perdue : « Tu peux oublier ça tout de suite, m’a-t-il rétorqué, parce qu’à Bordeaux on a des chances de gagner de l’argent alors qu’à la propriété on en perd tous les ans. » Là encore, précaution inutile. « J’ai passé deux ans sans toucher de salaire. Rien. J’avais un petit héritage de ma grand-mère, mais ce n’était pas suffisant. »
Trois ans plus tard, une première éclaircie se dessine néanmoins. Anthony Barton rencontre Eva, une jeune Danoise venue apprendre le français à Bordeaux. Mais alors qu’il commence à faire son chemin dans le négoce – et dans le mariage – la parenthèse Barton et Guestier se referme douloureusement avec son rachat par Seagram : « Au début, raconte-t-il, ils disent toujours : « Vous connaissez le métier, nous allons vous financer, ne vous inquiétez pas. » Mais de plus en plus, ils ont mis le nez dans nos affaires. »

Quatre ans plus tard, l’affaire est entendue. Seagram devient majoritaire. « Et leur première réaction a été de mettre la famille à la porte. » Si son oncle résiste, Anthony Barton fait partie des fusibles. « Comme j’étais plus jeune, ils m’ont remercié – c’est une expression que j’aime beaucoup en français – mais avec un coup de pied dans les fesses… »
La politesse encaissée, il hésite sur son avenir. Rentrer au pays ou s’accrocher ? Il décide de rester et ouvre sa maison de négoce Les Vins fins Anthony Barton. Nous sommes en 1968, il a 38 ans. « Je suis parti de rien. Je n’avais pas de capitaux. » Son banquier a le nez creux : la nouvelle maison Barton devient une référence.

Anthony Barton

De petits mensonges

Rétrospectivement, il valait mieux. Car ce n’est que quinze ans plus tard, en 1983, qu’il prend les rênes de Léoville-Barton et de Langoa. Mais toujours sous l’autorité de cet oncle Picsou. « Même là, je ne touchais pas de revenus de la propriété, en quelque sorte j’avais la nue-propriété mais pas l’usufruit. » Un modus operandi dont il s’accommode toutefois en forçant le destin via de petits mensonges : « On s’est toujours bien entendus, reconnaît-il. Mais quand j’ai voulu qu’il installe un nouveau fouloir-égrappoir, j’ai demandé à notre maître de chai de mentir et de dire que notre pompe était en panne et irréparable. » Ronald Barton n’y voit que du feu. Et achète l’appareil. « Mais le premier jour des vendanges, sourit Anthony Barton, on a eu du mal à le mettre en marche. Je me rappelle que mon oncle était ravi… Il regardait ça avec un grand sourire. Finalement, il est reparti avec sa canne en me disant : « Je savais que tu aurais des problèmes. » » 
Résonne encore son argument massue : « J’ai fait les 45 et les 49 avec ça, disait-il, pourquoi on ne continue pas ? » Frappée au coin du bon sens et du porte-monnaie, cette remarque lui rappelle toujours cette réflexion de Michel Bettane, compagnon de route de « Terre de vins ». Lors d’un dîner à Paris où étaient servis des 45, il avait égrainé la recette miracle d’un tel millésime :  « D’abord, il faut six ans de guerre pendant lesquels la vigne est plus ou moins abandonnée, où il n’y a pas de produits pour la traiter, où il n’y a pas de vignerons pour la tailler au bon moment et, plus important, que le propriétaire ne soit pas encore démobilisé et le plus loin possible pendant les vendanges. Comme ça, on fait du grand vin… » Anthony Barton en rit encore, lui qui désormais ne s’occupe que de l’élaboration des vins. Son entreprise de négoce étant désormais entre les mains de sa fille Lilian et de son gendre Michel Sartorius.

