Master class du Tour des Cartes : un moment privilégié d’échanges entre professionnels

Dans le cadre de son concours le Tour des cartes, Terre de Vins a organisé avec ses partenaires l’IGP Pays d’Oc et le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, deux master classes en ligne. La première visait à montrer la diversité des vins de l’IGP Pays d’Oc, qui laisse beaucoup de liberté à ses vignerons pour leur permettre de s’adresser à tous les marchés. La seconde était consacrée aux spécificités des différents labels.

Pour récompenser les 100 lauréats de son concours « Le Tour des cartes », Terre de vins a l’habitude d’organiser un Free Tasting. Covid-19 oblige, la revue a décidé avec ses deux partenaires le CIVB et l’IGP Pays d’Oc, de remplacer cet événement par deux master classes en ligne. La première, animée par Delphine Lorentz, responsable communication, et le sommelier Christophe Felez, s’est attachée à montrer la diversité des vins de l’IGP pays d’Oc et de ce fait la capacité de ce terroir à alimenter tous les types d’établissements, qu’ils soient de chaîne, bistronomiques ou gastronomiques. Cette diversité, comme l’explique Delphine Lorentz, est d’abord issue de la souplesse du cahier des charges de l’IGP, qui impose moins de contraintes aux vignerons que ce soit sur le packaging (ils sont de tous types, allant de la canette à la bouteille), sur les rendements et sur les cépages (on n’en trouve pas moins de 58 autorisés !) Sans parler de la diversité des terroirs, avec un territoire qui s’étend sur l’ensemble de l’ancienne région Languedoc-Roussillon et qui comprend des vignobles aussi bien de plaine que de coteaux soumis à différentes influences selon les sols, la proximité de la mer…

Au moment de la création de l’IGP en 1987 (le terme exact alors était vin de Pays), la profession a choisi délibérément d’orienter sa stratégie de communication vers les cépages, au cœur de la personnalité de ses vins. À l’époque, la région exportait 70% de sa production, et on constatait qu’en dehors de la France plus sensible à une consommation d’AOP et d’assemblages, les consommateurs préféraient aborder les vins par cette notion plus simple et lisible. Le choix s’est avéré d’autant plus pertinent qu’on constate qu’aujourd’hui les Français sont eux aussi de plus en plus sensibles à cette approche.

La diversité et la liberté n’empêchent pas de vraies garanties sur la qualité. D’abord grâce à la dégustation de l’ensemble des vins réalisée par le contrôle interne de l’IGP. Mais aussi grâce aux conditions climatiques qui favorisent des raisins très sains et rendent moins nécessaires les traitements. Un paramètre qui explique la proportion importante d’exploitations certifiées bios (première région productrice en volume). La dégustation des cinq échantillons qui a suivi commentée par Christophe Felez achève de nous convaincre. Le domaine Serre de Guery, par exemple, avec sa cuvée sagesse, un sauvignon 2020, offre à la fois une belle régularité et un très bon rapport qualité/prix (7 euros TTC). Le nez expressif se déploie sur des notes de pêche de vigne, un côté légèrement épicé et mentholé. La bouche vive et fraîche est portée par des arômes de citron bien mûr. On imagine bien en accompagnement un poisson grillé. Un participant installé à Metz commente : « j’avais déjà été très surpris par le Gewurztraminer de ce domaine, nous sommes mosellans donc nous avons tendance à l’imaginer surtout en Alsace, l’avoir dans le Sud c’est vraiment très bon ! »

Se repérer dans la jungle des labels

La présentation de Bénédicte Martre, formatrice à l’École des vins de Bordeaux, visait à éclairer les sommeliers sur les différents labels. Car si les consommateurs sont de plus en plus nombreux à exiger des vins bios, biodynamiques ou HVE, ils ne comprennent pas toujours les différences qui existent entre ces catégories. Le point essentiel que doit saisir le consommateur sur la certification HVE, c’est qu’il s’agit d’une démarche globale, qui concerne l’ensemble de l’exploitation et ne s’arrête pas à la vigne. Elle s’intéresse aussi à la biodiversité, à la gestion des ressources en eau… Elle n’exclut pas les intrants chimiques mais oblige l’exploitant à une approche plus raisonnée en s’appuyant sur un indice de fréquence de traitement. Il n’existe pas de hiérarchie entre HVE et Bio, mais plutôt une complémentarité, une exploitation bio peut chercher à devenir HVE et inversement.

La certification bio bénéficie d’une notoriété forte. Le recours à la chimie de synthèse est exclu. On peut utiliser en revanche le sulfate de cuivre pour les maladies cryptogamiques. Côté vinification, la certification impose une réduction des sulfites (100 mg/l au lieu de 150 mg).