À jamais négociant

Toutefois, malgré son recentrage sur la propriété, il n’a jamais vraiment quitté sa casquette de négociant. Une expérience qui, si on la rapproche de ses débuts difficiles, explique en partie sa politique des prix, l’une des plus atypiques du marché. Alors que la plupart des châteaux attendent les notes de Parker, où de savoir ce que décideront les voisins, lui n’attend personne : « Je suis souvent le premier à fixer mes prix. Il ne faut pas oublier que j’ai été négociant pendant longtemps. » Surtout, il ne s’est pas engagé dans cette course à la surenchère qui a vu les prix s’envoler : « J’essaie d’être raisonnable mais à long terme, si je suis convaincu que ma politique est la bonne, on peut quand même se demander si mes voisins qui touchent 20 ou 25 % de plus n’ont pas raison. » Un de ses voisins justement lui a fait cet aveu : « Bien sûr que c’est trop cher, mais quand un train passe, je monte dessus. » Une caravane qu’a donc laissée filer Anthony Barton. Préférant les mouillages solides, ce protestant, qui a toujours vécu dans un pays catholique, observe le marché avec le calme d’un chat sûr de ses griffes : « Aujourd’hui, on vend toute la récolte en une matinée. Je préfère que mes vins soient achetés par des clients qui vont les boire. Et ce qui me satisfait, c’est qu’on voit rarement des Léoville-Barton aux ventes aux enchères. Ça veut dire qu’il n’y a pas de stocks qui se promènent sur le marché. Alors que ce n’est pas le cas pour d’autres vins qui sont tout le temps en vente et qui changent de main sans être consommés. »
Et ce n’est pas la bulle chinoise qui lui fera perdre la tête : « Il ne faut pas oublier qu’en Chine, ils sont assez changeants dans leur façon de vivre. Il y a quelques années, c’était le cognac et puis il y a eu le whisky. Maintenant, ce sont les grands vins, mais est-ce que dans quelques années ce ne sera pas le saké ? On ne sait pas. »

Lilian Barton-Sartorius et Michel Sartorius

Des leçons… d’œnologie

Une certitude, Anthony Barton inspire le respect. Pierre Lurton, qui préside aux destinées d’Yquem et de Cheval Blanc, le confirme sans détour : « Avec son épouse, ce sont de grands professionnels. Ce ne sont pas des mondains, à discuter dans les salons. Ils croient à leur marque, ils sont derrière leurs bouteilles. » Et d’ajouter : « Anthony a cette classe anglaise inimitable. C’est un gentleman de la viticulture. Il fait partie de la grande histoire de Bordeaux. »

Une histoire dont il a perpétué l’héritage avec Lilian, sa fille. Elle a grandi ici, dans ce château qui, longtemps, n’a pas compté ses gouttières dans la toiture et dont les convecteurs électriques ont souvent réchauffé le chai en catastrophe. « J’ai fait mes premières vendanges à 7 ans », sourit-elle. Pourtant, il n’était pas écrit qu’elle ferait carrière dans le vin. « Ce n’était pas prévu et puis j’avais un frère », dit-elle pudiquement. Il s’appelait Thomas. Un accident de la route l’arrachera aux siens.

« Après mes études, poursuit-elle, j’ai travaillé pendant deux ans à Hong Kong dans le transport maritime. » Une page qu’elle referme lorsque son père lui demande de rejoindre son affaire de négoce. Des débuts qu’elle entame par des cours… d’œnologie. Un enseignement que suivra aussi son mari quelques années plus tard à la suite d’un très beau virage à 180 degrés. Natif de Roubaix, les grands vins lui sont en effet totalement étrangers lorsqu’il est muté à Bordeaux en 1973. « Je travaillais dans une PME qui fabriquait des pompes industrielles. Quand je suis arrivé, ici je ne connaissais personne mais j’ai toujours voulu rester dans la région. »
En 1990, cinq ans après son mariage avec Lilian Barton, Michel Sartorius se lance donc à son tour dans le vin. À 41 ans, il découvre les bancs de la faculté d’œnologie de Talence et multiplie les stages : « J’ai appris à tailler les vignes, j’ai tourné dans les bureaux de courtage. Je voulais comprendre. » À l’issue de cet apprentissage, il envoie sa candidature à Jean-Michel Cazes, le propriétaire de Lynch-Bages. « Il m’a dit d’appeler Pierre Montagnac, le directeur général de la Compagnie Médocaine des Grands Crus, où j’ai réussi à me faire embaucher. Durant sept ans, j’ai appris le vrai métier de négociant. »
Une expérience profitable. En 1989, il rejoint sa femme à bord de la maison de négoce. « Les rôles sont clairement définis », assure-t-il. Elle à l’international, lui pour le marché hexagonal. Et Anthony Barton à la propriété. Soit la constitution d’un triangle particulièrement efficient où stratégie commerciale et précision des assemblages marchent de concert.

Et dire qu’à son arrivée à Bordeaux, le jeune Anthony n’avait goût que pour la Guinness… « Mais, glisse-t-il, je ne l’apprécie plus. » L’Irlande ne lui manque pas non plus. Et ceux qui verraient en Doon, son facétieux setter irlandais, un trait d’union avec ses racines se trompent. « La propriété de mon père a été vendue et comme elle était destinée à mon frère ainé… Mais les fois où je me sens le plus Irlandais, c’est pendant les matches de rugby. Là, oui ! »

Pourtant ce lien entre l’Irlande et les Barton n’est pas totalement distendu. Il est à chercher du côté de Lilian. Bien que née au Danemark, elle revendique pleinement son passeport irlandais : « Mon mari dit toujours que je suis la seule travailleur immigrée à ne pas vouloir la nationalité française… »
Pour ses enfants, la question est en revanche réglée. Mélanie, 21 ans, et Damien, 23 ans, sont franco-irlandais. C’est d’ailleurs pour eux que leurs parents ont acheté, en 2011, le château Mauvesin à Moulis. Une propriété de 50 hectares de vignes dont la majorité en appellation Moulis. « J’aurais vraiment été triste si personne n’avait pris la suite. Mais on ne les a pas poussés », précise Lilian Barton.

Soixante ans après son arrivée sur la pointe des pieds, Anthony Barton peut donc regarder l’avenir sereinement. « Si j’avais décidé de rentrer et de laisser tomber, j’aurais eu des regrets, vous vous rendez-compte…. Personne n’aurait pu prévoir ce qu’il passe actuellement. » Sans le savoir, en 1951, en s’embarquant pour la France, un jeune homme passionné de pêche a fait mouche. Perpétuant ainsi une riche lignée de gentlemen farmer.

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[REPLAY] « Vino Veritas » : les enjeux de la filière en 2022

Pour sa première émission de l’année, « Vino Veritas », le rendez-vous 100% vin de la chaîne TV7 (avec Sud-Ouest et Terre de Vins), se penche sur les enjeux de la filière vin en 2022.

Quels sont les enjeux de la filière vin en 2022, en particulier à Bordeaux ? Pour répondre à cette question, Xavier Sota (TV7 / Sud-Ouest) et Mathieu Doumenge (Terre de Vins) accueillent deux invités : Christophe Château, directeur de la communication du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, et Fabrice Bernard, Président-directeur général de la maison de négoce Millésima. Une émission à revoir en replay ci-dessous.

Pour voir tous les épisodes de Vino Veritas, c’est par ici.

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Des Nuits pour lire

La sixième édition des Nuits de la lecture débute ce soir et jusqu’au 23 janvier sur le thème « “Aimons toujours ! Aimons encore !”. Un événement organisé par le ministère de la Culture. À cette occasion, Terre de Vins a quelques idées de livres à soumettre, entre la poire et le fromage.

Les plats qui font péter n’est pas la suite des Particules élémentaires. C’est un petit livre (tout cosy) de cuisine devenu un classique et édité chez L’Épure. Dirigeons-nous au chapitre des menus d’hiver, l’auteur Patrice Caumon y autopsie une quiche auvergnate à la Fourme d’Ambert/Gratiné de confit de canard à l’abricot et purée d’antan/Moelleux coulant au coulis de banane. Pour accompagner la lecture de ce livre improbable et l’élaboration de ses recettes, servons-nous au passage et sans hasard un verre de Natural Syrah du Mas Amiel, une petite bombe de pureté, en biodynamie et sans sulfites. La Nuit commence bien.