La biodynamie propose une approche qui dépasse l’aspect curatif en mobilisant aussi les moyens qui peuvent favoriser la défense immunitaire de la plante. Elle applique à cet effet des préparations issues du monde minéral, végétal, ou animal en fonction notamment du calendrier lunaire. Il existe deux labels privés qui certifient cette démarche : Demeter et Biodyvin.

On notera la richesse des échanges de cette master class, où les sommeliers ont été nombreux à intervenir notamment lorsque Bénédicte Martre, en introduction, a souligné qu’on réduisait trop souvent les vins de Bordeaux aux vins rouges. Pierre-Antoine Thiot (responsable de cave chez Latitude 20) a souligné l’intérêt des « clairets », une spécificité bordelaise liée à son passé anglais, qui peine aujourd’hui à trouver son public en dépit de sa très belle qualité. Son côté légèrement tanique lui permet de ne pas se cantonner à l’apéritif mais de tenir aussi sur un repas, là où un rosé léger volerait en éclats, tout en gardant une belle fraîcheur et des arômes de cerise très séducteurs.

L’originalité des cuvées dégustées a aussi retenu l’attention des sommeliers, comme « l’Inattendu » du domaine Perganson composée de cinq des six cépages bordelais. En effet, exceptionnellement sur ce millésime 2018, le vigneron a pu vendanger le même jour tous ces cépages arrivés à maturité simultanément.

Prochain rendez-vous le 14 Juin à l’Intercontinental pour la remise des prix du Tour des cartes !

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Un nouveau directeur pour l’appellation Sauternes-Barsac

Après l’élection de deux co-présidents pour l’appellation Sauternes-Barsac, voici que celle-ci vient de recruter un nouveau directeur en la personne de Pierre-Baptiste Fontaine, récemment arrivé en février 2021. Une nouvelle dynamique s’annonce. Entretien.

Quel est votre parcours Pierre-Baptiste Fontaine ?
Je suis juriste de formation car j’ai un master 2 « Droit de la vigne et du vin » de l’université de Bordeaux, obtenu en 2017. Je souhaitais sortir des carcans classiques du monde juridique en combinant ces études de droit avec le domaine du vin et de la dégustation. J’ai rejoint l’ODG (NDLR : Organisme de Défense et de Gestion) Beaujolais, à Villefranche-sur-Saône, pendant une année, avec une mission qui était de mettre en valeur l’appellation, et aussi plus particulièrement le village de Lantignié pour le faire devenir éventuellement la 11ème commune de l’appellation et qu’elle rejoigne ainsi la famille des crus du Beaujolais. J’apportais aussi un appui juridique sur l’ODG. Puis, pendant trois années, jusqu’en février 2021, j’étais au sein du syndicat général des vignerons de la Champagne, dans un service « relations avec les vignerons ». J’étais chargé d’apporter les réponses aux interprétations liées au cahier des charges de l’appellation Champagne et Coteaux-champenois. J’avais déjà rencontré David Bolzan, un des deux futurs co-présidents de l’ODG Sauternes, car il était le château parrain de la promo du master. Aujourd’hui, l’entente avec ces deux co-présidents, David Bolzan et Jean-Jacques Dubourdieu, s’est très bien faite : leur projet m’a donné beaucoup d’envie. Comme le Beaujolais ou la Champagne, le Sauternes fait la renommée du paysage viticole français. Il y a un capital sympathie très fort au sein de cette appellation. Avec les projets précis pour le futur, c’est ce qui m’a donné envie de rejoindre Jean-Jacques et David. J’ai également, à 28 ans, la volonté de monter en compétence.

Quels ont été vos premiers gestes en arrivant ?
Je suis arrivé dans un temps de contexte sanitaire compliqué mais j’ai pu rencontrer la moitié des effectifs des 140 vignerons au bout d’un mois. Je voulais rapidement créer du lien. Je me suis rendu compte qu’il y avait peu d’échanges entre les vignerons et chacun d’entre eux, à leur échelle, a des atouts, que ce soit sur les pratiques œnotouristiques, ou un travail sur un marché précis par exemple. Mettre tout cela en musique, créer de la synergie et faire découvrir nos vins, tout cela me motive. On a un produit très singulier et lorsqu’on est en face de nos clients, la magie de la dégustation parle d’elle-même et ils trouvent nos produits très bons. Mais je reste actuellement dans une phase d’appropriation et je découvre le territoire.

Quel est votre premier regard sur le produit Sauternes ?
On a la chance de s’appeler Sauternes et Barsac avec une forte notoriété. La qualité de nos vins en atteste et ce n’est pas pour rien qu’un peu plus d’une vingtaine de crus classés en 1855 se trouvent sur notre territoire. Il y a une consommation traditionnelle des Sauternes qui existe et qu’il ne faut surtout pas remettre en question. Malgré tout, il faut recruter de nouveaux consommateurs, en sortant le Sauternes d’une consommation classique comme au moment des fêtes de fin d’année. Il faut pousser pour que le Sauternes soit consommé sur des moments comme l’apéritif ou d’autres moments, des moments décontractés, y compris l’été. On doit s’appuyer sur cette notoriété tout en désaisonnalisant la consommation des Sauternes.