Comme un livre pousse l’autre, celui d’Andrée Zana Murat mérite aussi une attention particulière : c’est une bible, une référence, « que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! » Cet ouvrage offre 1500 recettes qui réconcilient avec la cuisine car celle-ci est ludique, sans fard, des recettes les plus originales aux plus classiques – le chou farci est une tuerie ! C’est la classe, il faut l’offrir, se l’offrir tout en s’ouvrant une bouteille de Crozes-Hermitage de chez Alain Graillot. Le choix de ce dernier repose sur deux bonnes raisons. Primo, les vins sont grands. Secundo, Alain Graillot vient de raconter son histoire dans un livre co-signé avec la journaliste Laure Gasparotto. Parcours de vignerons, Éloge de l’entêtement revient sur le coup de tête d’un homme qui décide un jour de faire du vin. On découvre que rien n’aurait été possible sans une femme, une famille, des amis, un Combi et un vélo. Quelques hectares aussi pour faire des vins destinés à être… bus : « Les bouteilles Graillot ne s’inscrivent pas dans la spéculation, elles sont consommées. Alain en est heureux et espère que ceux qui les boivent le sont autant que lui », note Laure Gasparotto dont on connaît la bienveillance et le penchant pour les vins qui libèrent des histoires. Car celle d’Alain Graillot accompagne bien d’autres aventures vigneronnes, avec pour chacune leur territoire, leur langage, leur trogne. On y croise Alain Voge, le génie de Cornas, Jacques Puffeney, héros jurassien ou Marie-Thérèse Chappaz, du haut de son Valais. Comme un monument peut en cacher plein d’autres, l’histoire d’Alain Graillot rattrape aussi celle d’Alain Brumont, un entêté que Madiran ne remerciera jamais assez, ou encore Jean-Michel Cazes, l’enfant de Pauillac aussi à l’aise dans les salons de l’Élysée qu’au PMU du coin : c’est un talent, d’aucuns diront un supplément d’âme qui nous fait aimer son vin de Lynch Bages. Pierre Gagnaire, l’auteur de la préface, a raison de rappeler que « ces histoires sont le fait d’individus résolus, un peu solitaires et psychologiquement très solides ». Les grands chefs en savent quelque chose au rayon de l’abnégation sinon de la résilience.

Notre Nuit vinique et gastronomique de la lecture ne peut s’achever sans repousser les latitudes et saluer le chef anglo-israélien Ottolenghi. Tous ses livres de recettes contiennent des merveilles de saveurs et d’inventivité. Ottolenghi Test Kitchen est un nouveau voyage qu’il convient d’avoir tout près de son piano, avec une quille de Nuits-Saint-Georges, 1ER Cru Aux Chaignots de chez Faiveley. Et sur ce, très bonne Nuit !

Patrice Caumon, Les Plats qui font péter, L’Epure, 72 p., 20€

Andrée Zana Murat, Le Livre de cuisine, Albin Michel, 720 p., 19,90€

Alain Graillot & Laure Gasparotto, Parcours de Vignerons, Éloge de l’entêtement, Glénat, 182 p., 19,95€

Noor Murad & Yotam Ottolenghi, Ottolenghi Test Kitchen : Shelf Love, Ebury Press/Hachette Cuisine, 254 p., 24,95€

Programme complet des Nuits de la lecture en lien sur ce lien.

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Anthony Barton : « Danser le Charleston et boire un bon coup »

Anthony Barton, le « gentleman du Médoc », qui dirigea durant près de 30 ans les vignobles familiaux – notamment les deux grands crus classés de Saint-Julien Léoville-Barton et Langoa-Barton –, s’est éteint hier, à l’âge de 91 ans. Il y a dix ans, en janvier 2012, il se confiait « sur le Divin » à notre journaliste Jean-Charles Chapuzet.

Pour le Divin, nous devons nous tutoyer
Entendu…

Anthony, dans l’univers du vin, on parle souvent de toi comme d’un monument, qu’en dis-tu ?
Oui, je ne sais pas pourquoi. C’est compliqué de répondre à ça. On m’a souvent fait beaucoup de compliments sur le fait que je gardais mes prix assez bas alors que j’aurais pu vendre plus cher. Et maintenant je regrette un peu cette politique car parmi les vins les plus cotés, Léoville-Barton traîne. En fait, on m’apprécie car je crois que je suis gentil (sourires).

Au fond, n’y-a-t-il que le vin dans la vie ?
Ce fut ma vie bien sûr… J’ai fait beaucoup de sport, j’ai beaucoup pêché, chassé. Mon âge aujourd’hui ne me permet plus de pêcher, j’en suis malheureux, j’adorais ça notamment en Norvège, c’est magnifique et on peut faire des kilomètres sans voir personne. J’y passais parfois jusqu’à trois semaines avec mon fils qui est décédé… J’y ai fait aussi de bonnes affaires.
Enfin, j’aimais beaucoup danser le Charleston et boire un bon coup.

Parfois, songes-tu à ton ancêtre, cet Irlandais protestant Thomas Barton venant sur les terres bordelaises en 1725 ?
Honnêtement, je pense beaucoup plus à son petit-fils Hugh. Thomas, lui, a créé la maison de négoce. Ensuite, son fils William fut inutile sur le plan du travail et il était méchant. Parmi ses enfants, c’est Hugh qui va faire prospérer les affaires et acheter les propriétés.

Et ton oncle Ronald, quatre générations plus tard, qui te passa la main ?
Je me suis très bien entendu avec lui. Il était charmant et je peux le dire, dans la maison Barton & Guestier, il faisait tout.

Mais toi, tu n’étais pas destiné à prendre la suite ?
Je ne l’ai su qu’une fois arrivé en France. En Irlande, mon frère aîné a repris la propriété de mes parents. Et mon oncle, qui avait les activités bordelaises, n’a pas eu d’enfant. Sinon je serais peut-être devenu garde-chasse ou « guilly », celui qui accompagne les pêcheurs…

Tu débarques en 1951. Si tu devais garder une première image de la France ou de Bordeaux ?
J’ai d’abord eu du mal à m’intégrer dans la société bordelaise. Et c’est avec une bande d’étudiants étrangers avec qui je me suis plu. Dans ce groupe, il y avait une Danoise… (sourires). Ma vie a changé. Elle faisait un stage pour apprendre le français, la pauvre… 60 ans plus tard, elle est toujours là…

Les affaires des vins Barton n’étaient pas florissantes ?
Les propriétés perdaient de l’argent donc mon oncle m’a placé dans la partie négoce. Et moi je n’avais pas de sous, je n’étais pas payé ! C’était invraisemblable. Pour mon oncle, c’était normal. J’en ai beaucoup souffert.

En 1967, tu démissionnes de la société de négoce Barton & Guestier pour créer « Les vins fins Anthony Barton »…
La démission, c’est pour la communication ; la vérité est que je fus foutu à la porte pour des questions de jalousie, etc. Le groupe Seagram était devenu majoritaire. Comme toujours, les grands empires veulent se débarrasser de la famille. J’ai monté ma boîte sans argent, donc je travaillais sur les stocks des autres, je n’étais propriétaire de rien.

Et ce n’est qu’en 1983 que tu t’occupes réellement de la gestion des châteaux…
C’est pour ça que j’avoue que je ne suis pas un grand viticulteur. Je suis arrivé sur le tard. Mon oncle commençait à céder un peu. Je me souviens d’avoir acheté un nouvel égrappoir, je le revois avec sa canne, maugréant, et il était ravi que nous ayons des problèmes avec cette machine.

Et en 1986, au décès de ton oncle, tu décides de vivre au château…
Personne ne l’avait habité depuis longtemps. Il y avait un manque de confort extraordinaire, mais pour moi ce sont des souvenirs agréables.

Après tous ces millésimes parcourus, quel regard portes-tu sur l’évolution des vins et du marché ?
Pour moi, c’est presque un miracle. On m’aurait dit dans les années 50 que l’on vendrait nos vins aussi chers 40 ans plus tard, je ne l’aurais pas cru. Encore aujourd’hui, je me dis qu’il faut être fou pour investir dans quelque chose d’éphémère. Un tableau d’accord, mais du vin… Quand vous le buvez, ça devient du pipi (sourires).

Une colère ?
Aucune. J’ai toujours été optimiste même dans les moments difficiles. Quand AXA m’a proposé de racheter mes propriétés à un tel prix, j’ai répondu qu’il fallait être fou pour refuser, mais que j’étais fou (rires).
Plus sérieusement, je n’ai jamais cessé d’être optimiste. Lorsque mon fils est décédé dans un accident de voiture, en 1990, je me souviens d’un monsieur à Londres qui était passé par là, sa fille fut tuée pour le contenu de son sac, pour 3 livres sterling. J’ai vu cet homme qui a repris la vie, je me suis dit que je pouvais faire la même chose.