Quelles sont vos futures missions ?
Au-delà de la gestion courante, continuer à créer du lien avec et entre les vignerons. Mais aussi, donner un coup de jeune aux locaux, à cette maison des vignerons : on a un très bel outil, bien situé sur la place de Sauternes. Recruter de nouveaux consommateurs et rajeunir notre cible de consommateurs. Contribuer au projet de pôle œnotouristique qui sera global sur le sud Gironde et sera la tête de proue de l’appellation. Il s’agira de capitaliser tout ce qui existe dans les propriétés. Il y aura de la rénovation mais aussi de la construction : échéance 2025 pour l’ensemble du projet. Ré-inculquer la notion de qualité des vins de Sauternes chez les futurs prescripteurs professionnels du monde du vin. Et enfin, Planifier les portes ouvertes 10 et 11 juillet.
Aujourd’hui l’appellation Sauternes et Barsac est ambitieuse, et ne s’interdit rien du fait de la singularité du produit.

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[ENTRETIEN] Joséphine Duffau-Lagarrosse, retour sur terre

Elle s’est fait un prénom en quelques semaines. Au terme d’un scénario rocambolesque, la voici à la direction – et copropriétaire – du Château Beauséjour Duffau-Lagarrosse (Saint-Emilion Premier Grand Cru Classé) dont l’actionnaire majoritaire est la famille Courtin (Groupe Clarins). Alors que les autres prétendants, Stéphanie de Boüard et Matthieu Cuvelier, ont décidé de ne faire aucun recours quant à la décision de la Safer, l’œnologue Joséphine Duffau-Lagarrosse prend ses marques au sein du cru qui porte son nom. C’est pour Terre de Vins qu’elle s’exprime pour la première fois.

Quand eut lieu la signature et dans quel état d’esprit étiez-vous ?
En fait, ça a été très rapide. La signature définitive a eu lieu le lundi 12 avril dernier. C’était particulier pour moi car à la fois le fait d’apposer ma signature annonçait une page qui se tourne mais aussi et surtout le début d’une belle aventure avec la famille Courtin. Si je devais résumer mon état d’esprit à ce moment-là je dirais que j’étais à la fois fière et soulagée qu’on en soit arrivées jusque-là. Et j’avoue que pour l’instant je me pince tous les matins… et sans aucune inimitié à l’égard des autres candidats.

Vous arrivez aussitôt dans le dur puisque vos prises de fonction se sont déroulées en plein épisode de gel, pouvez-vous nous raconter ?

En effet, dans la nuit du 12 au 13 avril, des températures négatives étaient annoncées. Dès la remise des clefs, nous nous sommes donc retrouvés avec l’équipe de Beauséjour pour lutter contre le gel. Néanmoins, tout avait été prévu au préalable par Nicolas Thienpont et son équipe [qui étaient à la direction du domaine]. Nous nous sommes donc retrouvés à 4h du matin dans les vignes et avons allumé ensemble les bougies vers 6h du matin, appuyés par l’hélicoptère. Une transmission du flambeau…

C’est aussi le temps des mises en marché du 2020, qu’en est-il ?
Comme dit précédemment, tout a été très rapide… Pour l’instant, ça fait à peine 15 jours que j’ai repris la main donc j’ai besoin de ne rien précipiter, de reprendre le contrôle, de m’approprier chaque lot, chaque barrique et de m’approprier le vin afin de commencer à me dessiner le Beauséjour que j’envisage…

Sur un temps plus long, il y a la question du classement, quelle est l’ambition du Château Beauséjour Duffau-Lagarrosse, où en est le dossier ?
La même, il ne faut rien précipiter. Il faut savoir analyser et prendre en compte tout le travail qui a été fourni au préalable par les équipes pour amener cette propriété à ce niveau qualitatif reconnu.

Enfin, pouvez-vous nous dire quelles sont les prochaines étapes pour ce cru, de la vigne au chai en passant par un hypothétique consultant et quel projet avez-vous pour la maison ?
Il faut déjà que je commence par prendre mes marques, que j’aborde progressivement la saison culturale et que j’observe comment réagissent les différentes parcelles du cru, les différents cépages. Il faut prendre des notes et partager avec les personnes qui sont sur place depuis longtemps. Je vois déjà qu’on est en avance sur la pousse de la vigne. Une chose est sûre, il me tarde déjà de vinifier le millésime 2021… Pour ce qui est de la maison, nous en avons déjà parlé avec Prisca [Courtin], nous souhaitons préserver cette bâtisse qui fait le charme de Beauséjour mais rénover certainement l’intérieur qui est resté ainsi depuis la présence de mes arrière-grands-parents.

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