Si tu devais retenir un grand moment de bonheur dans ce milieu ?
Le magazine « The Decanter » nomme tous les ans l’homme de l’année. J’y ai eu droit. Ce fut extrêmement sympathique. J’ai demandé à mon ami Jean-Michel Cazes de faire un discours. Ce fut une petite réussite pour moi.

Et quelques déceptions ?…
Je n’ai jamais réussi à défaire l’image pour le château Langoa d’être le petit frère du château Léoville-Barton. Ça m’agace, mais c’est comme ça. C’est un peu de ma faute en vendant plus cher Léoville, j’ai dû négliger Langoa. Mais j’ai aussi une grande réussite, je suis resté marié à la même femme pendant 60 ans… (rires).

Comment s’est opéré le passage de témoin avec ta fille ?
J’ai tout donné. Je m’en suis correctement sorti fiscalement. Pour le travail, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir Lilian. Jusqu’à il y a deux ans (en 2010, ndlr), on a travaillé pendant plus de 30 ans dans la même pièce et sur le même bureau. On a des rapports superbes, je touche du bois. Et c’est aussi du bonheur avec mes deux petits-enfants qui ont traversé l’adolescence sans problème. Mélanie a désormais son diplôme d’œnologie. Damien, lui, est dans la finance, un domaine qu’il ne faut pas ignorer.

Comment vois-tu les vins de Barton dans un siècle ?
Je pense que c’est mort (rires). Non, je reste optimiste mais on peut douter de l’avenir quand on voit comment les vins de Bordeaux sont critiqués par les journalistes.

Et si le vin était une œuvre d’art, laquelle ?
Une musique bien sûr. Classique. Mozart.

Anthony, par tes racines anglo-irlandaises, tu es plutôt « Ulysses » (James Joyce), « Un Taxi mauve » (Michel Déon) ou « La Puissance et la gloire » (Graham Greene) ?
Honnêtement, « Ulysses », on s’embrouille là-dedans, je suis d’ailleurs surpris par le succès. Je connais Michel Déon, que j’apprécie, mais si je devais choisir, ce serait Graham Greene. Sur le plan littéraire, je lis toujours en anglais…

Au fond, ton cœur est irlandais ou français ?
Irlandais… non, anglais. Mes années d’études à Cambridge m’ont beaucoup marqué. Mes affaires aussi. J’ai beaucoup d’amis là-bas. Si je devais quitter la France, ce serait pour l’Angleterre. Mais pour le rugby, je reste Irlandais.

Que boira-t-on le jour de tes obsèques ?
Je m’en fous. Vraiment, je ne comprends pas les gens qui préparent leurs obsèques. On fera ce que l’on veut. Je suis un peu religieux, mais je ne crois pas à la vie éternelle.

Enfin, on peut te poser cette question, est-ce difficile d’être si sympathique ?…
(Silence) …Tu ne vas pas partir sans prendre une coupe de champagne !

Château Léoville Barton (Photo Guy Charneau)

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Adieu à Anthony Barton, le « gentleman du Médoc »

Triste nouvelle pour le monde du vin bordelais. Anthony Barton, qui a porté avec panache le flambeau des vignobles familiaux – notamment les deux grands crus classés de Saint-Julien Léoville-Barton et Langoa-Barton – pendant plus de trente ans, vient de s’éteindre à l’âge de 91 ans.

C’est une grande figure du vin qui vient de s’éteindre, un homme qui a marqué de son élégance une page d’Histoire du Médoc et de Bordeaux. Anthony Barton, que l’on surnommait le « gentleman du Médoc », s’est éteint hier à l’âge de 91 ans, nous confirme sa famille. Né en 1930 à Straffan House dans le comté de Kildare, en Irlande, Anthony a pris en 1983 la direction des exploitations viticoles familiales, à la suite de son oncle Ronald.

L’implantation des Barton à Bordeaux remonte à 1725 et à la création de l’activité de négoce par Thomas Barton. Au XIXème siècle, c’est Hugh Barton qui fit l’acquisition de vignobles dans le Médoc, appelés à devenir les châteaux Léoville-Barton et Langoa-Barton, reconnus Grands Crus Classés de Saint-Julien en 1855.

Après des études en Irlande puis en Angleterre, Anthony s’établit à Bordeaux en 1951. Dans cette période difficile qu’est l’après-guerre pour le commerce des vins, il doit faire face à une première récolte « catastrophique », qui amènera son oncle Ronald à lui confier : « Encore une récolte comme celle-ci et je devrais me résoudre à vendre ». Heureusement, 70 ans plus tard, les propriétés sont toujours dans la famille… A partir de 1983, Anthony Barton prend pleinement les rênes des vignobles familiaux, qu’il confiera progressivement, au cours des années 2000, à sa fille Lilian et à l’époux de celle-ci, Michel Sartorius. Leurs enfants Mélanie et Damien incarnent aujourd’hui la relève, et la dixième génération de Barton qui contribue à écrire la grande Histoire de Bordeaux.

Les obsèques d’Anthony Barton se tiendront vendredi 21 janvier, dans la plus stricte intimité familiale. « Terre de Vins » présente ses sincères condoléances et ses plus chaleureuses pensées à la famille Barton ainsi qu’à toute l’équipe de Barton Family Wines.

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« Terre de Vins » n°75 : prenez de la hauteur

Le nouveau numéro de « Terre de Vins » arrive cette semaine dans les kiosques. Au sommaire de ce premier numéro de 2022 : François-Xavier Demaison, une enquête sur l’explosion de la vente de vin en ligne, une escale gourmande à Margaux, des rencontres du côté de Saint-Émilion, un dossier sur les formations du vin, et bien d’autres surprises.

« Prenez de l’altitude », est-il écrit sur la couverture du n°75 de « Terre de Vins ». Prendre de l’altitude, prendre de la hauteur, c’est le fil conducteur de ce premier numéro de l’année qui, comme toujours, nous invite à explorer le vignoble français – et un peu au-delà. Prendre de la hauteur, sur les planches et dans le Roussillon, avec le comédien François-Xavier Demaison, qui dévoile son nouveau spectacle « Di(x)vin(s) » et parle avec passion de son domaine Mirmanda en vallée de l’Agly (Pyrénées Orientales). Convoiter les hauteurs d’un business florissant avec l’explosion du e-commerce du vin, comme le démontre une enquête sur les effets « vertueux » de la pandémie de Covid-19 sur les achats de vin en ligne. Se délecter des hauteurs de la belle cuisine aquitaine du chef rochelais Grégory Coutanceau, qui a posé ses casseroles au château Marquis de Terme à Margaux. Viser les hauteurs du classement de Saint-Émilion, avec Nicolas Thienpont, l’homme à la tête des châteaux Pavie-Macquin et Larcis-Ducasse, qui s’est prêté au jeu de l’entretien « sur le divin » ; mais aussi avec Château Montlabert, propriété de la famille Castel qui ambitionne d’intégrer le classement en septembre prochain. Arpenter les hauteurs, enfin, des beaux terroirs d’altitude du Languedoc, situés à 200 mètres et plus au-dessus du niveau de la mer : ils constituent le cœur du dossier dégustation de ce numéro.

Beaumes-de-Venise, Slovénie et dossier formations

De hauteur – géographique ou symbolique – il est aussi question avec la famille Mousset-Barrot, qui produit de grands vins depuis plusieurs générations à Châteauneuf-du-Pape. Avec l’ingénieur agronome et économiste Jean-Marc Touzard, qui nous parle de la façon dont la vigne s’adapte au changement climatique. Avec le vigneron et docteur en géologie Gilles Monier, qui a replanté de la vigne sur les terrasses du Cantal. Avec les beaux terroirs de Beaumes-de-Venise, au pied des Dentelles de Montmirail dans le Vaucluse, qui font l’objet d’une douce escapade entre vin rouge et vin doux naturel. Avec un dossier spécial consacré au dynamisme des coopératives françaises – dégustation à l’appui. Avec les vins de Slovénie, qui connaissent un renouveau spectaculaire. Mais aussi avec les pépites de Bugey, de Bandol (très belle verticale du domaine de La Bégude), de Lirac, de Banyuls, et même des Côtes du Couchois en Bourgogne, qui se dénichent au détour des pages de ce numéro. De hauteur, d’exigence, d’ambition, il est enfin question dans le traditionnel dossier dédié aux formations du vin, que l’on retrouve chaque année en janvier. Pour toutes celles et ceux qui veulent rejoindre la filière, ce dossier est une mine d’informations incontournables.

« Terre de Vins » n°75, 132 pages, 6 euros.
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